Une réponse sidérante du ministère de l’Agriculture au transport illégal des oiseaux
Les eurodéputés Manuel Bompard, Claude Gruffat et Caroline Roose ont été reçus ce lundi 14 février au ministère de l’Agriculture pour obtenir des réponses sur l’illégalité persistante du transport des dindes en France. La présence de L214 a été refusée par le ministère. Les réponses données par le ministère sont sidérantes : la loi ne serait pas suffisamment précise…
Un rendez-vous à l’arraché
Il aura fallu deux enquêtes de L214 sur le transport des dindes, le constat sur place d’un huissier et de quatre parlementaires, de multiples courriers restés sans réponse, une interpellation de Mme Soubeyran, directrice de la Direction générale de l’alimentation (DGAL) devant le Parlement européen, et finalement une visite surprise au ministère de l’Agriculture début février pour obtenir une rencontre entre les parlementaires et les services du ministère – sans L214. Un simple rendez-vous arraché au prix d’une longue mobilisation.
L’enjeu ? Mettre fin à une situation d’infraction qui perdure en France depuis plus de dix ans. Les dindes sont entassées dans des caisses bien trop petites lorsqu’elles sont transportées vers l’abattoir. Conséquence : des oiseaux qui arrivent en état de stress thermique, et les cadavres de ceux qui n’ont pas survécu qui font déborder les poubelles devant l’abattoir.
L’omerta organisée par le ministère est évidente : promesses de mise en conformité non tenues, impossibilité de visiter les équipements, non-réponse aux courriers, refus de rencontre. Selon Manuel Bompard, « s’il n’y a aucun problème, on ne comprend pas qu’on ne nous laisse pas visiter les installations ».
→ Revoir notre enquête à l’abattoir de Blancafort
→ Revoir notre enquête à l’abattoir du Faouët
→ Notre retour sur les lieux en mars 2021
→ Lettre de M. Bompard et Mme Roose au MAA
→ Audition de Mme Soubeyran (à 17:59)
→ Notre communiqué de presse du 13 octobre 2021
→ Lettre des élus au ministère de l’Agriculture
Quelle réponse donnée par le ministère ?
Madame Soubeyran a voulu rassurer les parlementaires présents sur l’importance accordée par le ministère au sujet du transport des dindes. Un travail serait en cours au ministère pour définir plus précisément des recommandations de tailles de cages de transport, car selon elle, la réglementation ne serait pas assez précise pour constater une infraction.
Voici le texte du règlement sur le transport des animaux : « Un espace suffisant est prévu à l’intérieur du compartiment destiné aux animaux et à chacun des niveaux de ce compartiment afin de garantir une ventilation adéquate au-dessus de la tête des animaux lorsqu’ils sont debout dans leur position naturelle, sans qu’en aucun cas leurs mouvements naturels puissent être entravés. » (Règlement 1/2005, Annexe I, Chapitre II, 1.2)
Mme Soubeyran affirme que le ministère et les transporteurs suivent le Guide des bonnes pratiques. Ce guide, écrit par la Commission européenne, n’a aucune valeur juridique et contredit la législation en certains points. « Ce n’est pas contraignant, ce n’est pas une législation, ce n’est qu’un guide », rappelle Caroline Roose. Par ailleurs, ce guide note lui aussi qu’un espace restreint peut entraîner une asphyxie : « Un espace disponible restreint peut entraîner des chocs, des blessures, des fractures aux pattes ou aux ailes et même l’asphyxie » (p. 27).
Au vu des situations de stress thermique documentées lors de notre enquête de décembre 2020 à Blancafort, il est évident que les transporteurs ne respectent pas plus ce guide que la réglementation.
Pour Claude Gruffat : « Je ressors de cette réunion avec la désagréable sensation qu’une profession, les industriels de l’agroalimentaire, et pas les agriculteurs, cherche tous les moyens pour retarder l’application des textes. » Des choses ont bougé à l’abattoir de Blancafort selon Manuel Bompard, « et ce n’est pas parce que les industriels ont voulu les faire bouger, c’est grâce à la mobilisation, et il faut continuer à se battre ! »
Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « Le règlement est clair : les oiseaux doivent pouvoir se tenir debout et respirer. Le ministère répond que la réglementation n’est pas assez précise… puis que ce serait dangereux de les laisser se tenir debout… pour, comme habituellement, jouer la montre en invoquant des réunions et recherches…
En attendant, aux abords des abattoirs de dindes, il y a une unité de mesure très objective des souffrances qui leur sont infligées : les poubelles pleines où s’entassent les cadavres des dindes qui n’ont pas survécu aux conditions de transport. Hors de question de laisser les professionnels dicter l’application des lois. Nous continuerons de nous mobiliser pour faire reculer le calvaire de ces oiseaux. »