Marc, pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs, nous résumer votre parcours?
J’ai fait des études bizarres, un mix d’agronomie, d’architecture, d’allemand et de journalisme. Je suis journaliste et réalisateur. J’ai longtemps travaillé comme journaliste de vulgarisation, d’abord en presse magazine (VSD, Ça m’intéresse, Terre Sauvage) puis en presse jeune (Mon Quotidien et l’actu, du groupe Playbac presse). J’ai aussi travaillé à la télévision (ARTE info, réalisation de docs) et j’ai été chroniqueur en plateau pour Ushuaïa TV, dans l’émission Passage au vert. Ensuite, j’ai décidé de “prendre ma retraite ” afin de voyager et de découvrir le monde. J’ai ainsi vécu 10 ans à l’étranger. Entre deux voyages au long cours, j’ai travaillé 5 ans comme prof de plongée, longtemps en mer Rouge à Sharm el Sheikh en Égypte, puis au Mexique (Playa del Carmen/Cozumel), au Honduras (Utila/Bay Islands), au Costa Rica (Tamarindo) et aux Galapagos. Ensuite, par un caprice du destin, je suis passé des profondeurs de l’océan à l’altiplano andin (>4500 m à l’année): je suis devenu guide d’expédition de montagne dans les Andes, basé à San Pedro de Atacama, au Chili. Rentré en France en 2012, j’ai retravaillé un temps à Mon Quotidien avant de devenir réalisateur de films institutionnels. La covid-19 a mis un brusque coup d’arrêt à cette activité début 2020.
C’est à ce moment que vous avez lancé le podcast Baleine sous Gravillon… Pourquoi avez-vous créé ce podcast ?
Je suis passionné de nature et d’animaux depuis l’enfance. J’ai longtemps pu marier cette passion à mes activités de journaliste, mais pas aussi souvent ni aussi en profondeur que j’en rêvais. La création de ce podcast a été pour moi une raison de vivre et de réaliser ce rêve, alors que le monde tournait au ralenti, frappé par le covid-19. Une crise sans précédent d’ailleurs liée au peu de cas que l’humanité fait de la nature : grignotage, destruction ou surexploitation des milieux sauvages. Je me suis dit qu’il était temps d’apporter ma toute petite contribution, contre ces crimes “à bas-bruit”, qui rongent la biodiversité dans l’indifférence et l’inaction à peu près générales.
Vous allez bientôt achever la saison 2 de Baleine sous Gravillon, qui a pris la forme d’entretiens avec des personnalités, auteurs, scientifiques, passionnés, témoins privilégiés, autodidactes… vous publiez 4 épisodes de 20-25 minutes chaque mercredi, sur des sujets très variés concernant la nature. Mais la saison 1 était très différente: récits courts dédiés au biomimétisme, pourquoi ce changement de cap?
Oui en effet, j’ai essuyé les plâtres avec la saison 1. Au départ, je m’étais dit qu’il fallait choisir un angle précis. Je pensais et pense toujours qu’on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre. Et que le biomimétisme, la bioinspiration (s’inspirer du vivant pour créer de nouveaux matériaux ou processus) est un secteur d’avenir, original, innovant, passionnant et utile, qui peut réconcilier l’économie, l’industrie avec le respect de la planète. Mais au terme de cette mini-saison (mai – août 2020), je me suis dit que j’avais en fait envie de parler de tous les autres sujets liés à la nature, de ne pas me restreindre. Reprendre les grandes questions, les grands cycles de base à la racine, parler de sujets très différents, des icebergs à la biorobotique, des volcans à Darwin en passant par les coccinelles. Je voulais aussi traiter des sujets difficiles et clivants, comme la question de la chasse, du brevetage du vivant ou de l’impact des chats sur la biodiversité du quotidien. Je veux comprendre, ouvrir le dialogue, sortir des préjugés, rester factuel dans un monde toujours plus « siloté », renfermé, violent, sans nuances ni bienveillance.
J’invite des spécialistes qui me fascinent, désormais sur tous les sujets. De François Sarano qui nous parle de ses amis les cachalots à son copain Pierre Mollo qui nous expose l’histoire de plancton, invisible mais essentiel. Un voyage du macro au micro, de la baleine aux virus, en passant par les arbres ou le blob, des semences libres et reproductibles aux nanoplastiques, de l’Afrique à l’Antarctique, de Sea Shepherd à L214, des chasseurs à la LPO, à la rencontre des créatures non seulement rares et précieuses, les espèces menacées et ignorées, mais aussi cette biodiversité du quotidien, invisible ou méprisée, moins exotique mais tout aussi essentielle. J’invite des philosophes qui nous expliquent comment a évolué notre rapport à la nature au fil des époques. Certains invités racontent les grandes familles d’animaux, les rapaces, les animaux de l’Antarctique, de nos forêts, des déserts… Mais j’ai un plus grand plaisir encore à parler des sans-grades, des petits, des mal-aimés, des pas vus, des méconnus et des redoutés: araignées avec Christine Rollard (une chercheuse bien connue du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), serpents avec Rémy Falchi, autodidacte herpétophile, insectes avec Ennaloël Mateo Espada, écologue et créatrice du compte instagram le Monde des Minuscules. Les invités sont parfois très connus, parfois inconnus, de tous âges, prestigieux ou encore étudiants, mais ils sont tous riches de connaissances et passionnés.
Vous tutoyez souvent vos invités, le style est plutôt détendu et direct et vous semblez avoir une obsession pour l’étymologie, est-ce une impression fondée ?
(rires) Oui j’y suis très attaché, je suis passionné par les mots et par les langues. René Char disait que les mots en savent plus sur nous que nous en savons sur eux. L’étymologie est un formidable atout: elle met l’accent sur des histoires sublimes. Par exemple “kangourou” signifie “Je ne comprends pas ce que tu dis” en langue aborigène: « c’est ce que les aborigènes répondaient aux colons blancs qui leur demandaient “quel est cet animal?” Madagascar s’appelle ainsi à cause (grâce à?) d’une erreur de Marco Polo qui pensait parler de Mogadiscio en Somalie. Le nom scientifique du chimpanzé est aujourd’hui Pan Troglodytes, le “pan” a été ajouté a posteriori car troglodytes était déjà attribué à un oiseau. Bref, oui j’aime aller dans les détails ! “le diable vit dans les détails” et moi j’y ai aussi mon petit studio… Cette recherche incessante est d’ailleurs une des raisons qui font que ce podcast est un travail à plein temps : j’y travaille jour, nuit, weekend, vacances… Chaque volet de 4 épisodes demande en moyenne 4 heures de préparation en amont. L’enregistrement des 4 épisodes dure environ 3 heures, plus deux heures de conversion, de découpage du fichier brut en épisodes et de préparation du son. J’ai à cœur de “nettoyer”, de débarrasser l’interview brute des “euh”, des bafouillages (surtout les miens) et des erreurs. Il en reste malgré tout encore beaucoup…. Donc au final chaque épisode nécessite une quinzaine d’heures de travail.
Comment allez-vous “monétiser” ce podcast, pensez-vous pouvoir en vivre?
C’est le nerf de la guerre en effet. Je sais depuis le début que je n’en vivrai pas directement, car je ne souhaite pas mettre de publicité, puisque cette dernière fait fuir les auditeurs. Ensuite parce qu’en tant qu’auditeur, la publicité me fait fuir et enfin parce que je ne veux pas dépendre d’un annonceur, je tiens trop à ma liberté ! Pour vivre, je viens de créer des collectes sur Helloasso et sur Tipeee, qui démarrent tout juste. Par ailleurs, des entreprises m’ont contacté pour créer leur propre podcast, ce qui est en cours de développement. Et je suis en pourparlers avec plusieurs mécènes, partenaires (qui étudient ou défendent la nature au lieu de la saccager). Pour toutes ces raisons, nous avons créé l’association Baleine sous Gravillon afin de recevoir les dons. BSG va aussi développer des activités de conférence en entreprises, dans les écoles, pour informer de façon très objective. À terme, avec le temps, Baleine sous Gravillon sera, je l’espère, reconnue d’utilité publique, de sorte que les donateurs (entreprises et particuliers) puissent défiscaliser ces dons. On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre comme je vous disais (rires).
Au-delà de vivre de votre passion, quelle est la mission de Baleine sous Gravillon ? Notre objectif – je dis “notre” car je suis entouré de bénévoles extraordinaires sans qui le podcast n’en serait pas là – est donc de sensibiliser le grand public sur des thèmes aussi essentiels que pressants, de présenter des animaux exceptionnels ou quotidiens dans leurs milieux. J’espère que ces interviews faciliteront la compréhension, la connaissance, la prise de conscience, la prise de responsabilité et in fine le passage à l’action: CHACUN PEUT FAIRE SA PART, s’il le souhaite.
Vous ne vous êtes pas cantonné au son ; pourquoi invitez-vous chaque semaine un photographe ou un artiste animalier et pourquoi avoir créé une chaine YouTube ?
Oui en effet, nous sommes très fiers et heureux de ce partage, bienveillant, mutuellement avantageux. Depuis presque un an, nous avons convaincu beaucoup de photographes (il en va ainsi de Frank Deschandol, Matthieu Berroneau, Olivier Gutfreund…), de venir exposer leurs plus belles photos sur notre page Facebook, et bientôt sur notre site web. Ce site va héberger des articles écrits par notre équipe et il sera ouvert à tous ceux qui le souhaitent. Ces contributeurs, passionnés eux aussi, seront bien sûr briefés, aidés, relus et modérés.
Nous avons aussi une chaîne YouTube qui, pour l’instant, propose surtout le replay des épisodes audio du podcast. Mais nous commençons aussi à produire nos propres interviews. Il y a aussi la bande-annonce avec Paul Watson de Sea Shepherd. Paul y livre son interprétation du titre de l’émission. Cette “dédicace”, obtenue grâce à notre invitée Lamya Essemlali (la fondatrice et dirigeante de Sea Shepherd France), est une médaille pour notre équipe.
Pour faire un don sur Helloasso:
… ou sur Tipeee:
Baleine sous Gravillon de Marc Mortelmans
Lien universel vers toutes les plateformes d’écoutes:
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Photo couverture © Jonathan Jagot
Savoir Animal
La rédaction - Savoir Animal