Mercredi 22 mars à 13 h 30 se tiendra se tiendra à la Cour d’appel de Riom le procès en appel de l’élevage de cochons de Limoise (Allier), condamné en avril 2022 par le tribunal correctionnel de Moulins notamment pour mauvais traitements commis sur les animaux en raison de la coupe systématique des queues des cochons et sans anesthésie. L214, partie civile au procès, espère que la condamnation de cette pratique interdite depuis près de 30 ans sera confirmée par les juges.
Cet élevage de 9 000 cochons fournissant la marque Herta, dont L214 avait révélé les images en décembre 2020 et en en février 2021, a été condamné en première instance à une peine de 50 000 € d’amende dont 25 000 € avec sursis pour la coupe systématique des queues des cochons.
C’est la première fois en France que la justice condamne cette pratique, interdite depuis près de 30 ans par la directive européenne de 1991 (applicable au 1er janvier 1994) et inscrite dans la réglementation française en 2003 (avec près de 10 ans de retard !).
La France a d’ailleurs été épinglée par la Commission européenne en 2020 pour ces mutilations : pourtant, elles continuent d’être pratiquées de manière quasi-systématique dans les élevages porcins, sans être sanctionnées par les services de l’État.
Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « La condamnation prononcée en première instance par le tribunal de Moulins met fin à une impunité de près de 30 ans dans les élevages porcins français. Cet élevage, qui faisait partie de la Filière Préférence Herta, revendiquait des bonnes pratiques d’élevage alors que les constats réalisés ont conclu à des mauvais traitements sur les animaux, des privations d’abreuvement et de soins, des animaux blessés ou malades non isolés de leurs congénères, des conditions d’élevage source de souffrance, une hygiène douteuse et des cadavres laissés jusqu’à atteindre le stade de la putréfaction. Une situation qui n’aurait jamais été mise à jour sans la plainte de l’association L214. Cet élevage a toujours privilégié sa rentabilité économique et a imposé des conditions de vie très dégradées et sources de souffrances aux animaux.
Les arguments présentés par la défense se résument à souligner qu’en France, personne ne respecte cette réglementation et que par ailleurs, ils ne sauraient pas comment faire : il faudrait des recherches complémentaires pour savoir comment ne pas couper les queues des porcelets… c’est vraiment l’art de jouer la montre. Ils peuvent pourtant prendre exemple sur la Suède ou la Finlande où l’interdiction est même totale. On comprend leur surprise et leur indignation : l’Etat ferme les yeux sur ce type d’infractions depuis tellement longtemps ! L’impunité était un acquis… C’est une chance que la justice se soit saisie de ce dossier. Nous espérons que la Cour d’Appel maintiendra ce délibéré historique. »
Une première enquête dévoilant des conditions d’élevage effroyables
Le 3 décembre 2020, L214 dévoilait une première enquête montrant les conditions terribles dans lesquelles étaient élevés les cochons de cet élevage de l’Allier : truies enfermées dans des cages de maternité à peine plus grandes que leur corps ; porcelets se coinçant les pattes dans un sol ajouré inadapté, d’autres violemment claqués contre le sol car jugés chétifs ; cochons entassés les uns sur les autres, sales, parfois blessés et laissés sans soins ; absence d’eau en permanence dans certaines salles ; absence de matériau manipulable conforme à la réglementation ; coupe systématique des queues des porcelets pour éviter les morsures dans ces conditions d’ennui et de promiscuité extrême.
L214 avait porté plainte pour mauvais traitements des animaux et tromperie du consommateur (la plainte pour tromperie a été transférée au parquet de Bobigny en Seine-Saint-Denis où se trouve le siège de Herta. Elle est toujours en cours d’instruction).
Cette enquête avait immédiatement conduit la marque Herta à cesser ses approvisionnements avec cet élevage. La chaîne de supermarchés britannique Waitrose avait également cessé de distribuer les produits Herta à base de cochon.
Complaisance et oublis des services de l’État
Suite à une inspection menée les 2 et 3 décembre, la préfecture de l’Allier concluait dans un communiqué de presse publié le 17 décembre « à la bonne tenue de l’élevage et à l’absence de non-conformité majeure », sans qu’aucun rapport d’inspection ne soit mis à disposition.
Aussi, alors même que le taux de mortalité moyen en élevage de cochons est de 20 % (soit 5 morts par jour dans un élevage de cette taille), les services vétérinaires affirmaient que « contrairement aux éléments filmés, il n’a pas été observé d’animaux en souffrance ni de cadavres. »
Aucune réponse n’était apportée sur les infractions à la réglementation mises en évidence sur les images, comme les porcelets qui naissent sur une surface dans laquelle ils peuvent se coincer les pattes, l’absence d’eau à disposition des animaux, la coupe systématique des queues ou l’absence de matériaux manipulables conformes à la réglementation.
Cette communication rassurante de la préfecture avait conduit Herta à reprendre ses approvisionnements dans cet élevage, et Waitrose à distribuer à nouveau les produits Herta à base de cochon.
Une seconde vidéo montrant des non-conformités persistantes
Le 11 février 2021, L214 dévoilait une seconde enquête filmée dans le même élevage. Animaux en souffrance, non-respect de la réglementation : ces images mettaient en évidence les mêmes infractions à la réglementation, contredisant ainsi les services de la préfecture.
Dans une nouvelle communication à la presse, la préfecture de l’Allier avait finalement reconnu l’existence de « non-conformités mineures ou moyennes justifiant une mise en demeure de l’élevage ».
De son côté, L214 avait complété sa plainte auprès de la procureure de la République de Moulins et déposé un recours en responsabilité contre l’État pour les manquements des services vétérinaires à leur mission.