Numéro 4SantéLa dysfonction ostéopathique

Simon Lombardy15 juillet 20215 min

L’ostéopathie est une approche thérapeutique holistique. C’est-à-dire que cette conception de soins est fondée sur l’individu dans sa globalité. L’ostéopathe ne limite pas son intervention aux symptômes exprimés. Il cherche toujours à identifier la cause de la maladie, et ensuite ses conséquences locales et à distance sur le corps.

Je crois que l’exemple le plus connu est la dorsalgie (littéralement le mal de dos), qui peut être une conséquence d’une dysfonction venant du pied. En modifiant son aplomb et ses appuis au sol, le rachis (constitué par l’ensemble des vertèbres) compense la modification de la posture et finit par devenir douloureux.

Chez l’animal c’est pareil. Tout d’abord parce qu’il vit sur Terre, qu’il possède un squelette osseux, mobile par ses articulations et sa musculature. En fait même, de mon point de vue d’ostéopathe, le chien, le cheval et nous faisons partie de la même grande famille des mammifères (bien que la station érigée de l’Homme, en comparaison de la quadrupédie de l’Animal, n’impose pas les mêmes contraintes mécaniques, il n’empêche que la vie sur Terre se traduit par des contraintes, des compressions, des tractions, des successions d’équilibres, de posture…). Et donc, durant la vie, inévitablement, des événements traumatisant se produisent. Aussi bien un traumatisme unique (chute, choc, glissade…) que des événements répétés. L’un ou l’autre peuvent créer une ou plusieurs dysfonctions ostéopathiques.

En premier lieu, la dysfonction ostéopathique se traduit par une restriction de mobilité. Un segment osseux, portant une surface articulaire, peut se retrouver dévié de sa position de référence, et donc de son homologue avec lequel il est articulé. L’articulation devient incongruente (La congruence articulaire définie le développement inversement proportionné des surfaces articulaires en contact. Autrement dit, quand une surface articulaire répond parfaitement à celle avec laquelle elle est articulée. L’inverse étant l’incongruence.).

Cette incongruence induit que la mobilité de l’os en dysfonction sera déviée de ses centres de rotation, entrainant une perte d’aisance, une compression articulaire localisée, une diminution de la superficie de contact articulaire, des butées osseuses précoces… L’articulation devient sensible, voire douloureuse, que ce soit à la palpation ou en mouvement. L’amplitude articulaire est réduite, dans un axe de rotation donné (par exemple en extension) ou dans plusieurs (par exemple extension et adduction). Avec une algésie (douleur physique) en fin de mouvement (Il n’a pas besoin de crier pour avoir mal, plusieurs signes de douleurs existent, c’est important de pouvoir les identifier et les évaluer).

Associé à cela, les muscles moteurs (responsables de la mobilité du segment osseux), vont adapter leur tonus, généralement en l’augmentant. Cette hypertonicité présente plusieurs inconvénients : perte d’élasticité, de la capacité d’étirement (et donc de la souplesse) fatigue musculaire, augmentation des contraintes sur le tendon assurant l’insertion osseuse, temps de réponse rallongé… voire douleur musculaire, soit à la palpation, soit à l’étirement. Ce qui conduit également à une réduction de mobilité. Pour réaliser un mouvement donné, et ce quelque soit le mouvement, un groupe de muscles se raccourcit, tandis qu’un autre antagoniste (dont le raccourcissement entrainerait le mouvement opposé) s’étire.

Par exemple, chez l’animal, la flexion du coude est entrainée par un raccourcissement des muscle biceps brachial et brachial (l’articulation va se fermer en réponse à leur contraction). Ce qui induit un allongement des muscles antagonistes, ici muscles triceps brachial et anconé (donc la contraction entrainerait l’extension et donc l’ouverture de l’articulation). Si les muscles triceps et anconé ne sont pas capables de s’étirer, ils vont limiter la flexion du coude, bien en deçà des barrières anatomiques de l’articulation.

Ainsi, l’articulation dysfonctionne par son incongruence articulaire (les axes et centres de rotation ne sont plus respectés entrainant des limites précoces au mouvement) mais aussi du fait de ses muscles effecteurs (dont l’hypertonicité limite le mouvement).

Les muscles sont également responsables de la posture, c’est-à-dire de l’orientation des segments osseux dans l’espace. Sans la tonicité et la contention musculaire, le squelette ne pourrait maintenir sa posture. Il s’écroulerait sous son propre poids. Et ce malgré les moyens d’union articulaire (ligaments, capsule…). C’est pourquoi une dysfonction altère la posture, puisque l’augmentation de la tonicité musculaire entretient l’incongruence articulaire en maintenant le segment osseux dans sa déviation. C’est en réponse au degré d’étirement des ligaments, capsules articulaires, et tendons que la tonicité est modifiée par voie réflexe (c’est-à-dire autonome, vous n’avez pas besoin de penser à maintenir vos genoux en extension pour vous maintenir debout, votre quadriceps fémoral le fait pour vous). Or c’est là que le problème se pose, et peut devenir chronique (c’est-à-dire que la dysfonction s’installe). Un os dévié c’est un ligament et des faisceaux de capsule étirés. S’ils sont étirés, des muscles augmentent leur tonicité. Ils ne se relâcheront que lorsque l’étirement des moyens d’union diminuera. Autrement dit, lorsque le segment osseux dont ils contrôlent la position dans l’espace retrouvera sa référence. Et donc c’est le chien qui se mord la queue. Pour que le muscle se relâche, le ligament doit se détendre, ce qui serait permis par le repositionnement de l’os, ce que seul un relâchement du muscle peut permettre…

C’est le rôle de l’ostéopathe de traiter les dysfonctions et les restrictions de mobilité. Le corps n’est plus autonome face aux dysfonctions. Les dysfonctions deviennent chroniques voire cumulatives. Car une articulation en dysfonction ne remplit plus son rôle fonctionnel. Or, rares sont les mouvements mettant en jeu une seule articulation (en réalité ce n’est le cas que lors de tests spécifiques que l’ostéopathe réalise). Les mouvements sont polyarticulés (plusieurs articulations sont sollicitées). Dans une chaine fonctionnelle polyarticulée, les autres articulations (que celle en dysfonction) vont devoir fournir un effort supplémentaire et subir des contraintes mécaniques plus importantes pour compenser. D’où le terme de compensation. Mais à force, cette sursollicitation va entrainer une fatigue excessive (surtout si l’animal continue une activité physique, car oui tout le monde s’en doute, la mise au repos du chien est difficile), de l’articulation elle-même, de ses moyens d’unions et de ses muscles effecteurs, l’exposant aux traumatismes, et donc aux dysfonctions avec restriction de mobilité, adaptation posturale, algésie…

C’est important d’évaluer et de quantifier ses dysfonctions. Une dysfonction simple, selon sa localisation, n’est pas forcément dramatique. Le temps, l’ampleur et le nombre de dysfonction, un traumatisme des tissus, la sensibilité individuelle, l’état de stress… sont autant de paramètres à prendre en compte dans la nécessité d’intervenir efficacement en ostéopathie. Le stress, l’anxiété est un facteur aggravant de l’hypertonicité musculaire, donc de la restriction de mobilité, donc de l’algésie, et donc de la dysfonction ostéopathique. Si les muscles tiennent la structure, pour intervenir efficacement, un ostéopathe doit induire le relâchement musculaire, et donc la décontraction de l’animal.

Bien sûr, on exclura tout état pathologie aiguë avec rupture même partielle des tissus et tout état infectieux, qui sont des contre-indications aux manipulations ostéopathiques.

Simon Lombardy
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