Lancé en 2019, le Diplôme d’Université (D.U) “Animaux & Société” est la première formation universitaire à proposer une approche de l’évolution de la question animale dans la société. Maîtresse de conférences à l’Université Rennes 2 et auteure d’une Introduction aux études animales (PUF, 2020), Émilie Dardenne est la fondatrice et la responsable pédagogique de cette formation ouverte à 20 stagiaires chaque année.
Bonjour Émilie, vous avez lancé le Diplôme d’Université “Animaux & Société” à l’Université Rennes 2, en 2019. Comment vous est venue l’idée de cette formation unique en son genre ?
Le point de départ a été le constat que les rapports entre les êtres humains et les autres animaux s’imposent de plus en plus, comme question, sur les scènes associative, politique, scientifique et médiatique. En France, la demande grandit également autour de la promotion de rapports d’empathie avec les animaux à l’école, dans le monde du travail, dans les villes.
Nous avons pensé que nous pourrions apporter un éclairage mobilisant principalement les sciences humaines et sociales aux enseignantes et aux enseignants, sur le terrain, afin de renforcer leurs connaissances sur cette thématique en émergence. De même, au sein de certaines organisations animalistes, le désir de bénéficier d’une formation universitaire afin de comprendre les évolutions des rapports aux autres animaux, et de saisir toutes les dimensions de ces changements s’est manifesté.
Cette thématique en forte émergence est pourtant peu représentée à l’université en dehors d’unités d’enseignement isolées et de quelques formations plutôt orientées éthique et droit (master à l’Université de Strasbourg) ou droit animalier (DU à l’Université de Limoges, de Brest, de Toulon). Il n’y avait aucune formation universitaire en France ancrée dans les sciences humaines et sociales, les arts, lettres et langues (disciplines qui sont enseignées à l’Université Rennes 2). En faisant une petite enquête via les réseaux sociaux, nous avons constaté qu’il y avait une forte attente sur des formations de ce type et nous avons réfléchi à la forme qu’un DU pourrait prendre, à l’équipe pédagogique qui pourrait intervenir, aux thèmes des modules enseignés et au volume horaire. Il nous a fallu deux ans pour construire et lancer ce DU.
En quoi consiste ce D.U exactement, et à quel public s’adresse-t-il ?
Il relève de la formation continue et s’adresse donc à un public professionnel dans les secteurs de l’éducation et de la formation, de la protection animale, du droit, de la biodiversité, des activités ayant trait aux relations anthropozoologiques (loisirs, alimentation, soins vétérinaires, comportement canin, etc.). Nous avons des stagiaires de nombreux secteurs, dont certains que nous n’avions pas forcément prévus : spectacle vivant, arts, élevage et abattage, édition, traduction, etc.
Ce D.U comporte 5 modules : alimentation, droit, éducation/communication/sensibilisation, études animales, sociologie. La formation interdisciplinaire proposée fournit un éclairage théorique et méthodologique, ainsi que des savoirs d’ordre plus concret aux professionnelles et aux professionnels qui s’interrogent, de près ou de loin, sur la condition animale, les rapports entre les êtres humains et les animaux non humains, le statut moral, juridique, social des autres animaux, leurs représentations culturelles. Elle vise à donner une dimension scientifique, conceptuelle, pratique à cette question parfois clivante dont les enjeux éthiques, économiques et sociétaux sont importants.
Quels sont les débouchés possibles pour les étudiants / stagiaires ?
Ce DU n’a pas directement pour but de former ses stagiaires à un nouveau métier, il contribue plutôt, dans le cadre de leur profession, à les aider à mobiliser les théories et les concepts des études animales en situation professionnelle ; à maîtriser les outils d’analyse éthique, géographique, juridique et historique nécessaires à l’élaboration, la mise en œuvre, l’évaluation des pratiques professionnelles et des politiques publiques ayant trait à la condition animale ; à mieux identifier, analyser les concepts et attitudes construits autour du statut (réel ou imaginaire) des animaux ; à maîtriser les règles juridiques élémentaires qui s’appliquent au traitement des animaux.
Je vois deux autres avantages de la formation pour les stagiaires :
1) une mise en réseau avec d’autres professionnelles et professionnels qui s’intéressent à ces questions depuis des lieux variés et avec des points de vue différents. Cette mise en réseau a déjà fourni un terreau fertile pour un projet autour de l’éducation (une initiative d’envergure nationale sur ce sujet est en cours d’élaboration : elle est menée par deux anciennes stagiaires de la première promotion du D.U) ;
2) une mise en perspective à la fois rétrospective, prospective, théorique et pratique à travers la rédaction des dossiers. Ce temps de recherche et de réflexion est très fécond pour nos stagiaires qui veulent développer une activité ou se reconvertir.
Ce DU a peut-être contribué, ce faisant, à faire émerger un nouveau métier puisqu’une stagiaire de la première promotion a lancé son activité de « consultante en enjeux animaux » à l’issue de la formation. Anne-Laure Meynckens propose d’accompagner les entreprises et les collectivités territoriales désireuses de déployer des actions positives pour les animaux. Son entreprise baptisée Drôle De Zèbre élabore des solutions adaptées aux besoins de ces organisations et fournit un appui aux stratégies RSE, aux stratégies Développement Durable, aux stratégies Biodiversité et Agenda 2030. Anne-Laure Meynckens a, d’ailleurs, depuis cette création rejoint l’équipe pédagogique du D.U.
Quel bilan tirez-vous des premières années de cette formation, et comment peut-on s’y inscrire ?
Les candidatures sont ouvertes chaque année de la mi-avril à la mi-mai. Une sélection est opérée en juin puis la formation démarre en octobre pour une semaine, avec une deuxième semaine en février et deux jours fin juin pour les soutenances et la journée d’études. Le D.U est encore jeune, mais on peut déjà tirer un petit bilan : globalement les stagiaires sont satisfaites (il y a une majorité de femmes) et satisfaits des enseignements et du format. Nous pensons que ce qui pourrait enrichir l’approche serait de diversifier encore les modules, mais alors il faudrait augmenter le nombre d’heures et aussi le coût, 1200 euros, qui est déjà important pour celles et ceux qui se financent sur leurs deniers personnels.
On pourrait développer cette formation, ou penser à d’autres D.U, licences professionnelles ou masters en développant l’axe « politiques publiques de la condition animale » ou un autre axe autour des représentations culturelles (artistiques, littéraires, religieuses, etc.) des autres animaux.
Vous avez publié Introduction aux études animales en 2020 (aux éditions Presses Universitaires de France). Avez-vous d’autres projets ?
Je soutiens prochainement une habilitation à diriger des recherches, ce qui me permettra d’encadrer des doctorantes et des doctorants. La demande grandit aussi à ce niveau. Après cela, je voudrais reprendre mes recherches autour de l’épistémologie, des questions liées à « animaux et langage » (anglais et français) et des thématiques des études animales critiques, encore peu connues en France, et qui s’intéressent particulièrement aux notions de pouvoir et de normativité dans les études animales.
Merci Émilie !
Dominic Hofbauer
Éducateur en éthique animale pour L214 Éducation, chargé d’enseignement à l’Université de Rennes 2.
2 commentaires
Bocanins & Co
30 avril 2021 à 23h18
Bonjour,
Responsable d’un micro refuge et membre L214 je serai intéressée pour suivre le cursus de formation relatif au Diplôme d’Université (D.U) “Animaux & Société”.
N’habitant pas à proximité de Rennes, la formation peut-elle être effectué à distance et quels sont les critères pour en bénéficier ?
Au plaisir de vous lire,
Jew
Emilie Dardenne
4 mai 2021 à 12h52
Bonjour Jew,
Merci de votre intérêt pour ce DU.
La formation n’est ouverte qu’en présentiel : il y a trois moments de présence requis, une semaine à la Toussaint, une semaine en février, deux jours fin juin.
Les critères pour candidater : un niveau de licence 2 ou équivalent en expérience professionnelle.
Si vous avez des questions pour le financement, vous pouvez vous adresser à Mme Le Goaziou au Service Formation Continue : anne-marie.legoaziou@univ.rennes2.fr
Bien à vous,
Emilie Dardenne