Depuis des années, les services vétérinaires laissent faire. L214 et un huissier de justice sont devant l’abattoir.
Ce vendredi 30 juillet depuis 5 h du matin, L214 est présente devant l’abattoir de dindes Ronsard au Faouët dans le Morbihan, accompagnée d’un huissier, pour constater les infractions majeures à la réglementation qui encadre les conditions de transport et d’abattage des animaux.
Ces infractions, qualifiées de “non-conformités majeures” par les services vétérinaires, sont pourtant identifiées depuis des années, comme l’attestent plusieurs rapports d’inspection depuis 2019. Malgré leur connaissance du dossier, aucune action coercitive n’a été prise par les services du ministère de l’Agriculture.
L’abattoir de dindes du Faouët est un gros abattoir industriel qui abat 100 000 dindes par semaine. Il appartient au groupe agroalimentaire Eureden (fusion des coopératives Triskalia et du Groupe d’Aucy, marques Ronsard et Paysan Breton notamment). L’abattoir fait de la prestation de service pour La Toque Bretonne, STVO (groupe Hendrix Genetics), le groupe SMV Distribution et pour Duc.
L214 s’est discrètement rendue sur place début juillet et a pu constater que pas moins de 10 camions, remplis de dindes entassées, étaient en attente dans la cour de l’abattoir sans aucun abri pour les animaux, soumis aux intempéries hiver comme été. Certains camions sont restés stationnés plus de 7 heures.
Contrairement aux exigences de la réglementation :
- Aucun abri n’est prévu pour l’attente des camions.
- Les caisses de transport ne sont pas assez hautes pour que les animaux puissent se tenir dans leur position naturelle.
- Sur la chaîne d’abattage, la durée de suspension des dindes vivantes et conscientes peut être de plus de 5 minutes là où la réglementation impose un maximum de 2 minutes.
De nombreuses autres infractions majeures figurent dans les rapports d’inspection successifs de la DDPP du Morbihan (=services vétérinaires) (Voir ci-dessous).
L214 porte plainte contre l’abattoir pour mauvais traitements envers les animaux commis par des professionnels auprès du Procureur de la République de Lorient, et dépose une plainte formelle auprès de la Commission européenne. Les résultats des observations faites à l’abattoir du Faouët seront transmis à la commission d’enquête sur la protection des animaux pendant le transport (ANIT) du Parlement européen, qui a notamment pour mission de constater les infractions à la réglementation et les actions mises en œuvre par les États membres pour y remédier.
L214 dépose également un recours en responsabilité contre l’État pour manquement à sa mission de contrôle de l’application de la réglementation.
Début juillet, Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture, a lancé un « plan abattoirs » et a demandé aux préfets « d’agir avec fermeté lorsque la situation l’impose ». Depuis des années, l’abattoir du Faouët reçoit des lettres de mise en demeure de la part des services vétérinaires sans qu’aucune action concrète ne soit menée pour faire cesser les infractions, source de souffrances aiguës pour les animaux.
Pour Sébastien Arsac, directeur des enquêtes et porte-parole de L214 : « Depuis des années, l’abattoir Ronsard situé au Faouët dans le Morbihan commet des infractions graves à la réglementation. Depuis des années, les services vétérinaires laissent faire. De ce fait, des souffrances supplémentaires sont infligées à des millions de dindes chaque année. Nous demandons sa fermeture immédiate. Après l’abattoir LDC de Blancafort, nous constatons de graves défaillances similaires à l’abattoir du Faouët. Nous demandons un audit généralisé dans tous les abattoirs de dindes afin de contrôler la taille des caisses de transport, la présence d’abris pour les animaux en attente à l’abattoir et la conformité des chaînes d’abattage. »
Des infractions pourtant bien connues de la DDPP du Morbihan
Les rapports d’inspection de la DDPP du Morbihan se suivent et se ressemblent. Les non-conformités graves sont identifiées mais sans actions contraignantes de la part des autorités qui ont pourtant les pleins pouvoirs pour suspendre l’agrément d’un abattoir.
« C – Non-conformité moyenne
Absence d’emplacement couvert pour la réception des animaux. Les camions de transport de dindes ne peuvent être abrités pendant l’attente avant l’abattage des animaux, ils sont garés le long d’une haie de peupliers, ce qui ne permet pas une bonne prise en compte des conditions climatiques. Anomalie déjà signalée lors du dernier rapport de suivi de non-conformité. […]
La chaîne de convoyage des volailles n’est pas accessible sur toute sa longueur, ce qui ne permet pas un décrochage rapide des animaux lors des pannes prolongées. »
« D – Non-conformité majeure
Absence d’emplacement couvert pour la réception des animaux. La direction n’est pas en mesure de nous fournir un échéancier des travaux de mise aux normes. Les camions de transport des animaux patientent le long d’une haie d’arbres ce qui ne permet pas de gérer correctement les aléas climatiques (chaleur ou froid). […]
La durée de convoyage des animaux sur la chaîne est trop longue (jusqu’à plus de 5 minutes pour les animaux les plus éloignés du bac d’électronarcose) et une grande partie est inaccessible en cas de nécessité de décrocher les animaux. Il s’agit d’une anomalie récurrente (mise aux normes annoncée pour 2018, puis 2019 puis finalement reportée à une date non connue).[…]
Au quai d’accrochage, les dindons de chair et les mâles de réforme ont la tête qui heurte le bac de récupération des pattes lorsque le convoyeur est abaissé au maximum. […]
Le jour de l’inspection la température extérieure était de 3,6 °C. Certains animaux en attente dans les camions grelottaient. »
« D – Non-conformité majeure
Absence d’emplacement couvert pour la réception des animaux. Les animaux sont donc exposés aux aléas climatiques (froid, pluie, chaleur). […]
La chaîne de convoyage suit un parcours bien trop long (très supérieur à 2 minutes) et n’est pas facilement accessible pour décrocher les animaux en cas de panne (en particulier les gros mâles reproducteurs). […]
Les étriers (crochets) ne sont pas adaptés aux animaux de plus gros gabarits ce qui entraîne des souffrances supplémentaires et ils cassent donc régulièrement (la surveillance et le remplacement des étriers ont néanmoins été renforcés depuis quelques mois.) »
Références réglementaires
Le Règlement (CE) n° 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 relatif à la protection des animaux pendant le transport dispose :
Annexe I, Chapitre II, 1.2 : « Un espace suffisant est prévu à l’intérieur du compartiment destiné aux animaux et à chacun des niveaux de ce compartiment afin de garantir une ventilation adéquate au-dessus de la tête des animaux lorsqu’ils sont debout dans leur position naturelle, sans qu’en aucun cas leurs mouvements naturels puissent être entravés. »
Le Règlement (CE) No 853/2004 du Conseil du 29 avril 2004 fixant des règles spécifiques d’hygiène applicables aux denrées alimentaires d’origine animale dispose :
Annexe III, Section II, Chapitre II, 1 : « Les abattoirs doivent disposer d’un local ou d’un emplacement couvert pour la réception des animaux et pour leur inspection avant l’abattage ».
Le Règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort dispose :
Annexe III, 1.2 : « Les animaux sont déchargés le plus rapidement possible après leur arrivée, puis abattus sans délai inutile. »
Annexe II, 5.1 : « Les lignes d’accrochage sont conçues et installées de manière que les oiseaux suspendus ne rencontrent aucun obstacle et que les causes de dérangement pour les animaux soient réduites au minimum. »
Annexe II, 5.2 : « Les lignes d’accrochage sont conçues de manière à ce que les oiseaux ne restent pas suspendus conscients plus d’une minute. Toutefois, les canards, les oies et les dindes ne restent pas suspendus conscients plus de deux minutes. »
Annexe II, 5.3 : « La ligne d’accrochage est facilement accessible sur toute sa longueur jusqu’au point d’entrée dans l’échaudoir, au cas où il serait nécessaire de retirer les animaux de la chaîne d’abattage. »
Un précédent avec l’abattoir LDC de Blancafort
En décembre 2020, grâce à un lanceur d’alerte, L214 a dévoilé des infractions similaires à l’abattoir de Blancafort, où sont abattues des dindes pour la marque Le Gaulois (groupe LDC) : caisses de transport inadaptées, chaîne de convoyage des animaux trop longue, inaccessibilité des animaux en cas de panne, etc.
Là aussi, les infractions étaient bien identifiées par les services vétérinaires mais c’est seulement l’exposition publique des images par L214 qui a fait réagir concrètement la DDPP.
À la diffusion des images d’enquête, l’abattoir avait été mis en demeure de se mettre aux normes sous 48 h sous menace de perdre son agrément. Certains aménagements ont été mis en place, sans résoudre toutes les non-conformités identifiées.
→ Voir notre enquête à l’abattoir de Blancafort
→ Suite de l’enquête à l’abattoir de Blancafort
Photo © L214
3 commentaires
Pingback: Infractions majeures à l’abattoir de dindes Ronsard au Faouët ⋆ | Michelle, l'amie des animaux
Buono
30 juillet 2021 à 14h33
Stop à cette cruauté.Punition sévère à l’encontre de tous ceux qui par leur indifférence font subir à ces pauvres animaux des souffrances intolérables.
Tara thomas
30 juillet 2021 à 10h08
It’s cruel!!!!