Numéro 12SantéMais pourquoi le vétérinaire de mon lieu de vacances ne veut-il pas me donner le médicament de mon chien ?

Brigitte Leblanc17 juillet 20237 min

Ou son vermifuge, son produit anti-puces… Cette situation est fréquente et suscite incompréhension, colère ou détresse selon la personne et le traitement demandé. Alors commençons par faire une toute première mise au point : NON, le vétérinaire n’est pas méchant, il ne veut pas vous « obliger » à venir en consultation avec lui. Il n’a tout simplement pas le choix, s’il veut suivre la loi (qu’il n’a pas choisie, je vous l’assure) et ne pas risquer des poursuites disciplinaires. Quelques explications s’imposent…

Le vétérinaire n’a pas d’ « officine ouverte »

Effectivement, le vétérinaire est très souvent à la fois le médecin et le pharmacien de votre animal. Néanmoins, il n’est pas autorisé à tenir « officine ouverte » comme le fait le pharmacien : c’est-à-dire qu’il ne peut délivrer un médicament soumis à prescription que pour un animal auquel il donne personnellement des soins, donc en réalité il n’a le droit d’exécuter que ses propres ordonnances[1]. Il ne peut en aucun cas exécuter l’ordonnance d’un confrère ou d’une consoeur, même en « dépannage », en vacances ou en weekend. Par contre, tout pharmacien le peut…

Le pharmacien et l’ordonnance vétérinaire

Le pharmacien peut donc exécuter toute ordonnance vétérinaire, par contre il n’a pas le droit de substitution[2] (par un générique) qui s’applique en médecine humaine, et ce pour des raisons évidentes de manque de connaissances du pharmacien sur les effets secondaires possibles de certains excipients sur les animaux, car il n’est pas vétérinaire… Rappelons que chaque médicament a une AMM (autorisation de mise sur le marché) qui dépend entre autres de l’espèce, humaine ou animale, à laquelle il est destiné. Le pharmacien peut donc avoir à commander un médicament spécifique de l’ordonnance vétérinaire qui peut se trouver uniquement en grand conditionnement (que le vétérinaire déconditionne), et vouloir le vendre en son entièreté au propriétaire de l’animal car il ne l’utilise pas par ailleurs, et ce en dépit des problèmes de coût ou de péremption du médicament qui en découlent.

Mais pourquoi les médicaments vétérinaires coûtent-ils si cher ? Plus cher que l’équivalent pour les humains ?

Effectivement, le coût des médicaments vétérinaires (déterminé par les laboratoires en production et donc en vente) est bien plus important qu’en médecine humaine. Comprenez bien que votre vétérinaire en est conscient et que, lorsqu’un médicament équivalent et moins cher est disponible en médecine humaine, il préfèrerait vous le prescrire sous cette forme, car il sait combien les soins aux animaux peuvent devenir onéreux sur le long cours comme pour un gros chien par exemple. Il sait aussi que cela conduit certains à penser à l’euthanasie de leur animal, situation aussi injuste pour l’animal que pour vous ou le vétérinaire. Mais attention, il n’a pas le droit de faire cette ordonnance : il ne peut prescrire un médicament d’ « humaine » que si aucun médicament vétérinaire n’est disponible, c’est le « principe de la cascade vétérinaire » qui lui est imposé[3]. Alors sachez bien que, si votre vétérinaire vous prescrit un médicament d’ « humaine » parce qu’il est moins cher, il le fait pour vous et votre animal, mais en toute illégalité, en prenant des risques que vous ne soupçonnez pas, car depuis bien longtemps, tout tend à être fait pour que la vente de médicaments ne soit plus possible chez lui mais uniquement l’apanage des pharmacies[4]. Et sachez de surcroît que si votre pharmacien vous propose cet équivalent moins cher en médecine humaine, il le fait certes pour que le coût vous en soit plus supportable, mais lui aussi est dans l’illégalité, avec de plus le risque que certains excipients puissent être dangereux pour votre animal.

Et pourquoi faut-il faire parfois des examens qui coûtent cher avant que mon animal ait un bon antibiotique ?

Là encore, votre vétérinaire n’a pas le pouvoir de prescrire certains antibiotiques avant un examen de laboratoire préalable : en effet, dans le but de freiner l’apparition d’antibiorésistances souvent liée à la surmédicalisation en antibiotiques et à l’utilisation irraisonnée des dernières molécules apparues sur le marché, des plans écoantibio ont été mis en place[5], définissant des antibiotiques dits « d’importance critique ». Certains sont interdits en médecine vétérinaire et uniquement réservés à la médecine humaine, et d’autres sont soumis à la mise en place d’un examen préalable, l’antibiogramme, qui permet de trouver quels antibiotiques seront efficaces sur l’infection à soigner, et ainsi d’éviter le recours aux molécules « critiques » alors que d’autres plus communes seront tout autant valables. Certes cet examen représente un coût supplémentaire, mais sachez qu’il constitue parfois un frein également pour le vétérinaire, notamment lorsque l’infection concerne les nouveaux animaux de compagnie (NAC), où bien peu de médicaments dédiés sont disponibles, et pour lesquels tout délai de traitement peut être dangereux.

Justement, pourquoi ma poule n’a-t-elle pas le droit à certains médicaments ?

Dès qu’un animal « rapporte » à l’homme, par la production de denrées alimentaires, ou de laine, peau, ou à « d’autres fins agricoles », la loi ne le considère pas comme un animal de compagnie, « détenu pour l’agrément de l’homme »[6], mais comme un animal de production, un animal de rente[7]. Alors, concernant par exemple la poule, même si nous sommes de plus en plus nombreux à les avoir à nos côtés comme un animal de compagnie, ne consommant parfois pas leurs œufs et en aucun cas leur chair, les précautions sanitaires liées à la production des œufs continuent à s’imposer, pour protéger la santé humaine. De ce fait, il faut savoir que pour un animal de production, tout médicament autorisé doit, pour une espèce donnée ET une denrée précise, posséder une limite maximale de résidus (LMR) et un temps d’attente[8]. Si un tel médicament n’existe pas, le praticien va devoir suivre le principe de la cascade vétérinaire, et trouver dans le tableau dédié un médicament pour une autre espèce avec une LMR pour la denrée précise. Par exemple, si votre poule a besoin d’un traitement antalgique, il apparaît qu’aucun antalgique ne présente de LMR pour les œufs, dans quelque espèce que ce soit, et donc en théorie, elle ne peut être soignée pour sa douleur[9]

Voici donc quelques principes méconnus de la pharmacie vétérinaire qui vous éclaireront, je l’espère, sur la difficulté de prescription de votre vétérinaire, et sur les difficultés que tout pet parent peut rencontrer. Donc deux petits conseils pour conclure : si vous ne comprenez pas pourquoi votre vétérinaire agit comme il le fait, posez-lui vos questions. Et, quand vous partez en vacances avec votre animal, soyez prévoyants et partez avec la pharmacie qui lui est nécessaire pour tout le séjour !


[1] Code de la santé publique, article L5143-2.

  « La prescription et la délivrance du médicament vétérinaire », fiche disponible sur le site de l’Ordre national des vétérinaires.

[2] Déclaration commune des organisations professionnelles représentant les vétérinaires praticiens et les pharmaciens d’officine : « La prescription et la délivrance des médicaments vétérinaires aux éleveurs et autres détenteurs d’animaux », en ligne.

[3] Règlement UE 2019/6 du 11 décembre 2018, articles 112 à 115.

[4] https://www.village-justice.com/articles/interdire-veterinaires-droit-delivrer,15539.html#:~:text=A%20la%20diff%C3%A9rence%20du%20pharmacien,Code%20de%20la%20sant%C3%A9%20publique.

[5] Plans nationaux de réduction des risques d’antibiorésistance en médecine vétérinaire, mis en place par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

[6] Article L214-6 du Code rural et de la pêche maritime.

[7] La loi française ne définit pas en termes précis l’animal de rente ou de production, on utilisera donc ici la définition qu’en donne la directive 98/58/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant la protection des animaux dans les élevages.

[8] Article R. 234-3 du Code rural et de la pêche maritime.

[9] Le 12 juillet 2023, une instruction de la DGAL (direction générale de l’alimentation) lève enfin cette obligation pour se conformer à la lecture des mêmes textes dans d’autres pays européens : il n’est plus nécessaire qu’une LMR soit fixée dans la denrée concernée par l’usage « hors AMM ». La nouvelle méthode de détermination du temps d’attente à appliquer dans le cadre de la cascade est détaillée en annexe de ce texte.

DGAL/SDSBEA/2023-390 du 19-06-2023


Brigitte Leblanc
Autres articles

Vétérinaire

Laisser un commentaire

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.