Un an après la diffusion d’images de cerfs mis à mort encore conscients dans une salle d’abattage archaïque de Courbeveille (Mayenne), l’exploitant avait assigné L214 en justice. Dans une ordonnance rendue le 5 février, le juge des référés du tribunal judiciaire de Laval a condamné L214 et requis la suppression de toutes les images de ces abattages. L214 applique les sanctions et fait appel.
Les images remontent à décembre 2023. Elles montrent des cerfs égorgés alors qu’ils sont encore conscients, dans une salle d’abattage archaïque, sans que les règles sanitaires ne soient respectées. Leur viande était destinée à être vendue dans des boucheries notamment à l’occasion des fêtes de fin d’année. L214 avait alors porté plainte pour mauvais traitements. Celle-ci a été classée sans suite par le Procureur.
L214 avait également demandé la fermeture immédiate de la salle d’abattage. Tout en avouant que les abattoirs ne sont pas adaptés aux cervidés, le préfet de la Mayenne s’était réfugié derrière une « pratique légale » pour ne pas faire droit à la demande de l’association. L214 avait saisi le juge administratif d’un recours en responsabilité contre l’État. La procédure est toujours en cours d’instruction.
Une menace pour L214 et la liberté d’expression
Sans images, sans témoignages, les animaux deviennent invisibles, leurs conditions d’élevage et d’abattage ne peuvent être questionnées et débattues. Il ne reste que des images soigneusement mises en scène par l’industrie agroalimentaire.
C’est précisément parce que les élevages et les abattoirs sont des lieux opaques que le travail d’enquête est essentiel. C’est précisément parce que ces images ouvrent des débats essentiels qu’elles sont nécessaires. C’est précisément parce que des avancées concrètes en découlent que les procédures-bâillons se multiplient.
Cette décision n’est pas seulement une menace pour L214 : elle met en péril la liberté d’expression et le droit à l’information. Et ce n’est pas un cas isolé. Ces procédures judiciaires à répétition obligent L214 à consacrer un temps, une énergie et des ressources précieuses à se défendre, au lieu de les consacrer pleinement à sa mission : la défense des animaux.
Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « Alors que le contexte devient toujours plus répressif pour les lanceurs d’alerte, cette nouvelle décision de censurer les images de nos enquêtes est une atteinte importante à la liberté d’information et à notre travail d’investigation et de sensibilisation. C’est une entrave aux avancées possibles dans une société où 96 % des Français considèrent qu’il est important de protéger le “bien-être” des animaux d’élevage. »
