Le gouvernement a annoncé fin septembre la « fin progressive » de la présence d’animaux sauvages dans les cirques itinérants tout comme la fin de la reproduction des cétacés en captivité. Réclamées depuis des années, ces mesures ont fait l’effet d’un boomerang dans le monde animalier.
Les défenseurs de la cause animale sont ravis, les cirques et parcs aquatiques sont sous le choc. Lors d’une conférence de presse, mardi 29 septembre, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a annoncé la « fin progressive » de la présence d’animaux sauvages dans les cirques itinérants. Une victoire significative qui pourrait bel et bien marquer le début d’une nouvelle ère pour les animaux.
« Il est temps que notre fascination ancestrale pour ces êtres sauvages ne se traduise plus par des situations où l’on favorise leur captivité par rapport à leur bien-être », a déclaré la ministre précisant que ce changement allait s’opérer « dans les années qui viennent ». « Mettre une date ne résout pas tous les problèmes, je préfère mettre en place un processus pour que ça arrive le plus vite possible », s’est-elle justifiée.
Réclamée de longue date, cette mesure n’est pas la seule à avoir été actée par la ministre. Celle qui a succédé à Elisabeth Borne a également annoncé « sous cinq ans » la fin de l’élevage des visons d’Amérique pour leur fourrure, la fin de la reproduction des orques et des dauphins en captivité mais aussi la fin de leur introduction dans les bassins.
Concernant leur devenir, Barbara Pompili semble optimiste. « Des solutions vont être trouvées au cas par cas, avec chaque cirque, pour chaque animal », a-t-elle promis écartant toute remise «en liberté ». Quant aux cétacés, l’idée d’un sanctuaire a notamment été évoquée. Au total, ils sont 29 dauphins et 4 orques en France métropolitaine à prétendre à une nouvelle vie, loin des applaudissements et des cris des spectacles.
Les associations ravies
Pour les dauphins, la ministre a estimé qu’une période de sept ans serait nécessaire afin qu’une transition en bonne et due forme soit faite. Interrogée par Savoir-Animal, la Présidente de l’association c’est Assez! Christine Grandjean partage le même avis: « le délai peut être raisonnable dans la mesure où il y a une réelle volonté gouvernementale de créer des sanctuaires », a-t-elle déclaré s’insurgeant en revanche du délai évoqué pour les orques.
«Deux ans, c’est très court. C’est beaucoup plus compliqué pour eux. Nous ne pouvons ni les mettre dans la Manche ni en Atlantique ni en Méditerranée. Il n’y a pas de structure et aucune solution valide », a-t-elle regretté s’inquiétant du devenir des épaulards : « Le plus grave serait de les envoyer en Espagne où les conditions sont atroces ou bien en Chine où les conditions sont encore pires. Nous craignons effectivement que ces animaux ne soient sacrifiés ».
Malgré cette appréhension, la présidente de l’association C’est Assez ! s’est dite « très satisfaite » des mesures annoncées par la ministre. Des mesures figurant toutes dans la proposition de loi sur les maltraitances animales portée par le député Cédric Villani et le groupe EDS.
Rapidement, les uns après les autres, les acteurs du bien-être animal ont eux aussi tenu à saluer la décision du gouvernement, tout comme le journaliste Aymeric Caron. « La France était très en retard par rapport à de très nombreux pays européens sur la question des animaux dans les cirques. C’est un très bon début », a-t-il déclaré au micro de France Bleu précisant néanmoins qu’il fallait « aller encore plus loin » : « Il faut par exemple s’occuper de la question des zoos » où les animaux sont « assez malheureux ».
Les professionnels du spectacle en colère
Bien qu’applaudies par les défenseurs de la cause animale, ces mesures ont été décriées par de nombreux professionnels du secteur. Frédéric Edelstein, dompteur de fauves et ancien directeur du Cirque Pinder, a fait savoir sa peine, poussant un cri du coeur au micro de France Bleu. « Je suis très triste. C’est une profonde injustice pour les animaux et pour nous. Tous nos animaux aiment l’itinérance. (…) Les associations ne les connaissent pas. Ils ont appris à les connaître dans des bouquins », s’est-il insurgé.
Même son de cloche pour Stéphanie de Monaco qui n’a pas hésité à s’opposer aux décisions du gouvernement, se plaçant ainsi du côté des patrons de cirques. « Des associations qui prétendent protéger les animaux pensent qu’on les prélève encore dans la nature, alors que c’est faux. Ils sont nés en captivité, tout comme ceux que l’on voit dans les parcs zoologiques. (…) Ils ne sont pas dressés ni maltraités, ils sont juste aimés. Nourris. Choyés », a-t-elle déclaré dans une interview accordée à Nice-Matin.
Vent debout contre le gouvernement, la présidente du cirque de Monte-Carlo a déploré cet « acharnement » contre les circassiens, pointant du doigt les autres secteurs d’activité : « En France, tout le monde a le droit de travailler ou alors il faut empêcher les agriculteurs de se faire de l’argent avec l’élevage. Empêcher aussi le tiercé, parce que là aussi, c’est de l’exploitation animalière ».
De son côté, Pascal Picot, le directeur général du delphinarium d’Antibes, Marineland, a lui aussi tenu à donner son impression. Au micro de BFMTV, il a déploré l’absence de concertation entre le gouvernement et les professionnels du secteur expliquant que ces mesures allaient avoir des répercussions sur la santé des cétacés.
La fin de la reproduction des orques et des dauphins les obligerait à « leur imposer une contraception chimique dont les effets ne sont pas forcément bons pour leur bien-être », a-t-il expliqué précisant qu’ils seront privés « d’un comportement naturel qui est la reproduction ». Un argument non valable pour Christine Grandjean.
« Pour les orques il n’y a pas de soucis, ils ne se reproduisent pas naturellement dans les bassins. Pour les dauphins c’est un peu plus compliqué mais même s’ils sont sous contraceptifs, cela ne les empêche pas de forniquer comme nous d’ailleurs. La contraception n’empêche pas les femmes d’avoir de la libido. Et nous ne pouvons affirmer qu’elle ne leur sera pas dangereuse dans 20 ans. C’est le même problème », a-t-elle expliqué.
S’il y a divergence d’opinion, Pascal Picot et Christine Grandjean sont néanmoins critiques sur un même point : le montant de l’enveloppe promis par Barbara Pompili pour la reconversion des cirques ambulants et des trois delphinariums du pays.
«Huit millions d’euros, ce ne sera sûrement pas assez. La création d’un seul sanctuaire demande déjà trois à quatre millions », a-t-elle regretté tout en essayant d’élaborer un plan pour l’avenir : «Nous ne pourrons pas vivre uniquement de dons car le jour où il n’y en aura plus, les dauphins ne pourront ni manger ni être soignés dans les sanctuaires. Je pense que nous serons obligés de mettre en place des visites extrêmement respectueuses. A partir du moment où il n’y a aura pas de cri, de bruit, d’interaction et seulement de l’observation, c’est un moindre mal», a-t-elle suggéré.
Débattue le 8 octobre dernier à l’Assemblée nationale, la proposition de loi portée par Cédric Villani n’a finalement pas été votée faute de temps. Après deux heures de discussions, entre 22 heures et minuit, la séance a été levée sans que les députés ne puissent se prononcer. Mais qu’importe, selon le ministère de la Transition écologique, ces mesures pourront être appliquées par voie réglementaire sans passer par la case Assemblée nationale.
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Amandine Zirah
Rédactrice freelance