Lundi 8 novembre à 13 h 30 au tribunal correctionnel de Dax
Lundi prochain se tiendra au tribunal judiciaire de Dax le procès concernant l’élevage de canards de Lichos (Pyrénées-Atlantiques), dont L214 avait révélé les images en août 2020. Les poursuites concernent 5 sites de l’exploitant et portent sur des faits de mauvais traitements sur les animaux ainsi que des atteintes à l’environnement et des manquements sanitaires et administratifs, identifiés grâce à la vidéo de L214 et à l’enquête menée ensuite par les services de l’État. L214, représentée par Maître Hélène Thouy, sera partie civile et espère qu’une interdiction d’exercer un travail en lien avec les animaux sera prononcée.
« En 15 ans d’enquêtes de terrain, jamais je n’avais vu une situation pareille ! », déclarait Sébastien Arsac, directeur des enquêtes de L214, au sujet de cet élevage. Sur les images, particulièrement choquantes, on pouvait voir un bâtiment délabré, sans fenêtres, abritant des dizaines de cages défoncées. Dans ces cages étroites, nues et grillagées, des canards en souffrance extrême, au milieu de leurs congénères morts, en état de putréfaction et parfois même à l’état de squelette. Au sol, des canards échappés des cages défoncées pataugeaient dans une couche de 15 cm d’excréments rendant l’air irrespirable. Ce flot de déjections s’écoulait à l’extérieur du bâtiment, à proximité d’un cours d’eau classé Natura 2000. Des rats, des asticots et des mouches étaient présents en grand nombre dans le bâtiment.
→ Lire le communiqué de presse de l’enquête
Lichos, mais aussi d’autres sites de l’exploitant
Les éléments fournis par L214 dans le cadre de sa plainte ont déclenché une enquête approfondie des services de l’État dans l’ensemble des exploitations de l’éleveur. De nombreux délits et contraventions ont été mis en évidence sur cinq sites d’élevage à Lichos (64), Cassen (40), Momuy (40), Larrivière-Saint-Savin (40) et Bugard (65). Mauvais traitements envers les animaux commis par un professionnel, atteintes à l’environnement, défaillances sanitaires, lacunes administratives : les poursuites engagées par le parquet sont nombreuses.
Les conditions de détention effroyables des animaux (cages délabrées et défoncées blessant les oiseaux, animaux agonisants, cadavres laissés dans les cages, épaisse couche de lisier au sol) et les problèmes sanitaires identifiés à Lichos ont été relevés de façon similaire sur un autre site de l’exploitant, à Cassen.
L’enquête a par ailleurs révélé que l’exploitant avait mis à mort lui-même 400 canes par dislocation du cou avec une pince et laissé les cadavres de ces animaux se décomposer sur place dans un bâtiment du site de Lichos. D’autre part, dans l’industrie du foie gras, seuls les mâles sont utilisés. Depuis 2015, dans le couvoir de Lichos, les canetons femelles étaient directement jetés dans une benne puis recouverts d’une bâche en plastique avec du poids par-dessus : ils mouraient étouffés ou écrasés. Des cadavres ont été retrouvés sur les sites de Momuy, Bugard et Larrivière-Saint-Savin, dont les bâtiments étaient par ailleurs insalubres.
Les préfectures des Pyrénées-Atlantiques et des Landes avaient suspendu l’activité de l’exploitant : les différents sites d’élevage sont toujours fermés, l’exploitant étant mis en demeure de les mettre en conformité.
L214 espère une interdiction d’exercer
Problèmes sanitaires, gestion administrative quasi inexistante, services de l’État absents, organisme de certification (IGP) et vétérinaire incompétents ou complaisants, endettement : tous les ingrédients étaient réunis pour amener à une situation catastrophique.
Un drame humain qui entraîne le pire pour les animaux comme pour les salariés : l’exploitant a laissé pendant des mois des animaux vivre dans des conditions effroyables et ses salariés patauger dans une épaisse couche de lisier, sans équipement, respirant de l’ammoniac à pleins poumons.
Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de l’association L214 : « Nous avons espoir qu’une interdiction définitive d’exercer un travail en lien avec les animaux sera prononcée. Vu l’état pitoyable dans lequel se trouvaient les canards encore en vie, la froideur dont a fait preuve l’exploitant pour tordre le cou à des centaines d’oiseaux et les mensonges éhontés de la copropriétaire de l’exploitation, qui a préféré nier plutôt que de reconnaître les faits, il est clair qu’aucune confiance ne peut leur être accordée. »
L214 réitère sa demande d’audit de la filière foie gras
Le dossier pénal met en lumière le manque de rigueur de Qualisud, organisme en charge du contrôle de l’IGP Canard à foie gras du Sud-Ouest, qui n’a décelé ni les mélanges de lots d’oiseaux ni la non-conformité du couvoir.
Le vétérinaire qui suit l’exploitation depuis des années, peu rigoureux dans ses contrôles, confirme qu’il était au courant pour l’étouffement des canetons et souligne que « c’est un problème récurrent sur d’autres exploitations ». Enfin, les services de l’État n’ont pas détecté les défaillances importantes des sites de l’exploitant, certains n’étant même pas déclarés.
Pourtant, seul l’exploitant est aujourd’hui poursuivi.
Quelques mois avant Lichos, nous avions montré la situation du couvoir de La Peyrouse (Dordogne) : là aussi, les canetons étaient mis à la poubelle vivants. L214 réitère donc sa demande au ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, de diligenter un audit de l’ensemble des élevages de canards reproducteurs et couvoirs de la filière foie gras et de publier les rapports complets d’inspection.
→ Lire la pétition adressée au ministre de l’Agriculture
Photo © L214