Numéro 7Culture contemporaineBernard et Jean Bernaben, Jean-Pierre Marguénaud, Terre des bêtes

Savoir Animal15 avril 20227 min

Fables, récits et pastorales de Barsanges Editions L’Age d’Homme

Questions aux auteur

Pourquoi avoir écrit ce livre ?

Bernard Bernaben : Après avoir réalisé en commun de nombreuses déambulations dans la nature, nous avons envisagé de réaliser ensemble une œuvre de « l’esprit », un objet culturel. Comme nous n’étions ni peintres, ni musiciens, ni chanteurs ce fut un livre. Sa concrétisation a été possible grâce au savoir-faire, à la faculté de susciter des capacités insoupçonnées et à la ténacité de l’universitaire de la bande.

Jean Bernaben : L’invitation à la poésie est si rare de nos jours qu’il était tentant de relever le défi, même sans prétention vis à vis des genres, fables ou pastorales, élevés à un haut niveau par les auteurs classiques

Qui sont vos deux co-auteurs ?

Jean-Pierre Marguénaud : Bernard et Jean Bernaben sont frères depuis bientôt 70 ans. J’ai rencontré Bernard il y a 50 ans tout juste sur  les bancs de la Faculté de Droit de Limoges . Depuis le lien n’a jamais été interrompu et il s’est renforcé il y a une trentaine d’années au cours de randonnées  le long des rivières auxquelles  Jean s’est associé. Nous sommes donc unis tous les trois par une sorte de ”fratermitié”. Bernard a fait carrière dans l’administration territoriale et a cultivé  pour l’histoire locale une passion qui transparaît dans les récits ; Jean, inspecteur du travail agricole, est devenu à la retraite un défenseur acharné de la Nature à qui il rend hommage dans les pastorales.

Comment s’est faite la répartition entre les fables, les récits et les pastorales ?

Bernard Bernaben : Au départ il ne devait y avoir que des fables… qu’il a été difficile d’écrire à trois mains. La formule de juxtaposition de trois genres littéraires différents, ayant pour thème fédérateur la nature et Barsanges a été retenue, en définitive. La répartition s’est faite ensuite en fonction des affinités de chacun.

Jean Bernaben : Chacun bien intégré dans la société, se reconnaît néanmoins un berceau commun : la nature domestique et sauvage, l’une côtoyant l’autre. Ensuite tout est question d’élection pour  telle ou telle forme d’expression.

A qui s’adresse votre livre ? Uniquement aux habitants de Barsanges ?

Bernard Bernaben : Aux habitants de Barsanges, bien sûr, mais ils ne sont plus très nombreux… Nous espérons que les personnes qui s’intéressent aux animaux, à la nature en générale et à la vie rurale d’hier et d’aujourd’hui y trouveront quelques centres d’intérêt.

Jean Bernaben : Pourquoi ne pas avoir à l’esprit l’espoir de faire découvrir aux habitants de nos campagnes, ruraux et néoruraux ensemble, une sensibilité qui leur échappe souvent, à eux comme aux usagers des métropoles et des conurbations plus habitués à la gestion de leur propre stress qu’à l’approche de la nature.

Peut-on affirmer que ce livre scelle une longue amitié ?

Bernard Bernaben : C’est la concrétisation d’un travail en commun dans un cadre d’amitié ancienne qu’elle conforte.

Jean Bernaben : Disons que cet ouvrage est comme un jalon posé sur le sentier de l’amitié et qu’il invite à poursuivre le chemin sans jamais se perdre.

De  qui apprenons-nous le mieux, des hommes ou des animaux ?

Bernard Bernaben : Le langage est, dit-on, le propre de l’homme ; il a parfois tendance à abuser de cette faculté pour répandre des fausses nouvelles ; le langage de l’animal se prête moins au mensonge.

Jean Bernaben : Les contempteurs de l’anthropocentrisme , tout en admettant la question, la renverserait malicieusement en demandant  si l’animal n’apprend pas aussi de l’homme. Il y a réciprocité.

Qui est le plus humain, l’homme ou l’animal ?

Bernard Bernaben : Les deux appartiennent au vivant ; à ce titre ils ont en commun des caractères « humains » et « animaux ».

Jean Bernaben : Cela dépend du niveau ou de la perspective où l’on se place : au sommet, la conscience de soi, de son être, de son devenir, apanage de l’homme, n’est peut-être pas totalement étrangère à l’animal comme la science le dévoile peu à peu après de longs siècles de négation.

S’agit-il d’un hommage nostalgique ou d’un espoir pour le futur ? Votre livre a-t-il l’odeur de vos enfances ?

Bernard Bernaben : Ce livre est inspiré des expériences de l’enfance, professionnelles, familiales ; c’est un témoignage enraciné dans un terroir et une histoire qui débouche, nous l’espérons, sur des interrogations et des réflexions utiles à nos contemporains.

Jean Bernaben : Malheureux ceux qui ne connaissent pas la nostalgie. C’est un sentiment intime et honorable qui repose sur un vécu personnel et partagé. En partant de l’expérience, elle fortifie des choix, des réflexions et des actions positives.

Peut-on affirmer qu’il y a un lien avec les fables de la Fontaine ?

Jean-Pierre Marguénaud : Dès qu’il est question de fables, il y a forcément un lien avec La Fontaine qui a monopolisé le genre au point que quiconque s’aventure à en écrire passe pour un prétentieux. Pourtant, il se publie tous les jours des romans par des auteurs qui n’espèrent pas arriver à la cheville de Balzac… Les fables de Barsanges se servent elles aussi des animaux pour dénoncer les travers des humains, mais elles tentent assez souvent de faire parler les animaux pour eux-mêmes.

Les animaux ont-ils un langage universel, celui du cœur ?

Bernard Bernaben : La question ne personnalise-t-elle pas un peu trop les animaux ?

Jean Bernaben : Les animaux  sont capables d’empathie et sans doute d’amour, même de manière interspécifique, ce qui est très surprenant. L’instinct de survie qui résulte de leur évolution millénaire est sans doute le moteur de leur langage amoureux …ou guerrier !

Est-il possible de connaître  tant la nature humaine que la nature animale ?

Bernard Bernaben : Pour répondre sainement, il faudrait que j’actualise mes connaissances philosophiques qui remontent aux années 1970…

Jean Bernaben :  Plutôt que distinguer les deux , il serait préférable de suggérer la recherche de passerelles entre les espèces au nom de l’unité du vivant et des interdépendances au sein de la biodiversité.

Les animaux font-ils évoluer l’humanité ?

Bernard Bernaben :  Le traitement bienveillant et le respect des animaux, sont des indices de progrès de l’humanité dans le comportement des humains. Le « progrès » de l’humanité reste fragile et requiert toujours plus de vigilance et d’efforts.

 Jean Bernaben : C’est bien ce que pensait, entre autres, le sage Gandhi, la science et la médecine commencent à le démontrer.

Du droit aux fables, il n’y avait qu’un pas ?

Jean-Pierre Marguénaud : Du droit en général aux fables, il n’ y a souvent qu’un ou deux pas. Du droit animalier aux fables il n’y a même pas de pas…

Ce que le droit n’a pas réussi à faire, les fables tentent-elles d’y arriver ?

Jean-Pierre Marguénaud : … car en effet elles permettent de transmettre dans un autre style, à partir de souvenirs et d’impressions personnels plutôt qu’en s’appuyant sur des arrêts de la Cour de cassation ou des articles du Code pénal, à peu près les mêmes idées que celles qui structurent le droit animalier.

Donc seul Bernard Bernaben est resté dans son domaine de compétence ?

Bernard Bernaben : On peut le dire ; mais avec ces récits il s’est affranchi avec bonheur de la rigueur scientifique pour produire des histoires qui ont l’air historiques.

Jean Bernaben : Pour antiques qu’elles soient, les pastorales sont un mode d’expression qui magnifie la nature et peuvent oser une réconciliation de l’homme et de tous les êtres vivants. Le protecteur de la nature y trouve un écrin grand ouvert pour y recevoir son expression.

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