ActualitésSantéLoi contre la maltraitance animale : le point de vue des NAC

Brigitte Leblanc1 février 202124 min

Fin janvier, les députés de l’Assemblée Nationale se sont penchés sur la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale. Quelques avancées majeures sont à souligner pour nos animaux de compagnie, en attendant bien évidemment l’aval du Sénat.

En ce qui concerne les NAC (nouveaux animaux de compagnie, qu’ils soient domestiques ou non domestiques [1]), plusieurs mesures ont été prises, mais ils seront exclus des avancées majeures.

L’excellente nouvelle est la création d’une liste positive des animaux non domestiques susceptibles d’être détenus et donc de devenir des animaux de compagnie [2]. La nouvelle est de taille car elle permettra un bien meilleur encadrement par rapport à l’arrêté de 2018 [3] obscur et abscons qui régit leurs conditions de cession et de détention. Cette liste positive a déjà fait ses preuves, notamment en Belgique, dans la lutte contre le trafic d’animaux exotiques. Il reste à vérifier qu’elle soit complétée par des dispositions précises assurant le bien-être de ces animaux aux besoins bien spécifiques.

Par contre, la question de la vente en animalerie des NAC ainsi que l’encadrement de l’élevage des NAC domestiques (les plus communs de fait, tels le lapin, le cobaye, le rat, le canari) n’a pas été réglée. Un espoir fugace a été réduit à néant dans ce projet de loi par la phrase qui suit l’interdiction tant attendue de la vente en animaleries des chiens et chats « pour des raisons éthiques et sanitaires » à partir de 2024: « cela ne concerne pas les petits mammifères de compagnie tels que les lapins ou les cobayes ».

Pourtant, ils sont les premières victimes de ce type d’achat impulsif : maltraitance par méconnaissance de leurs besoins, par manque de conseils ou conseils erronés, abandons (le lapin est le premier animal abandonné en France, devant chiens et chats). Bien évidemment, leur abandon est un délit [4] dont les peines devraient être par la même loi aggravées, les rendant plus dissuasives et en tout cas plus cohérentes avec l’importance du délit, mais encore faut-il retrouver les responsables de ces abandons, chose bien peu aisée puisque l’identification individuelle de nos NAC domestiques n’est pas obligatoire, tout comme celle des NAC non domestiques les plus communs (certains hamsters, les octodons par exemple).

Pourquoi cette interdiction ne concerne-t-elle que chiens et chats dans ce cas ? Le texte met en avant les dérives de ce style de vente : sevrage trop précoce, « usines » à chiots ou chatons, manque de sociabilisation. Ces « raisons éthiques et sanitaires » ne s’appliqueraient-elles qu’aux chiens et chats ? Loin s’en faut : les problèmes de sevrage précoce sont source de forte mortalité dans le « circuit » entre fournisseurs et animaleries, les fermes-usines de rongeurs ont fait la une des journaux il y a deux ans, et la sociabilisation à l’homme est inexistante dans ces lieux de vente, de façon encore plus prégnante que pour chiens et chats : on va sortir et faire jouer ces derniers mais le personnel ne va pas passer ne serait-ce qu’un quart d’heure à sociabiliser chaque petit rongeur ou lapin.

Les mêmes arguments peuvent donc être invoqués pour interdire la vente des NAC en animalerie et s’y ajoute le fait que leurs conditions de détention ne peuvent respecter leurs besoins biologiques, physiologiques et surtout comportementaux : aucune surface de vie minimale par exemple, non-respect du caractère grégaire bien souvent, sans parler de la vente de matériel tout à fait inadapté à leur bien-être. Comment en effet expliquer qu’il faille à un hamster de 20 grammes une cage XXL alors qu’il est présenté dans un espace pas plus grand qu’une feuille A4 ? Il est donc regrettable que tous les amendements déposés visant à assurer un minimum de bien-être en animalerie pour les NAC surtout domestiques aient été rejetés.

Alors comment expliquer que ces animaux également doués de sensibilité n’aient pas le droit à la même considération que nos chiens et chats ? Aucune réponse satisfaisante à donner, il n’y en a pas, hormis l’aspect économique qui ne pèse pourtant pas lourd dans les chiffres des animaleries.

Quant au certificat de connaissance des besoins spécifiques de l’espèce prévu par cette loi à venir, à faire signer à tout acquéreur d’un animal de compagnie, l’intention est louable mais sans aucune vérification ni sanctions (notamment sur des animaux dépourvus d’identification individuelle), il risque dès lors de n’être qu’un papier de plus que l’on signe sans y penser, surtout pour un animal qui ne va coûter que quelques euros. Voire pire, si les renseignements qui y seront fournis sont à la hauteur des fiches d’information dont la remise est obligatoire lors de la vente d’un animal de compagnie[5], c’est-à-dire comportant leur lot d’inexactitudes plus ou moins voulues.

Une bonne nouvelle cependant : la vente des animaux de compagnie sera désormais interdite aux mineurs, en espérant que les vérifications soient faites, et pas seulement pour les chiens et les chats.

En conclusion, gardons en tête qu’aucun animal de compagnie, chien, chat ou NAC, n’est une marchandise à exposer dans les vitrines d’un magasin.


[1] Arrêté du 11 août 2006 fixant la liste des espèces, races ou variétés d’animaux domestiques.

[2] En 2017, Mme Celia Fontaine avait remporté avec cette proposition le prix Michelet organisé par la Fondation 30 Millions d’amis du DU de droit animalier de l’Université de Limoges.

[3] Arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention d’animaux d’espèces non domestiques.

[4] Article 521-1 du Code pénal.

[5] Arrêté du 31 juillet 2012 relatif aux mentions essentielles devant figurer sur les équipements utilisés pour la présentation des animaux de compagnie d’espèces domestiques en vue de leur cession.

Photos : Julien Perthuison

Brigitte Leblanc
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2 commentaires

  • Jean Michel CORBEAUX

    18 mars 2021 à 23h04

    Selon un vieil adage l’enfer serait pavé de bonnes intentions. La liste positive est, en ce qui concerne l’aquariophilie, et peut être les NAC, un exemple criant d’une de ces bonnes intentions qui risquent de porter d’irrémédiables préjudices à la biodiversité. En effet, en ce qui concerne les animaux aquatiques, avec la dégradation des espaces naturels, de trop nombreux poissons courants dans les aquariums sont des espèces éteintes dans la nature. En tant qu’espèces « disparues » dans la nature elles ne risquent pas de figurer dans la liste positive. D’autres, courantes et reproduites en aquarium depuis fort longtemps, n’ont pas encore fait l’objet de description scientifique. Les instigateurs de la loi ont-ils envisagé des solutions pour compenser l’aquariophilie qui perpétue ces espèces comme des conservatoires, par exemple ?
    Un autre point pose question. En effet, certaines espèces (Killies…) sont inféodées à des mares temporaires, d’autres sont saisonnières et dépendent des régimes de crues et sont soumises à des famines destinées à sélectionner les futurs reproducteurs au moment des décrues. (Les cycles naturels sont parfois loin de la vision idéaliste que certains peuvent en avoir) D’autres sont des espèces que l’on peut qualifier de « fourragères » pour leurs prédateurs. Pour eux la vie en aquarium constitue une véritable chance et un espace de vie parfois plus grand, une longévité plus importante. Les instigateurs de la loi ont-ils envisagé de faire figurer toutes ces espèces dans la liste positive ?
    Les poissons rouges, espèce grégaire, à contrario ne sont pas du tout adaptés à la vie en aquarium où ils sont atteints de nanisme et d’un stress permanent en dehors du groupe social. Les instigateurs de la loi ont-ils envisagé de ne pas les faire figurer dans la liste positive ?
    Que dire des progrès qu’ont permis l’aquariophilie dans l’étude des coraux ? Cela pourra t il continuer avec une liste positive ?
    Si l’on veut protéger il faut connaitre……….Malheureusement le mieux est parfois l’ennemi du bien

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  • ROPARS

    2 février 2021 à 9h21

    Bravo Brigitte pour ce bel article qui contribuera à faire reconnaître la sensibilité des NAC, ainsi que leurs besoins biologiques, et fera avancer, je l’espère, ce projet de loi interdisant leur vente dans les animaleries !!
    Bravo de prendre ainsi la défense de ces petits compagnons dotés d’une rare intelligence , ce ne sont pas des marchandises, mais des êtres vivants, affectueux qui ont le droit au RESPECT !!
    Merci de prendre sur ton temps de repos pour te consacrer à leur défense !!
    En attendant l’aval du Sénat pour la loi contre la malveillance animale, c’est réconfortant de savoir que certains, comme toi, s’engagent vraiment pour lutter pour la défense des animaux et surtout des petits oubliés que sont les NAC !!!

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