La justice considère que ses missions vont à l’encontre de la liberté d’expression
Le tribunal administratif de Paris a rendu aujourd’hui sa décision concernant le recours déposé par L214 contre la cellule Demeter et contre la convention signée entre la gendarmerie, le ministère de l’Intérieur, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs : les juges demandent au ministre de l’Intérieur de faire cesser les activités de la cellule de gendarmerie dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 10 000 € par jour à expiration du délai. Les juges ont considéré que ses missions, telles que « la prévention […] des actions de nature idéologique », y compris les « simples actions symboliques », méconnaissent le principe de liberté d’expression. L214 se réjouit de cette victoire importante pour les lanceurs d’alerte.
Lors de l’audience, le mardi 18 janvier 2022, deux recours ont été examinés par le tribunal :
- le premier recours, visant la convention de partenariat, a été rejeté pour irrecevabilité des associations requérantes (L214 d’une part, et Pollinis et Générations futures d’autre part) ;
- le second recours, porté par L214, demandait l’annulation de la décision du ministre de l’Intérieur refusant de dissoudre la cellule Demeter.
En donnant gain de cause à L214, les juges enjoignent de fait au ministre de mettre fin aux activités de la cellule Demeter.
Pendant l’audience, la rapporteure publique avait rappelé plusieurs cas d’intimidation de militants écologistes ou animalistes par la gendarmerie. Convoqués par la gendarmerie pour avoir donné une interview, interrogés lors d’une réunion associative, appelés à répétition, de nombreux activistes étaient dissuadés de s’exprimer publiquement. Un déploiement de moyens démesuré aussi observé par L214 : auditions à répétition, accès aux relevés téléphoniques, bornage de téléphone…
Pour la rapporteure, cela ne faisait aucun doute : les missions de la cellule Demeter, détaillées dans le dossier de presse du ministère de l’Intérieur, méconnaissent le principe de la liberté d’expression puisqu’elles ne visent pas seulement la prévention d’actes illégaux mais également la surveillance et la dissuasion de toute critique formulée à l’encontre de notre modèle agricole.
Le représentant du ministère de l’Intérieur lui-même avait dû reconnaître une « maladresse évidente » dans la rédaction des missions, ne remettant pas pour autant en question la collaboration arbitraire de cette cellule de gendarmerie avec les deux principaux syndicats productivistes (la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs).
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Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « Cette décision de justice est un véritable soulagement ! La justice a reconnu que l’existence de cette cellule de gendarmerie est incompatible avec la liberté d’expression. Ce dispositif avait pour but d’accentuer la surveillance et la répression des personnes qui osent critiquer notre modèle agricole et alimentaire. Les récits d’intimidation étaient d’ailleurs de plus en plus nombreux et faisaient froid dans le dos. Grâce à cette décision, une partie de cette pression va cesser pour les lanceurs d’alerte et pour les ONG de défense des animaux et de l’environnement.
Nous nous tournons maintenant vers les candidats à l’élection présidentielle : nous leur demandons solennellement de s’engager à protéger davantage les lanceurs d’alerte, car leur parole est essentielle pour notre démocratie. Nous leur demandons de ne plus laisser les syndicats productivistes dicter notre politique agricole et alimentaire, et ce qu’on a le droit de dire ou de ne pas dire. Nous leur demandons de défendre un modèle agricole et alimentaire qui tienne enfin compte des urgences éthiques, climatiques, sanitaires et sociales. »
Il y a un commentaire
Rybski
2 février 2022 à 13h37
Merci a L214 pour son travail de controle et de lanceurs s’ alerte