Numéro 5SantéQuand la dysfonction ostéopathique devient une dysfonction somatique

Simon Lombardy15 octobre 20215 min

La dysfonction ostéopathique a été présentée comme une restriction de mobilité évaluée au niveau articulaire. Ce qui est souvent le cas en 1er lieu, d’autant plus lors de traumatisme (chute, choc, torsion…).

Cette dysfonction est évaluable concrètement :

  • Par une palpation : on recherche les densités du tissu, les modifications, d’aspect du tissu (tant peaucier que pileux), les modifications de température corporelle (chaleur ou au contraire aspect froid) ressenties au niveau cutané, des signes probables d’inflammation (œdème, sensibilité voire douleur…).
  • Par l’évaluation de la mobilité : des tests de mobilité permettent de définir un axe de rotation ou de glissement, d’individualiser une articulation, voire un segment osseux, de quantifier le degré de liberté du mouvement en terme d’amplitude, de qualifier la qualité du mouvement en terme d’aisance.
  • Par l’évaluation des restrictions de mobilité : tout mouvement anormalement restreint dans son amplitude selon un axe donné, soit légèrement ou au contraire de manière importante.

La dysfonction somatique est la conception d’une dysfonction rachidienne (au niveau d’une ou plusieurs vertèbres) et de ses répercussions tant localement qu’à distance. Ceci en incluant aussi bien les tissus dur (osseux, articulaires) que les tissus mous (muscles et leurs insertions tendineuses, ligaments, capsule articulaire…).

Autrement dit, la dysfonction somatique (soma = corps) est la conception d’une dysfonction ostéopathique perçue au niveau du corps dans son intégralité. Et donc ses conséquences sur tous les systèmes du corps. Cette conception est issue de la connaissance d’une origine nerveuse de la dysfonction ostéopathique.

Principes de base de l’ostéopathie :

  • Les articulations, leurs moyens d’union (ligaments, capsule articulaire) et leurs moyens d’union accessoire (c’est-à-dire tous les muscles responsables de la stabilité et de la contention articulaire) sont sujets à des dérèglements anatomiques.
  • Ces dérèglements entraînent des répercussions locales et à distance.

Principe d’étage métamérique :

Entre deux vertèbres, une paire de nerf (un premier à droite et un second à gauche) s’étend depuis la moelle épinière vers le reste du corps. La notion de métamère est la succession à l’identique de cette émergence nerveuse dans chaque espace intervertébral le long du rachis. Le territoire d’innervation sensitive et motrice dépend de chaque métamère, chaque étage segmentaire qui innerve un myotome (innervation motrice d’un groupe musculaire), un dermatome (innervation sensitive cutanée) et un viscérotome (innervation autonome d’un groupe d’organes).

Ex : Au niveau de la charnière thoraco-lombaire, c’est-à-dire l’étage intervertébrale situé entre la dernière vertèbre thoracique et la première vertèbre lombaire, se forme le nerf costo-abdominal qui délègue :

  • 1 rameau dédié à l’innervation motrice des muscles dorsaux et muscles abdominaux.
  • 1 rameau dédié à la zone cutanée en regard de l’étage vertébral et sur le flanc.
  • 1 rameau dédié à l’innervation autonome de l’estomac, du foie et de la rate.

Dans le cas de dysfonction rachidienne, l’activité efférente du nerf (présent à l’étage métamérique) sera influencée. Soit par une suractivité, soit au contraire une sous-activité. Or l’activité musculaire, cellulaire, viscérale (mais aussi vasculaire…) est directement déterminé par la fréquence des influx nerveux (donc l’activité efférente du nerf).

  • Au niveau viscéral, cela conduira à l’altération des fonctions : accélération ou ralentissement du transit, spasmophilie…
  • Au niveau musculaire, une fibrose ou une amyotrophie sera consécutive.
  • Au niveau cutané, une modification du derme sera observée voire des rougeurs ou du prurit (démangeaisons).

D’autant plus que l’altération de cette voie efférente peut conduire à abaisser le seuil d’excitabilité d’un neurone. On parle alors « d’état infraliminaire », littéralement un stimulus entrainera une réaction de l’organisme alors que son intensité est normalement inférieure au seuil de réaction (lors d’un état normal). Autrement dit, l’organisme devient plus sensible et tend à surréagir face à des stimuli faibles qui n’induirait normalement aucune réaction.

C’est notamment le cas de la voie nociceptive, c’est-à-dire celle liée à la sensation douloureuse.

C’est pourquoi la sensibilité (en terme de douleur et de réaction) est exacerbée rapidement suite à une dysfonction ostéopathique. Il suffira de lever la dysfonction ostéopathique pour retrouver la normalité. Si aucun traitement n’est appliqué, la dysfonction s’installe et devient chronique, accentuant d’autant ses phénomènes et leur incidence.

Ceci un temps donné, où à l’inverse, le corps s’adapte. C’est-à-dire que, suite à des décharges répétées de stimuli, on observe une diminution de leur nombre de leur fréquence de ceux-ci au niveau synaptique. C’est le rôle des interneurones inhibiteurs qui n’agissent pas sur l’état infraliminaire mais réduisent le nombre de stimuli.

Lors d’état chronique (entendu comme au-delà d’un mois), on passe d’un état d’hypersensibilité à un état hyposensible.

  • La fibrose induite sur le tissu en augmente sa densité et diminue d’autant sa fonctionnalité, ses caractéristiques histologiques (élasticité, plasticité…).
  • La sensation proprioceptive est induite par la modification du degré d’étirement des fibres, qui ces dernières étant en restriction de mobilité, diminuent l’afférence sensitive et en réaction la réponse motrice.

Autrement dit, plus on tarde à régler la dysfonction ostéopathique plus ses incidences somatiques sont importantes et délétères. On passe d’un état aigue, caractérisé par une hypersensibilité et une hyper réactivité, à un état chronique, caractérisé par une hyposensibilité et une perte de réactivité, amplifiant d’autant la perte de mobilité.

Ainsi, la restriction de mobilité (induite initialement par la dysfonction ostéopathique) est dans un premier temps, considéré d’anormale par le système nerveux. Si aucun traitement ostéopathique n’est appliqué, cette perte de mobilité sera intégrée par le corps. Cette intégration induit une normalisation de cette restriction de mobilité, autrement dit la norme admise par le système nerveux. La référence sera changée. Les réponses du corps aussi : tonus musculaire, mais aussi trophique…

Ce n’est pas irrémédiable, mais plus la dysfonction dure dans le temps, plus sa régularisation sera longue et difficile. Voire une rééducation proprioceptive peut être nécessaire.

Cette conception locale et à distance, aigue et chronique, de la dysfonction ostéopathique est présentée en détail dans le livre du Professeur Irvin M. Korr – Bases physiologiques de l’ostéopathie – aux éditions Frison-Roche.

Simon Lombardy

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