Des pratiques cruelles dans un élevage intensif de cochons en cours d’extension
L214 dévoile une enquête réalisée en août et septembre 2021 dans un élevage de cochons à Ortillon (Aube) fournissant la marque Herta pour sa « filière Préférence ». La marque se prétend plus « respectueuse du bien-être animal ».
Pourtant, les images de cet élevage, commentées par l’écrivain Jean-Baptiste Del Amo (auteur de Règne Animal, ainsi que de Le fils de l’homme, Prix Fnac 2021), montrent une tout autre réalité : des animaux vivant sur un sol en béton recouvert d’excréments, des truies enfermées dans des cages si exiguës qu’elles ne peuvent même pas se retourner, des cochons malades, certains présentant de très grosses hernies, d’autres agonisant, des mutilations pratiquées à vif sur les porcelets, des coups portés aux animaux…
Malgré le recours à de nombreux antibiotiques dont la colistine, un antibiotique classé critique par l’OMS et dont l’utilisation en élevage contribue à amplifier la menace de l’antibiorésistance, de nombreux cochons ne survivent pas à ces conditions de vie et meurent sur place.
L’association porte plainte pour mauvais traitements et tromperie du consommateur. Par ailleurs, via une pétition en ligne, L214 demande à Herta de s’engager à bannir l’élevage intensif de cochons de sa chaîne d’approvisionnement.
En dépit d’une opposition locale à son projet d’extension, le préfet de l’Aube a autorisé en septembre dernier la société d’exploitation Promontval à s’agrandir pour détenir 5 000 animaux supplémentaires, passant ainsi à 25 000 cochons. L214 dépose un recours administratif pour obtenir l’annulation de l’autorisation préfectorale.
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En décembre 2020, une enquête de L214 révélait déjà les conditions d’élevage déplorables dans lesquelles étaient élevés des cochons dans un élevage de l’Allier fournissant la marque Herta pour sa « filière Préférence ». L214 avait également déposé plainte pour mauvais traitements des animaux et contre Herta pour tromperie du consommateur. Le procès pour mauvais traitements des animaux aura lieu au tribunal correctionnel de Moulins le 26 janvier 2022 à 14 h.
Cette précédente enquête de L214 avait d’ailleurs conduit Waitrose (enseigne britannique de supermarchés) à retirer les produits Herta à base de cochon de ses rayons.
De nombreuses infractions à la réglementation
Les conditions d’élevage intensif, toujours préjudiciables aux animaux, sont ici aggravées par de nombreuses infractions, multipliant les souffrances endurées par les cochons :
- les porcelets chétifs, jugés comme ayant peu de potentiel économique, sont claqués (frappés) sur le sol. Ceux qui ne meurent pas immédiatement agonisent par terre. Cette pratique routinière ne répond pas au règlement européen du 24 septembre 2009 définissant l’abattage d’urgence ;
- la coupe des queues des porcelets (caudectomie) est systématique alors qu’il est interdit de la pratiquer de manière routinière (arrêté du 16 janvier 2003 – annexe I, chap 1er. 8) ;
- les dents des porcelets sont systématiquement coupées à la tenaille. Pourtant l’arrêté du 16 janvier 2003 (annexe, chap 1er, 8) insiste sur le fait que la méthode utilisée doit être appropriée (meulage), et justifiée, ce qui n’est pas le cas ici, l’éleveur n’ayant pas pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir les morsures des queues (caudophagie) ;
- les porcelets sont castrés à vif par déchirement des tissus. La castration à vif sera interdite à compter du 31 décembre 2021, mais le déchirement des tissus est une méthode illégale depuis 2001 ;
- les cochons blessés, malades ne sont pas soignés contrairement aux exigences du Code rural (Chap. 6, article 226.6) ;
- les truies sont frappées, ce qui est interdit par l’arrêté ministériel du 25 octobre 1982 ;
- les truies gestantes en cage ne disposent pas d’eau en permanence, contrairement aux exigences de l’arrêté du 16 janvier 2003 (annexe, chap. 1er, 7) ;
- les animaux n’ont pas de matériaux manipulables tel que l’exige l’arrêté du 16 janvier 2003 (annexe, chap. 1er, 4) ;
- les locaux sont sales, les mangeoires sont infestées de parasites. La bonne hygiène des locaux est pourtant imposée par l’arrêté du 27 décembre 2013, et recommandée par le guide des bonnes pratiques d’hygiène de l’Institut Technique du Porc (ITP).
Un arsenal de médicaments
Dans son dossier de demande d’extension (page 73), la société Promontval précise : « Les porcs sont produits sous le label « HERTA® filière Préférence », imposant notamment un élevage sans antibiotiques […] ».
Pourtant, ce même dossier (page 71) indique que les antibiotiques peuvent être administrés aux cochons destinés à l’engraissement jusqu’à l’âge de 42 jours. Les truies reproductrices peuvent en recevoir également : elles sont pour leur part vendues sous Label Rouge.
Les images montrent que l’élevage utilise effectivement un arsenal de produits médicamenteux, dont des antibiotiques. Parmi eux :
- de la colistine, un antibiotique classé dans la catégorie des antibiotiques d’importance critique à priorité élevée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ;
- de l’apramycine, un antibiotique de la famille des aminosides classé d’importance critique par l’OMS ;
- de la lincomycine, un antibiotique de la famille des lincosamides, classé d’importance élevée par l’OMS.
Herta trompe les consommateurs
La marque Herta appartient à une coentreprise constituée par les groupes Nestlé à hauteur de 40 % et par l’entreprise espagnole Casa Tarradellas à hauteur de 60 %.
Avec 220 millions de produits achetés en 2020, la marque est en première position du classement des marques les plus vendues en France.
Dans sa communication, Herta détaille ses engagements : « Depuis 2013, nous avons créé notre propre filière porcine : “HERTA® s’engage filière Préférence”. Avec cette filière, HERTA® signe les prémices de l’élevage moderne et plus responsable. […] La “filière Préférence” initie une démarche plus respectueuse de l’environnement et du bien-être animal. […] Tous les éleveurs « filière Préférence » sont engagés à nos côtés pour faire évoluer les pratiques d’élevage. »
Pourtant Herta n’a pris aucun engagement pour bannir les souffrances faites aux animaux et cautionne même de nombreuses pratiques illégales. Herta prétend agir pour le bien-être animal alors que, comme le montre l’enquête, les cochons ne sont pas élevés dans de meilleures conditions qu’en élevage standard.
Pour Johanne Mielcarek, porte-parole de l’association L214 : « Pour la seconde fois, L214 révèle l’envers du décor des élevages travaillant pour Herta et sa « filière Préférence ». Le constat est sans appel : nous sommes face à une vaste tromperie du consommateur. Loin d’être engagée à « faire évoluer les pratiques d’élevage », comme elle l’affiche, Herta va même jusqu’à fermer les yeux sur de nombreuses infractions qui rendent la souffrance des cochons plus aiguë encore. Nous portons plainte, afin qu’Herta prenne ses responsabilités et s’engage enfin à mettre fin à ces pratiques d’élevage intensives. »
Extension de cet élevage : autorisation malgré de nombreuses réserves
En septembre 2020, la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAE) avait rendu un premier avis et recommandait au préfet de l’Aube de ne pas soumettre le dossier à l’enquête publique, tant il présentait d’insuffisances majeures, voire de non-conformités à la réglementation, et demandait au pétitionnaire de revoir son dossier en profondeur.
Si l’exploitant a apporté des éléments de réponse, la MRAE estime en mars 2021 que certaines réponses restent encore peu satisfaisantes. Certains points sont à compléter notamment en ce qui concerne l’impact de l’élevage sur les nappes phréatiques et la pollution des ressources en eau.
Soumis à enquête publique, le projet avait soulevé une vague de contestations de la part des riverains. Sur les 138 observations adressées au commissaire enquêteur, 136 étaient défavorables au projet d’extension.
Dans son rapport, le commissaire enquêteur avait émis des réserves :
- la caudectomie doit être bannie sauf cas particuliers bien identifiés par un vétérinaire ;
- la castration à vif des porcelets ne doit plus être pratiquée ;
- la réduction des coins (coupe des dents) ne doit pas être systématique et être pratiquée uniquement sur un animal qui cause des blessures à ses congénères. Dans ce cas, seul le meulage doit être pratiqué.
Malgré ces réserves, la préfecture a accordé l’extension de l’élevage.
Un mode d’élevage décrié par les Français
Aujourd’hui en France, 80 % des animaux abattus proviennent d’élevages intensifs. Ce mode d’élevage concerne 95 % des cochons.
Les animaux sont confinés dans des bâtiments fermés sans accès au plein air, et vivent dans une promiscuité extrême.
Pourtant, 88 % des Français se disent opposés à l’élevage intensif.
En France et en Europe, de plus en plus d’entreprises, tous secteurs confondus, s’engagent à bannir les pires conditions d’élevage et d’abattage de leurs rayons et de leurs préparations. La marque Hénaff s’est engagée à sortir de ce modèle d’élevage.
Face à la demande des Français, Herta doit relever le défi et s’engager à son tour.
Afin d’optimiser la mobilisation contre tout projet d’élevage intensif, l’association L214 a mis en ligne un site internet qui soutient et accompagne les opposants.
→ Découvrir notre site sur les oppositions aux projets d’élevages intensifs
Les présidentielles : l’occasion de s’engager pour un moratoire
La cause animale et l’environnement constituent des enjeux électoraux majeurs.
Si les responsables politiques prennent peu à peu la mesure des attentes des citoyens, leurs actes ne sont toujours pas à la hauteur.
L214 demande la mise en place d’un moratoire suspendant immédiatement les nouvelles constructions et extensions d’élevages intensifs. L’enquête de L214 est l’occasion pour les candidats à l’élection présidentielle de se prononcer sur cette question majeure de l’élevage intensif.
Photos © L214