Alors que l’interdiction partielle de l’élimination des poussins mâles dans la filière œufs vient d’entrer en vigueur en France, L214 organise un événement au Parlement européen à Bruxelles, le 10 janvier, de 11 h à 13 h, salle Spinelli 5G1, pour que l’interdiction d’éliminer les poussins et les canetons soit inscrite dans la future législation européenne sur le « bien-être animal ».
Chercheurs experts sur l’ovosexage1, eurodéputés engagés2, représentants d’ONG européennes3 permettront de poser le sujet de l’élimination des poussins mâles et des canetons femelles au niveau de l’Union européenne. Au programme de cet événement ouvert et retransmis à distance :
- un état des lieux sur la pratique du broyage et du gazage dans l’UE,
- l’état du développement des technologies de sexage in ovo,
- les différences entre les interdictions d’élimination prononcées par certains États membres,
- la demande d’interdiction européenne portée par L214 et ses partenaires dans le cadre de la révision de la législation européenne sur le « bien-être animal ».
Vous pouvez consulter ici le programme détaillé de l’événement et vous inscrire là pour le suivre en ligne.
Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 :
« Le but de cet événement est de mobiliser les institutions européennes pour obtenir une fin réelle de l’élimination des poussins et des canetons à la naissance dans les filières poules pondeuses et foie gras. Tant qu’une interdiction ne sera pas prononcée au niveau européen, les pays membres de l’UE pourront, comme la France le fait actuellement, communiquer publiquement sur des interdictions alors qu’ils continuent d’autoriser l’élimination des oisillons par ailleurs. Les citoyens demandent des interdictions fermes et sans dérogation pour faire reculer concrètement les pires pratiques. »
Des centaines de millions de poussins gazés ou broyés dans l’UE chaque année
Ce chiffre impressionnant est une estimation du Conseil de l’UE pour la filière œufs. L’association Animal Equality avance un chiffre plus précis : 330 millions de poussins tués chaque année.
Des millions de canetons femelle sont aussi éliminés à la naissance par la filière foie gras, car leur foie, plus petit et innervé, est jugé indésirable dans la production du foie gras (hors période de grippe aviaire) : entre 2 et 12,5 millions par an pour la France seule, en fonction du marché et des crises sanitaires.
À tous ceux-là, il faudrait ajouter les poussins mâles ou femelles issus de la filière viande, broyés ou gazés de manière routinière (en fonction des commandes des élevages qui demandent parfois seulement des mâles ou des femelles, ou lorsqu’ils ne sont pas « conformes »), mais là encore les chiffres manquent.
Ces chiffres imprécis ou manquants montrent bien l’opacité organisée autour de cette pratique profondément rejetée par l’opinion publique. Un sondage YouGov/L214 mené dans 9 pays de l’UE montre un rejet très clair de l’élimination des poussins et des canetons : 64 % des Français, 76 % des Allemands ou 78 % des Italiens demandent une interdiction de l’élimination des poussins et des canetons à l’échelle européenne.
France et Allemagne : des interdictions nationales très différentes
La France et l’Allemagne sont citées comme pionnières dans l’interdiction de l’élimination des poussins dans la filière œufs. Elles ont été depuis rejointes par l’Autriche. Mais leurs interdictions diffèrent beaucoup : contrairement à l’Allemagne où la pratique est désormais interdite, l’interdiction française n’est que partielle.
La France s’était engagée en janvier 2020 à interdire l’élimination des poussins mâles de la filière poules pondeuses, mais dans les faits, une dérogation rend cette interdiction partielle. En effet, le décret du 5 février 2022, précisé par l’arrêté du 7 novembre, a introduit une dérogation concernant les poussins de la filière des poules blanches. Ils représentent 15 % des poussins selon la filière, soit 8,5 millions de poussins par an (chiffres 2021 : 57 millions de poules pondeuses dans les élevages, donc 57 millions de poussins mâles nés. 15 % de 57 millions = 8,5 millions). Ils ne sont pas ovosexés mais continuent d’être gazés à la naissance. Leurs cadavres peuvent être utilisés dans l’alimentation animale (reptiles ou autres carnivores dans les zoos ou autres établissements ou alimentation animale des chiens, chats, poissons ou cochons via l’équarrissage).
La future législation européenne pourrait interdire cette pratique
La Commission européenne travaille sur une proposition de nouvelle législation européenne sur le « bien-être animal ». Attendue pour cette année, elle pourrait inclure l’interdiction d’éliminer les poussins mâles. La commissaire européenne à la Santé et à la Sécurité alimentaire, Stella Kyriakides, a soutenu cette interdiction lors de la réunion des ministres de l’Agriculture des 27 du 17 octobre 2022, en appelant les représentants des États membres à soutenir cette interdiction.
Tout n’est pas pour autant gagné, car les filières réticentes au changement avancent la hausse des prix et le contexte d’inflation pour limiter les avancées pour les animaux. En février 2022, à l’occasion du vote sur le rapport d’exécution sur le bien-être des animaux dans les exploitations, le Parlement européen a rejeté un amendement soutenant l’interdiction de l’élimination des poussins et des canetons. Il est donc crucial que les associations et les citoyens fassent entendre leur voix auprès des institutions européennes pour que l’élimination des oisillons soit enfin interdite dans toute l’UE.
1. Matthias Corion et Simao Santos – University of Leuven.
2. Anja Hazekamp (The Left), Francisco Guerreiro (Verts), Neils Fuglsang (S&D), Michal Wiezik (Renew), Sirpa Pietikäinen (PPE).
3. L214, Animal Equality (International), CAAI (Bulgary), Animal Society (Allemagne), Eurogroup for animals (UE), HSI Europe, Animal Law Europe.