Plaidoyer pour une viande sans animal est paru aux PUF, il a été écrit sous la direction de David Chauvet et de Thomas Lepeltier. La préface est de Laurent Joffrin et la postface de Françoise Armengaud. Les autres contributeurs sont : Yves Bonnardel, Elise Desaulniers, Axelle Playoust-Braure, David Olivier et Alexandre Baron.
Pourriez-vous vous présenter s’il vous plait ?
Thomas Lepeltier – Je suis essayiste spécialiste en histoire et philosophie des sciences, ainsi qu’en éthique animale.
David Chauvet – Quant à moi, je suis chercheur à l’Idedh et essayiste. Mes domaines de recherche sont la philosophie du droit et le droit animalier ou plus généralement la question animale.
Pourquoi avoir écrit un plaidoyer pour la viande sans animal ?
David Chauvet – La viande de culture est incontestablement un sujet d’actualité, quoiqu’elle ne soit paradoxalement pas encore présente en grandes surfaces ni dans les restaurants, sauf très rares expérimentations. Jusqu’à présent, elle a été diabolisée dans les médias, comme je l’avais prédit il y a quelques années. Cette diabolisation s’avère non seulement médiatique mais politique : alors même que la viande de culture ne sera pas disponible avant plusieurs années voire une bonne décennie, les députés ont adopté en première lecture un article relatif à son interdiction dans les cantines scolaires. Or, cette méthode de production est appelée à se développer fortement dans l’avenir. Des investissements très importants sont réalisés dans ce secteur à travers le monde. Les enjeux sont par conséquent considérables non seulement sur le plan du bien-être animal ou du développement durable mais aussi sur le plan économique. Il serait bon de débattre sérieusement du sujet plutôt que le laisser aux seules mains de détracteurs qui ne font guère preuve de nuance en la matière. C’est aussi une exigence de pluralisme.
Est-ce que la viande sans animal a une couleur politique ?
David Chauvet – Elle ne devrait pas en avoir, mais force est de constater qu’on lui en donne une. Les médias ou personnalités de droite lui sont manifestement plus hostiles que ceux de gauche. Bien sûr, les choses ne sont pas aussi figées. De virulents détracteurs de la viande de culture sont de gauche, tendance décroissance, à l’exemple de Paul Ariès. A l’inverse, le philosophe Luc Ferry s’y est montré favorable dans son essai Les sept écologies ou dans les colonnes du Figaro. Il reste que globalement, la viande de culture semble prise en otage des clivages politiques actuels. C’est tout à fait regrettable, car la question animale, comme celle de l’écologie, est une question transversale, qui transcende les camps politiques.
Quel est l’objectif de votre plaidoyer ?
Thomas Lepeltier – Le plaidoyer a deux grands objectifs. Le premier objectif est de rendre présente dans le débat public une défense argumentée de la viande de culture. Comme David l’a déjà mentionné, on entend en effet beaucoup de dénigrement et de suspicion à son encontre, mais rarement de justifications de son intérêt. Nous espérons donc que les médias arrêteront maintenant de n’inviter que ses opposants quand ils abordent le sujet. Cela permettra d’avoir des débats plus équilibrés. Le second objectif est d’offrir au public un petit recueil facile à lire qui présente l’ensemble des arguments en faveur de cette viande de culture. Tous ceux qui s’interrogent sur l’intérêt de ce nouveau produit pourront ainsi aisément percevoir à la fois que les critiques qui lui sont adressées ne tiennent pas la route et qu’il pourra entraîner une très forte diminution du nombre d’animaux tués pour la consommation.
Mangeriez-vous cette viande sans animal ? Pensez-vous que cette offre s’adresse aux végétariens, aux végétaliens voire aux véganes ?
Thomas Lepeltier – Étant végane depuis des années, j’ai perdu l’habitude de manger de la viande et même le désir d’en manger. Je n’ai donc pas d’attente personnelle à ce sujet. Mais je le ferais volontiers pour encourager sa consommation. De toute façon, cette viande s’adresse d’abord aux omnivores. On peut très bien imaginer que, dans un premier temps, les fins gourmets vont la refuser en prétextant qu’elle est moins bonne que la viande d’élevage (ce qui ne sera pas nécessairement le cas). Mais elle peut rapidement toucher un public plus vaste qui est conscient du paradoxe de la viande, c’est-à-dire du fait que beaucoup de gens veulent à la fois continuer à manger de la viande et ne pas faire tuer des animaux pour leur plaisir culinaire. La viande de culture permet justement de sortir de ce paradoxe. Un élément important sera bien sûr son prix. Si elle est vendue à un prix similaire à celui de la viande d’élevage, voire moins chère, elle pourra convaincre une frange importante de la population. Ensuite, elle pourra intéresser des personnes qui sont déjà véganes, mais ce n’est pas à elles qu’elle s’adresse en premier lieu.
David Chauvet, docteur en droit privé et sciences criminelles, chercheur à l’Idedh et essayiste
Thomas Lepeltier, docteur en astrophysique, essayiste, spécialiste en histoire et philosophie des sciences ainsi qu’en éthique animale, membre associé du Oxford Centre for Animal Ethics (Royaume-Uni)
Savoir Animal
La rédaction - Savoir Animal
Il y a un commentaire
mayer
19 juillet 2021 à 11h08
Bonjour,
Je suis tout à fait d’accord avec vos propos ; je ne consomme plus de viande depuis longtemps. En revanche, je suis assez perplexe face à votre choix sémantique. Je suis d’avis que pour faire évoluer les consciences, appeler viande des substituts végétaux créent une confusion dans laquelle s’engage les détracteurs d’une alimentation de culture. La viande est à l’origine de souffrances inutiles ; il faut la bannir de nos assiettes, et de notre langage selon moi.