ActualitésAnimaux sauvagesInterview de Philippe Guerlet, auteur de « Les tribulations d’un réensauvageur contrarié »

Savoir Animal13 septembre 20216 min

Vous venez de publier votre nouveau livre « Les tribulations d’un réensauvageur contrarié ». Comment est née l’idée de cet ouvrage ?

J’ai cofondé il y a 7 ans, avec mon ami Jean-Baptiste Dumond, ancien directeur du WWF France, le portail www.faunesauvage.fr afin de sensibiliser le grand-public à la cause animale « sauvage ».

Au fil des années j’ai réalisé que la grande majorité des personnes était réceptive, mais pas véritablement au fait de tous les dangers qui pèsent sur la biodiversité, en France comme à l’étranger.

Par exemple mes proches ne connaissaient pas l’existence en France de l’archaïque chasse à la glu (heureusement interdite tout récemment), et personne ne réalise qu’il reste tellement peu de guépards dans le parc du Masaï-Mara au Kenya qu’ils sont chacun identifiés par un petit nom.

L’idée m’est venue d’écrire ce recueil de nouvelles pour diversifier la façon de faire passer le message, en sortant du format «les news du jour », dont l’impact s’efface le jour même sous l’effet de la mauvaise nouvelle suivante.

Justement, pourquoi ce format de nouvelles peu courant ?

Je trouvais que ce format s’adaptait particulièrement bien aux nombreux thèmes (23) que je souhaitais évoquer : court, incisif, varié.

Cela m’a permis de traiter des problématiques bien distinctes, que j’aurais eu du mal à relier entre elles dans un roman.

La captivité des animaux en cirque, la réintroduction de l’ours et la pêche électrique ne font pas appel aux mêmes émotions et évoquent des enjeux différents, même si le but ultime reste la préservation de la vie sauvage.

Je souhaitais également coller à la dure réalité, mais aussi pouvoir y mettre un peu de légèreté et d’humour. L’époque est suffisamment anxiogène pour en rajouter une couche, même s’il y a urgence. Tous les faits évoqués sont réels, j’y ai ajouté un peu de fiction pour parvenir à un dénouement « idéal »

La communauté scientifique parle plus sérieusement que moi de la sixième extinction de masse des espèces, j’apporte une autre façon d’informer et de marquer les esprits.

Vous n’épargnez personne dans vos nouvelles…

Oui, je l’avoue sans honte. Trop de compromissions, d’arrangements entre amis, d’enjeux électoralistes ou financiers, de passe-droits au niveau local ou international à mon goût.

Entre des éleveurs de visons qui « tuent en respectant le bien-être animal » ou les baleiniers Japonais qui évoquent une « recherche scientifique », il faut arrêter de nous prendre pour des lapereaux de six semaines !

Un Préfet qui autorise un « tir de prélèvement » pour abattre un loup, une Présidente de Conseil Départemental qui prône l’omerta pour couvrir un chasseur tueur d’ours, un responsable de parc aquatique qui parle de préservation des espèces, un maire qui autorise un cirque avec animaux à s’installer sur sa commune, ou encore un Président de la République qui drague ouvertement le lobby des chasseurs et son million de membres – électeurs : tous les jours l’actualité me hérisse le poil.

Le combat n’est pas gagné…

Vous avez mis en avant des associations et personnalités dans votre livre. Expliquez -nous ce choix s’il vous plaît ?

J’ai en effet souhaité offrir une tribune aux nombreuses associations engagées au quotidien afin qu’elles présentent leur action, et qu’elles replacent les nouvelles dans leur contexte actuel.

Elles ont été nombreuses à prendre la parole, de Pollinis qui lutte pour enrayer le déclin des pollinisateurs à Férus qui se bat pour que l’on foute la paix au lynx (entre autres), en passant par l’Aspas qui fait un travail remarquable en rachetant des terres afin de les « réensauvager ».

D’autres personnalités ont pris la parole pour évoquer leur combat personnel, comme Jean-Michel Bertrand qui se bat au quotidien pour que le loup soit enfin perçu comme il se doit, et protégé le cas échéant si l’Etat veut bien s’en donner la peine.

Des dessinateurs de talent se sont également joints au projet. J’admire leur capacité à faire passer un message en une fraction de seconde, souvent avec un humour corrosif.

Et je les remercie pour leur engagement désintéressé.

Parmi tous les thèmes que vous évoquez, quelle menace semble pour vous la plus dangereuse pour la biodiversité ?

Je suis particulièrement sensible à notre environnement immédiat. Et donc tous ces produits chimiques utilisés dans les cultures m’inquiètent au plus haut point, d’abord pour notre santé. La vie dans les sols est éradiquée sur plusieurs dizaines de centimètres, les insectes sont exterminés, et par voie de conséquence les oiseaux qui disparaissent faute de nourriture, sans parler de la mortalité des abeilles dont personne dans le monde politique ne semble mesurer l’importance primordiale pour la pollinisation.

Ailleurs la déforestation est un véritable fléau. Madagascar, Bornéo, et maintenant l’Amazonie. Des espèces disparaissent sous nos yeux pour augmenter la production mondiale d’ huile de palme, de soja. Une catastrophe encouragée par des gouvernements inconscients et / ou corrompus.

Enfin l’enjeu est moindre, mais j’ai une aversion démesurée pour ces chasseurs / chasseuses de trophée qui se pavanent derrière leur « prise » et se gargarisent ensuite de leur exploit dans des dîners mondains…

Pour autant tout n’est pas noir aujourd’hui pour la vie sauvage ?

En effet grâce au travail formidable des associations des combats se gagnent.

La fin de la captivité est un beau symbole. Cirques et delphinariums vont très bientôt devoir se réinventer, n’en déplaise aux dresseurs tellement proches et complices de leur « élève ».

L’interdiction de la pêche électrique et de la chasse à la glu sont aussi de belles victoires, le fruit d’un long travail juridique mené par des structures associatives et des personnalités que j’ai souhaité mettre en lumière.

Des batailles se jouent en ce moment, qu’il nous faut soutenir : réintroduction de l’ours, régulation du loup, blanc-seing accordé aux chasseurs…

Le mot de la fin

J’espère que vous prendrez du plaisir à lire ces aventures, et que j’aurais contribué à ma modeste échelle à modifier quelques consciences.

Les Tribulations d’un réensauvageur contrarié

Editions Triartis, 192 pages

Philippe Guerlet, auteur – journaliste – gestionnaire de site web – photographe, tout cela centré autour de la préservation de l’environnement en général et de la faune en particulier.

www.faunesauvage.fr

www.facebook.com/FauneSauvagefr

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