Au couvoir Caringa Sud-Ouest situé à L’Isle-Jourdain dans le Gers, des milliers de poussins sont jetés vivants dans une broyeuse, chaque semaine. D’autres sont abandonnés dans des caisses au milieu de poussins morts ou agonisants. C’est ce que montrent les nouvelles images tournées début novembre et diffusées ce jour par L214.
L214 porte plainte contre le couvoir Caringa pour abandon d’animaux jusqu’à ce que mort s’en suive (équivalent à sévices graves et acte de cruauté) auprès du procureur de Auch et demande l’interdiction du broyage des poussins dans les couvoirs, toutes filières confondues.
Le couvoir Caringa Sud-Ouest (éclosion des œufs en couveuses artificielles), filiale du groupe Maïsadour, est spécialisé dans l’accouvage des volailles dites traditionnelles et festives.
Chaque semaine, le couvoir livre environ 300 000 poussins dans les élevages. Une partie des poussins qui naissent dans ce couvoir sont triés en fonction de leur sexe car certains élevages ne souhaitent recevoir que des mâles ou, inversement, que des femelles. En fonction des commandes, les poussins du « mauvais » sexe sont convoyés par tapis roulant vers une broyeuse.
D’autres poussins sont écartés de la vente (poussin trop petit, plumage humide, cordon mal cicatrisé, malformation, etc.) : ils sont soit broyés, soit abandonnés dans des caisses.
Le broyage des poussins : une pratique généralisée
Le broyage des poussins concerne la filière des poules pondeuses, mais aussi celle des poulets élevés pour la viande (voir détails ci-dessous). Si la loi encadre, à compter du 1er janvier 2023, la mise à mort des poussins mâles issus de la filière œufs, aucune interdiction n’est cependant prévue pour les autres productions (poussins élevés pour la viande, canetons pour le foie gras, etc.).
L214 demande que tous les poussins et autres oisillons qui font l’objet d’un sexage soient sexés in ovo (détermination du sexe dans l’œuf et destruction des œufs) au lieu d’être broyés ou gazés à la naissance, et lance une pétition à destination de Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture.
Pour Sébastien Arsac, cofondateur de L214 :
« Contrairement à la communication du gouvernement en 2023, les poussins et autres oisillons continueront à être massivement broyés ou gazés en France. Les images du couvoir Caringa Sud-Ouest que nous diffusons aujourd’hui démontrent l’absurdité et l’horreur d’un système qui fait naître des oisillons pour en déverser une grande partie dans une machine qui va les réduire en bouillie quelques heures après leur naissance. Il existe aujourd’hui des solutions technologiques pour éviter ce carnage quotidien. Nous demandons l’interdiction du broyage de TOUS les poussins dans les plus brefs délais. »
Qui sont les poussins broyés ?
La filière œufs de consommation
Triés par sexe juste après leur naissance, les poussins femelles sont envoyés dans les élevages, tandis que les poussins mâles sont tués. Plus de 50 millions de poussins sont ainsi mis à mort chaque année. Le broyage et le gazage sont les deux méthodes d’élimination autorisées dans l’Union européenne, certains pays utilisant davantage l’une ou l’autre des méthodes. Théoriquement, à partir du 1er janvier 2023, il sera interdit de mettre à mort les poussins mâles dans cette filière mais, dans les faits, des dérogations permettront de poursuivre la mise à mort de millions de poussins chaque année.
La filière foie gras
En temps normal (hors pénurie due à la grippe aviaire), du fait d’un foie plus petit et plus innervé, les canes ne sont pas gavées pour produire du foie gras. L’industrie du foie gras gave uniquement les canards mâles et élimine les canetons femelles. On estime que plus de 14 millions de canetons femelles sont ainsi broyées ou gazées chaque année.
La filière volailles de chair
Comme démontré dans cette enquête menée dans le couvoir Caringa Sud-Ouest, dans les couvoirs qui font naître des poussins destinés à la production de viande, le sexage et le broyage sont aussi pratiqués en routine. Certains élevages se spécialisent dans la production de poulets sexés pour optimiser leur rendement, la croissance entre mâles et femelles étant différente. Les couvoirs commercialisent ainsi des poussins mâles ou des poussins femelles à la demande, ce qui implique sexage et élimination des poussins non vendus.
Par exemple, les poulets de souche ROSS 308 (cliquer sur « commerciaux »), poulets standards de référence au niveau mondial, sont vendus par l’accouveur Orvia soit au « tout venant » (mélange de mâles et femelles) soit sexés (mâles ou femelles).
En 2021, les 379 éleveurs du Gaévol (qui approvisionne MacDonald’s ont produit 67,4 millions de poulets lourds sexés (des mâles). Autre exemple avec de la vente de poulets mâles sur le site des volailles d’Armor.
Les mêmes pratiques s’appliquent aux élevages de dindes, pintades, oies et faisans qui peuvent également faire de l’élevage sexé (voir par exemple France Sexage). Il faut enfin ajouter les élevages de chapons (poulets mâles castrés) et les élevages de poulardes (femelles).
Les reproducteurs Pour toutes les filières, il existe des élevages spécialisés dans la production d’œufs à couver pour approvisionner les couvoirs. Les femelles et les mâles de ces élevages sont de souches différentes (appelées souches parentales), ce qui nécessite donc un sexage et entraîne également l’élimination de poussins.
Voici des exemples de lignées mâles et de lignées femelles de reproducteurs chez Hubbard, référence mondiale dans le domaine de la sélection de volailles de chair.