ConsommationActualitésProcès de l’élevage de cochons de Limoise fournissant la marque Herta

L214 Ethique & Animaux25 janvier 20226 min

Mercredi 26 janvier à 14 h au tribunal correctionnel de Moulins

Mercredi 26 janvier à 14 h se tiendra au tribunal correctionnel de Moulins le procès concernant l’élevage de cochons de Limoise (Allier), dont L214 avait révélé les images en décembre 2020 et en février 2021. L’élevage est poursuivi pour les infractions suivantes :

  • mauvais traitements sur les animaux (délit) : coupe systématique des queues des porcelets,
  • privation d’abreuvement et de nourriture (contravention) : dispositifs d’abreuvement à l’arrêt, animaux blessés laissés sans soins,
  • placement ou maintien d’un animal dans un environnement pouvant être cause de souffrance (contravention) : sol ajouré dans lequel les porcelets se coincent les pattes, absence de nettoyage,
  • entreposage de cadavres pendant plus de 24 h dans un dépôt non réfrigéré (contravention).

L214, représentée par Maître Caroline Lanty, sera partie civile au procès et espère une condamnation ferme.

L214 espère une condamnation dissuasive

Cet élevage détient 650 truies et près de 9 000 cochons au total, soit presque trois fois la moyenne nationale qui est de 235 truies et 3 000 cochons. Leurs conditions d’élevage sont malheureusement représentatives de l’élevage intensif en France, où 95 % des cochons sont enfermés dans des bâtiments sans accès à l’extérieur. Les cochons y vivent toute leur vie sur un sol en béton ou en plastique ajouré, au-dessus de leurs excréments, dans une promiscuité extrême. Les truies reproductrices passent la moitié de leur vie dans des cages dans lesquelles elles ne peuvent même pas se retourner pour s’occuper de leurs petits. Dès la naissance, les porcelets subissent des mutilations telles que la coupe des queues et la coupe des dents, et sont claqués au sol lorsqu’ils sont chétifs et qu’il n’est pas économiquement intéressant de les maintenir en vie.

Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « Lorsque nous avons montré ces images, elles ont été immédiatement mises en doute par les services vétérinaires de la préfecture.On peut se réjouir aujourd’hui de voir que le parquet poursuit les infractions que nous avions signalées. En particulier, la coupe systématique des queues, pratique routinière dans la quasi-totalité des élevages de cochons et tolérée par les services de l’État alors que la France a déjà été rappelée à l’ordre par la Commission européenne début 2020.

Nous espérons une condamnation efficace, proportionnée et dissuasive qui enverra un signal fort à toute la profession : la réglementation doit s’appliquer dans tous les élevages.

Par ailleurs, l’instruction du délit de tromperie a été transférée au parquet de Bobigny : pour sa “filière Préférence”, Herta met en avant le respect de la réglementation et “une démarche plus respectueuse de l’environnement et du bien-être animal”. Le jugement du tribunal correctionnel de Moulins sera donc déterminant dans cet autre dossier. Avec ces images de l’Allier, ce jugement et les images plus récentes concernant l’élevage d’Ortillon dans l’Aube, le tribunal de Bobigny pourra apprécier les allégations d’Herta.

À noter également que le recours en responsabilité pour les dysfonctionnements des services de l’État est toujours en cours. Les services de l’État n’ont pas détecté les infractions à la réglementation avant nos images, ont cherché à jeter le doute sur leur véracité, obligeant L214 à faire de nouveau la preuve des infractions par une seconde enquête. Les services de l’État n’ont pas été à la hauteur de leur mission. Nous avons bien conscience que les éleveurs sont eux-mêmes victimes d’un système qui leur demande toujours plus grand et toujours plus industriel, un système qui institutionnalise les pires conditions de vie pour les cochons. Pour en sortir, il faut montrer et faire reconnaître l’horreur que subissent les animaux. »

Une première enquête dévoilant des conditions d’élevage effroyables

Le 3 décembre 2020, L214 dévoilait une première enquête montrant les conditions terribles dans lesquelles étaient élevés les cochons de cet élevage de l’Allier : truies enfermées dans des cages de maternité à peine plus grandes que leur corps ; porcelets se coinçant les pattes dans un sol ajouré inadapté, d’autres violemment claqués contre le sol car jugés chétifs ; cochons entassés les uns sur les autres, sales, parfois blessés et laissés sans soins, sans autre distraction qu’une chaîne métallique pendant du plafond ; queues des cochons coupées pour éviter les morsures dans ces conditions d’ennui et de promiscuité extrême.

L214 avait porté plainte pour mauvais traitements des animaux et tromperie du consommateur (la plainte pour tromperie a été transférée au parquet de Bobigny en Seine-Saint-Denis où se trouve le siège de Herta).

→ Revoir la vidéo d’enquête sur YouTube

Cette enquête avait immédiatement conduit la marque Herta à cesser ses approvisionnements avec cet élevage. La chaîne de supermarchés britannique Waitrose avait également cessé de distribuer les produits Herta à base de cochon.

Complaisance et oublis des services de l’État

Suite à une inspection menée les 2 et 3 décembre, la préfecture de l’Allier concluait dans un communiqué de presse publié le 17 décembre « à la bonne tenue de l’élevage et à l’absence de non-conformité majeure », sans qu’aucun rapport d’inspection ne soit mis à disposition.

Aussi, alors même que le taux de mortalité moyen en élevage de cochons est de 20 % (soit 5 morts par jour dans un élevage de cette taille), les services vétérinaires affirmaient que « contrairement aux éléments filmés, il n’a pas été observé d’animaux en souffrance ni de cadavres. »

Aucune réponse n’était apportée sur les infractions à la réglementation mises en évidence sur les images, comme les porcelets qui naissent sur une surface dans laquelle ils peuvent se coincer les pattes, la coupe systématique des queues ou l’absence de matériaux manipulables conformes à la réglementation.

Cette communication rassurante de la préfecture avait conduit Herta à reprendre ses approvisionnements dans cet élevage, et Waitrose à distribuer à nouveau les produits Herta à base de cochon.

Une seconde vidéo montrant des non-conformités persistantes

Le 11 février 2021, L214 dévoilait une seconde enquête filmée dans le même élevage. Animaux en souffrance, non-respect de la réglementation : ces images mettaient en évidence les mêmes infractions à la réglementation, contredisant ainsi les services de la préfecture.

Dans une nouvelle communication à la presse, la préfecture de l’Allier avait finalement reconnu l’existence de « non-conformités mineures ou moyennes justifiant une mise en demeure de l’élevage ».

De son côté, L214 avait complété sa plainte auprès de la procureure de la République de Moulins et déposé un recours en responsabilité contre l’État pour les manquements des services vétérinaires à leur mission.

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