ActualitésPolitique & AnimauxLaurence Abeille : « Redonner accès à la nature, l’un des fondamentaux de notre programme »

Amandine Zirah18 juin 20215 min

Militante de l’écologie politique, Laurence Abeille s’est lancée dans la course aux régionales en Ile-de-France aux côtés de Julien Bayou. Pour Savoir-Animal, l’ex-députée rappelle les leviers dont disposerait une région écologiste pour améliorer la condition animale.

Quels sont, dans les grandes lignes, les défis que vous souhaiteriez relever au cours de ce mandat ?

Lorsque j’étais députée, je soutenais le travail des associations de protection animale afin de pouvoir relayer leurs projets du mieux possible. Au niveau régional, je souhaiterais continuer dans cette direction. En tant que nouvelle élue, je prendrais l’initiative de contacter les responsables des grandes associations nationales. Puis, de travailler à un niveau plus local et faire émerger des positions communes.

Le conditionnement des aides est aussi à prendre en compte. C’est même le plus important. La région est un échelon très concret de soutien financier à tout un tas de projets, d’entreprises, de collectivités territoriales. Avec Julien Bayou, nous voulons critériser les aides, c’est-à-dire, introduire des critères de respect de l’environnement et du bien-être animal dans les subventions de la région.

Par exemple, dans le cadre d’un projet de piste cyclable, il faudra l’analyser, évaluer les risques pour les espèces et se demander s’il pourrait être amélioré. Il faut réellement prendre en compte cette dimension-là, peu exploitée à ce jour. Au-delà de l’aménagement du territoire, les soutiens financiers s’effectuent également envers les entreprises. Dans le cas d’un projet d’implantation d’une animalerie destinée aux laboratoires, il est évident que la région ne financera pas. Nous voulons aussi mettre en œuvre une alternative végétarienne dans la restauration collective. La consommation de poissons et de produits carnés sera, par conséquent, limitée.

Julien Bayou a été le seul à mentionner les animaux durant le débat des régionales sur France 3. Le bien-être animal est-il un sujet politique de second plan ou est-ce un véritable enjeu électoral ?  

De nombreuses personnes sont sensibles à la question mais ne pensent pas mécaniquement au monde du vivant lorsqu’on leur parle politique. J’ai toujours compris que la condition animale était un sujet de société prédominant. Chez les écologistes, il fait partie des fondamentaux, du corpus idéologique. Malheureusement, les sujets politiques ne reflètent pas toujours les préoccupations des Français. Le décalage est énorme.

Les choses avancent mais c’est très lent. Au niveau régional, nous pouvons les faire bouger. Il existe de nombreuses manières de faire avancer la cause. Il faut actionner les leviers disponibles quand on est aux manettes.

Êtes-vous révoltée par l’incapacité des élus à se débarrasser du poids des lobbys ?

Complètement. Le poids des lobbys est gigantesque. Je l’ai découvert lorsque j’étais députée. Je n’imaginais pas à quel point c’était pesant et permanent. Y résister, c’est assez simple, il suffit de ne pas accepter les invitations et de ne pas être seul face à cette pression. L’idée n’est pas de refuser la rencontre mais de la mettre à ses propres conditions. Par exemple, je n’acceptais jamais de me rendre au restaurant, je fixais les rendez-vous à mon bureau.

Aujourd’hui, les lobbys arrivent généralement à leur fin car ils proposent des conditions de rencontres extrêmement agréables. L’être humain est faible. Nous sommes face à des gens très habiles, souvent très sympathiques et beaucoup mieux payés. Je pense qu’il y a un complexe d’infériorité des parlementaires vis-à-vis de ces grands patrons.

J’ai très vite compris comment ce système fonctionnait et je ne me suis jamais laissée faire. Je suis excessivement précautionneuse. Les parlementaires ne sont pas du tout organisés entre eux. Aucune charte n’existe pour nous conseiller sur ce type de sollicitations. Certains perdent leur indépendance, c’est désolant.

Particulièrement impliquée pour la cause animale, vous êtes pour une réforme de la chasse et notamment pour une interdiction du piégeage, du déterrage et de la chasse à courre. Qu’avez-vous prévu, avec votre équipe, pour enrayer ce fléau ?

L’idéal serait d’interdire la chasse comme un loisir. En Europe, nous n’en avons pas besoin pour nous nourrir. Et si, pour une raison x ou y, nous devons tuer un animal, cet acte doit être encadré par une commission. Ma connaissance du sujet n’est pas suffisante pour savoir si cette pratique est réellement indispensable. Certains disent qu’elle est nécessaire à la régulation des espèces, je ne pense pas mais je veux bien le croire dans certains cas.

En plus d’être un loisir, elle peut être cruelle et c’est pourquoi, nous mettrons tout en œuvre pour supprimer certains types de chasse. Nous avons aussi l’intention de redonner accès à la nature, c’est l’un des fondamentaux de notre programme. Les espaces naturels sont précieux, ils favorisent la biodiversité et limitent les gaz à effet de serre. Il faut les protéger, les préserver et les multiplier. Il faut s’y rendre de façon respectueuse et profiter de ce que la nature nous donne, du bien être que nous procure la fraicheur d’un sous-bois lorsqu’il fait chaud.

Nous voulons également interdire la chasse le dimanche. Les promeneurs doivent pouvoir se balader sans crainte d’être victime d’un tir d’un chasseur. C’est assez inquiétant car les chasseurs ont parfois un sentiment d’impunité. Il est également indispensable de multiplier les territoires sans chasse.

En 2014, vous étiez l’un des trois parlementaires à avoir déposé une proposition de loi pour l’abolition de la corrida en France. Depuis, avez-vous toujours l’espoir de voir disparaître cette pratique ?

La corrida a été introduite très tardivement en France, à la fin du XIXe siècle. On parle toujours de tradition mais elle n’est pas très importante. Les courses de taureaux et les courses landaises sont beaucoup plus ancrées dans notre histoire. Ce n’est pas formidable mais il n’y a pas de mise à mort.

Dans les sondages, on se rend compte que l’attachement à la tauromachie n’est pas si fort. Si l’élevage de taureaux pour la corrida n’est plus subventionné par l’Europe, cette pratique ne pourra pas survivre ou alors d’une façon totalement marginale. Il y a une vraie perte de vitesse et c’est pourquoi, je suis assez optimiste. L’abolition de la corrida ne se fera pas du jour au lendemain mais je pense qu’il y aura un geste législatif qui permettra d’y parvenir. De plus, les activistes anti-corrida ont de plus en plus d’adeptes, leur message passe. Ils sont très courageux.

Laurence Abeille
Photo © Christophe Petit Tesson

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Amandine Zirah
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Rédactrice freelance

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