Numéro 3SantéMuscler les abdos

Simon Lombardy15 avril 20217 min

Les muscles abdominaux sont LE meilleur soutien du rachis thoraco-lombaire, c’est-à-dire du dos. Par leur tonicité ils contribuent à décharger les contraintes imposées aux vertèbres et aux disques (dont le rôle premier et de solidariser les vertèbres entre elles). Les muscles abdominaux sont un gage de longévité et de confort dorsal et lombaire. C’est pourquoi favoriser une bonne tonicité abdominale s’avère utile, notamment :

  • Au quotidien pour diminuer les sollicitations mécaniques imposées aux disques intervertébraux par l’activité de l’animal
  • Lutter contre les compressions articulaires, l’usure du cartilage articulaire, l’usure du disque intervertébral et donc les phénomènes de vieillissement du rachis
  • S’opposer à la lordose thoraco-lombaire (phénomène de dos « creux »)
  • Lutter contre l’embonpoint qui est un facteur aggravant de la lordose thoraco-lombaire
  • Soulager les rhumatismes et arthrose de l’animal âgé

Maintenant que le constat est posé, la question qui demeure est comment muscler les abdominaux ? Comment tonifier la sangle abdominale ?

En ce qui concerne le chien, la problématique réside dans le fait de le placer dans des situations où on va pouvoir cibler le travail musculaire. Et ce, tout en contenant les contraintes physiques imposées aux articulations. On pourrait penser au saut, aux marches d’escaliers, au franchissement de palissade comme étant des exercices sollicitant la sangle abdominale. Oui c’est vrai, mais bien trop contraignant pour être répété. Ils imposent trop de chocs sur les épaules et la base du cou lors de la réception, les hanches et les lombaires lors de la propulsion.

Ainsi, la nage est un exercice d’une efficacité redoutable. Et il s’agit bien de faire nager son chien ! Marcher dans l’eau avec les membres immergés et un bon début, certes mieux que rester sédentaire, mais c’est insuffisant.

La première raison est que dans l’eau, la gravité ne s’applique plus de la même manière que sur un sol rigide. L’animal immergé ne porte plus son poids du corps. Ses articulations, ses vertèbres ne subissent plus de compression. Ainsi, on soulage d’ores et déjà le rachis, les épaules, les hanches, les genoux…de leur propre poids.

Ensuite, lutter contre la résistance de l’eau pour avancer, devoir être en mouvement permanent pour se maintenir à niveau et donc le nez hors de l’eau oblige le chien à une dépense physique, énergétique importante. Les amplitudes articulaires développées pour se faire dépassent bien souvent celles engagées dans la locomotion. Pas de choc non plus. Pas de torsion, de mouvement subi, de démarrage ni d’arrêt brusque… On évite tout ainsi tout ce qui peut être une charge intense pour le rachis, dans des contorsions plus ou moins importantes.

Car il faut bien comprendre que l’équilibre articulaire est d’abord défini en statique, c’est-à-dire lorsque l’animal est à l’arrêt, debout, d’aplomb sur ses 4 membres. Dans cette position de référence, les surfaces articulaires, le contact articulaire, la gravité et autres forces extrinsèques (extérieures à l’organisme, souvent liée à l’environnement de vie), la tonicité musculaire et autres moments de forces intrinsèques (propre à l’organisme, il s’agit des tensions ligamentaires, tendineuses…), sont dits à l’équilibre. En locomoteur, ce schéma de référence est modifié. Ce qui induit une modification du rapport articulaire. C’est-à-dire que les surfaces articulaires se déplacent l’une par rapport à l’autre, dans un axe donné, conduisant à un déplacement également des forces qui s’y appliquent. Et donc conduit à une modification de la gestion de ces forces. Lorsque l’animal court, saute, glisse, chute ou se réceptionne sur un ou deux membres, la gestion du choc n’est pas la même. Lorsqu’un chien se réceptionne avec les vertèbres dans l’axe ou en torsion, la pression vertébrale consécutive au mouvement n’est pas la même. Bref… autant de choses que tout chien peut se retrouver à faire dans le jeu ou autre situation où il va répondre au plaisir immédiat. La nage permet de placer l’animal dans un environnement où il ne sera plus exposé à ces traumatismes répétés. Je ne suis pas en train de dire que le chien va se faire mal dès que vous lui lancez une balle, ou qu’il saute pour attraper un frisbee. Non, bien sûr que non. Toutefois, le rachis prend un choc à chaque fois. Et c’est la répétition de ces chocs, sur un plus ou moins court laps de temps, qui l’expose à des troubles et des douleurs.

D’autant que s’il y a bien une caractéristique propre au chien, c’est qu’il ne se ménage pas. Il répondra toujours à la stimulation, au plaisir immédiat. Il ne sait pas se ménager. Donc c’est à nous de le placer dans des situations où on peut limiter la prise de risque. On veillera notamment à éviter les terrains trop accidentés. C’est à nous de ne pas lui imposer des exercices représentant une intensité trop élevée pour son organisme. C’est pour cela que la nage est un excellent exercice, mais sous certaines conditions évidemment :

  • L’abord à l’eau doit être bon. Si pour accéder à l’eau, il faut dégringoler un fossé, sauter dans les rochers… le bénéfice de l’exercice en sera d’autant réduit. D’autant plus qu’il faudra renouveler le passage pour sortir de l’eau.
  • Il ne faut pas que cela place l’animal dans un état de stress important. Certains adorent l’eau, d’autres ne supportent pas. On s’adapte à chaque individu. Proposer dans le contexte du jeu me semble encore la meilleure solution.
  • Il faut respecter des temps de repos suffisants.
  • La température de l’eau ne doit pas être trop basse, bien qu’un labrador supporte mieux qu’un autre chien à poil court et peau fine. Par bon sens, on évite la mauvaise saison…

Mais la nage montre ses limites si le chien n’aime pas l’eau, est effrayé par la sensation de ne plus avoir pied, ou tout simplement s’il refuse d’y aller.

Alors une balade en terrain vallonné peut être une autre solution. Attention, je ne parle pas de randonner dans les pierriers montagneux mais plutôt de côtes à monter ou descendre aisément, plus ou moins pentues sur un sol homogène, peu ou idéalement pas accidenté.

On peut même lui imposer des arrêts au milieu de la côte à monter. Reprendre le mouvement en avant depuis l’immobilité lui impose plus d’efforts, et encore une fois sans augmenter les forces extrinsèques, et donc les contraintes sur la structure. On peut même lui demander de varier la position de départ, soit assis, couché ou debout. Voire assis ou couché dos à la montée, lui imposant un demi-tour au départ…

Au-delà, on dispose de peu d’exercices ciblant spécifiquement la sangle abdominale. Alors on veillera tout particulièrement à l’état d’embonpoint, forcément défavorable.

Concernant le cheval, le cavalier dispose d’un nombre plus important d’exercices, montés ou non, ciblant la sangle abdominale par des exercices longitudinaux et latéraux. On peut même cibler différents types de travail musculaire soit en contraction concentrique (raccourcissement), soit en excentrique (allongement) :

  • Agrandir, rétrécir un cercle en contre-incurvation, ou dans le sens de l’incurvation afin de favoriser l’engagement du postérieur externe (en contre incurvation) ou interne (dans le sens de l’incurvation) puis sa poussée, mobilisant ainsi respectivement les muscles obliques de l’abdomen externes à la courbe, dans une attitude plus allongée, ou interne à la courbe, dans une attitude plus raccourcie.
  • Mobiliser et dissocier les hanches, tout exercice de déplacement latéral (cession à la jambe, contre épaule en dedans…), d’autant plus s’il est suivi d’une demande de propulsion, type un allongement de l’allure est favorable à la fois au travail concentrique de la sangle abdominale (permettant l’engament) puis au travail excentrique (permettant la propulsion).
  • Enchainer des figures dont le sens et l’incurvation sont différents permet de dynamiser la sangle abdominale.
  • Varier l’attitude, encolure plus ou moins étendue, port de tête plus ou moins relevé permet d’assouplir, étirer la ligne du dessus et donc les muscles dorsaux. Redresser l’équilibre tout en conservant l’engagement, et donc l’abaissement des hanches, favorise le travail concentrique des muscles abdominaux.
  • Sur le plat, on peut facilement alterner une phase de raccourcissement, en conservant du rythme tout en réduisant le diamètre du cercle, avec une phase d’extension, en laissant le cheval s’étendre dans l’allure en agrandissant le diamètre du cercle.
  • Le travail en terrain vallonné est tout aussi valable, à vitesse plus ou moins élevé en fonction du niveau de dressage et d’équilibre.

Il me semble évident mais tout de même utile de rappeler que c’est la qualité de l’exercice qui prime sur la quantité. Qu’il vaut mieux un geste qualitatif, réalisé peu de fois, qu’un geste moyen répété longtemps. Que la qualité du travail dépend de la qualité de l’équilibre et du relâchement du cheval. Que la qualité du travail dépend avant tout de l’équilibre du cheval dans l’allure. Bref… les grands principes de l’équitation. Par exemple, un bon exercice d’évaluation de l’équilibre d’un cheval est de franchir un cavaletti (obstacle) de 30 à 40 centimètres maxi au galop. Placé préalablement dans son galop de référence, équilibré et relâché dans la bouche, le cheval doit pouvoir franchir le cavaletti sans altérer cette qualité d’allure.

Et pour conclure je rajouterai que les muscles dorsaux sont très sensibles au stress. Toute source de stress, anxiété, fatigue ou tout autre état psychologique négatif conduit à l’hypertonicité des muscles dorsaux. Et donc à leur raccourcissement. Et donc par effet réflexe au relâchement de la sangle abdominale. Alors attention aux grands anxieux, et je parle aussi bien du cavalier que du cheval.

Dans tous les cas, canidé ou équidé, on respectera les grands principes de l’entrainement :

  • Proposer un exercice provoquant une fatigue physique mais dont on augmentera progressivement l’intensité en termes d’effort, de durée, fréquence de répétition, distance. Il vaut mieux plusieurs sorties fractionnées plutôt qu’une seule longue et dure pour compenser la sédentarité des jours précédents.
  • Proposer un exercice adapté à l’animal : son âge, son état physiologique (yearling, jeune, adulte, animal âgé), son état de forme du jour, sa race (la capacité physique d’un Bouledogue Français n’est pas comparable à celle d’un Malinois)
  • Varier les exercices et les efforts pour éviter l’anticipation, la lassitude, l’automatisation qui réduiront les bénéfices de l’exercice
  • Respecter un temps d’échauffement et augmenter progressivement l’intensité de l’exercice durant la sortie
  • Respecter un temps de repos suffisant au sein de la sortie, mais aussi entre deux sorties.

Ce qui revient le plus souvent à faire preuve de bon sens. Et surtout bien observer son animal pour identifier les signes de fatigue. Au moindre signe de fatigue, baisse d’intensité mais aussi modification de la posture, on fait une pause, on réhydrate son animal, voire on arrête l’exercice.

Simon Lombardy
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