Numéro 6Education des adultesCes deux français ont fait le tour du monde en 80… refuges pour animaux !

Dominic Hofbauer17 janvier 2022113 min

Enfin presque : 18 refuges visités et documentés au cours d’un voyage à travers 18 pays différents, pour être exact ! C’est déjà beaucoup, et c’est l’aventure qu’ont vécue Anne-Laure et Pascal. Leur projet fou se nomme Animal 360.

Anne-Laure et Pascal, vous avez fait un tour du monde de nombreux refuges pour animaux. Quel était le but de votre voyage, et comment cette idée folle vous êtes-elle venue ?

Cette idée a jailli dans nos cerveaux fous en 2013. Nous avons le goût du voyage, de la rencontre avec l’autre et la découverte d’autres cultures. L’idée d’un long voyage, où l’on prend le temps de rencontrer et de vivre d’autres cultures, est née comme cela. Nous souhaitions également donner un sens particulier à ce voyage, que nous sentions dès le départ unique dans notre vie. Tous les deux très sensibles à la cause animale, nous avions recueilli un vieux chien de 11 ans, resté 5 ans dans un refuge, Croquet. Il était extraordinaire de gentillesse et nous a beaucoup marqués. Nous avons également été famille d’accueil, et procédé à quelques sauvetages (chiens, chats, oiseaux, taupe…). Aider cette cause lors de notre voyage nous a paru donc évident.

Nous avons longuement réfléchi à la meilleure manière d’aider, avec nos compétences et surtout nos incompétences. Pascal est passionné de vidéo depuis l’adolescence, il réalise notamment des courts-métrages amateurs, et je suis de mon côté photographe amateure depuis longtemps. Nous avons conclu qu’aider les petites associations de protection animale en réalisant bénévolement pour elles des reportages vidéo et photo était une bonne manière d’apporter notre pierre à l’édifice de la cause animale. Animal360 est né comme ça !

Partant de là, nous avons acheté une vieille maison que nous avons rénovée nous-mêmes pour financer le voyage. Nous avons eu des doubles journées pendant un certain temps : travail classique en journée, et travaux maison en soirée, pas de quoi s’ennuyer.

Ensuite, il a fallu expérimenter l’idée du projet Animal360, pour être sûrs qu’il était réaliste. Nous avons ciblé une association belge, recueillant des chiens et chats âgés en situation de détresse, “Les petits vieux“, en hommage à Croquet qui nous avait quittés en 2014. Le premier tournage s’est donc réalisé en novembre 2015, sur quelques heures seulement, profitant d’une visite à ma famille du nord.

L’accueil y a été extraordinaire. Isabelle, Serge et Valérie, les personnes qui travaillent pour le refuge, nous ont tout de suite mis à l’aise, nous avons adoré faire le tournage dans la bonne humeur qui caractérise leur association malgré le vécu souvent très difficile des pensionnaires. Pour nous, c’était un peu le paradis car nous adorons évidemment le contact avec les animaux de compagnie, et nous étions assaillis de demandes de caresses et de léchouilles. D’ailleurs, on a compris ce jour-là que notre matériel de tournage allait être mis à rude épreuve pendant ce projet, car les langues ou nez humides sur objectifs, reniflages intensifs et mêmes petits larcins de bonnette à vent sont courants avec nos amis à poils !

Une fois ce premier reportage réalisé, et le résultat très apprécié par l’association, nous sommes allés au Cap-Vert pour suivre des vétérinaires des associations Bons Amigos et Tierarztepool réaliser des campagnes de stérilisation de chiens et chats errants. L’idée était de nous tester en conditions réelles (langue non-française, environnement différent). [Les conditions de tournage étaient très rudes, avec la chaleur et le vent poussiéreux non-stop, mais ce n’était rien comparé aux conditions de travail des vétérinaires, qui réalisaient des stérilisations à la chaîne dans un container.  Et nous avons vu des choses vraiment difficiles pour les chiens et chats qui souffrent parfois de graves maladies, sans pouvoir forcément être aidés faute d’argent et de médicaments.] Une nouvelle fois, les associations ont beaucoup apprécié notre travail. Nous étions alors rassurés de notre capacité à réaliser notre projet.

Quels sont les pays que vous avez traversés, et les refuges que vous avez visités ?

Nous avons reporté notre voyage d’un an suite à la grave maladie d’un proche. En attendant le départ et pour continuer à nous entraîner, nous avons réalisé deux reportages en France, l’un pour l’association Moustaches et Compagnie (association bretonne recueillant chats et chiens en familles d’accueil) et Volée de Piafs (association bretonne de soins à la faune sauvage), et deux reportages en Thaïlande pour le refuge BLES qui recueille les éléphants exploités pour les tours de touristes, et pour le refuge Paws, recueillant les chats errants de Bangkok. Puis nous sommes partis en octobre 2017.

L’association Bles vient en aide aux éléphants rescapés de l’industrie du tourisme

Comme à chaque fois que nous voyageons, l’idée était de ne pas trop planifier car nous aimons l’imprévu, et ne pas louper des opportunités de rencontres et d’aventures en raison d’un agenda trop serré. Par exemple, nous sommes allés au Vanuatu (pays que nous ne savions même pas situer sur une carte !) parce qu’une association nous a demandé de venir. Nous prévoyions donc généralement un ou deux pays à l’avance, et aucune réservation d’hébergement en dehors des trois premiers jours. Pour choisir les refuges, je faisais des recherches approfondies pour bien les cibler, et le bouche-à-oreille a également bien fonctionné.

Voici les pays où nous sommes allés pendant ces deux années, dans l’ordre, ainsi que les refuges associés :

– Sri-Lanka : Animal SOS Sri Lanka, recueillant notamment des chiens handicapés, et the Wilderness and Wildlife Conservation Trust (association pour la conservation de la vie sauvage et de la nature)

– Malaisie (pas de tournage car j’étais malade et trop faible pour réaliser un tournage)

– Vietnam : Animals Asia, recueillant des ours des fermes à bile

– Laos : Laos Conservation Trust for Wildlife, refuge pour animaux sauvages prenant la place d’un zoo, et Rescue House Luang Prabang, petite association pour chiens et chats

– Thaïlande : The Sound of Animals, refuge recueillant notamment des chiens issus des filières alimentaires du Cambodge

– Népal :  Stand Up for Elephants, recueillant et améliorant la vie des éléphants de l’industrie touristique

– Finlande : Tuulispää, refuge recueillant des animaux dits de ferme, destinés à l’abattoir

– Pause en France

– Australie : Southern Cross Wildlife Care, association soignant les animaux sauvages (kangourous, wombats…)

– Tasmanie : Pademelon Park Wildlife Refuge, qui recueille les animaux sauvages en détresse

– Nouvelle-Zélande : Penguin Rescue, qui recueille et tente de sauver les manchots à oeil jaune, les manchots les plus rares au monde

– Vanuatu : Green Wave Vanuatu, qui lutte pour l’environnement et notamment contre la pollution plastique

– Nouvelle-Calédonie : pas de reportage mais un tour de l’île en stop et des interventions en milieu scolaire

– île de Pâques

– Polynésie française : Eimeo Animara, qui agit pour la stérilisation des chiens errants

– Paraguay : Guyra Paraguay, qui lutte pour sauver les populations d’oiseaux sauvages

– Costa-Rica

– République Dominicaine : Reef Chek, qui œuvre pour les populations de poissons côtiers

Nous avons également réalisé un nouveau reportage en France en 2021, en Bretagne encore, pour le Refuge des Oubliés, refuge d’équidés en détresse.

Quelles leçons retenez-vous de ce voyage autour du monde ? Avez-vous remarqué une constante de refuge en refuge, chez les animaux et chez les humains qui en prennent soin ?

Ohlala tellement de choses ! Déjà, beaucoup d’humilité vis-à-vis des autres en général, humains et non-humains. Je le savais avant bien sûr, mais mon opinion est encore plus renforcée sur ce sujet : la vie est précieuse, et les personnes consacrant la leur à sauver celles des autres sont absolument extraordinaires. N’hésitons donc pas à les aider nous-mêmes dans la possibilité de nos moyens, chacun d’entre nous peut agir. Cela fait un peu galvaudée comme expression, mais j’y adhère complètement.

L’association Eimeo Animara stérilise les animaux domestiques errants en Polynésie française

Ensuite, je retiens que la misère animale est souvent liée à la misère humaine (d’ailleurs les humains sont des animaux). Un exemple très parlant est issu du Paraguay : ce pays a vu 90% (!) de ses forêts rasées depuis les années 60, pour notamment faire pousser du soja pour nourrir les animaux consommés en Europe et en Amérique du Nord. La consommation folle de viande par les Occidentaux entraîne des conséquences terribles pour certaines populations, dont celles du Paraguay qui habitaient dans ces forêts. Ces personnes ont été tout simplement chassées, et se sont retrouvées sans rien et déracinées. Elles habitent aujourd’hui en bords de route ou dans des bidonvilles, dans des conditions de vie atroces. Quand l’on est confronté visuellement à cela, le lien se fait plus facilement entre la consommation et les conséquences de cette consommation. Les enjeux de justice sociale sont présents. Et je ne parle même pas des conséquences de l’utilisation massive des pesticides sur les populations locales, humaines et non-humaines, et la chute associée des populations d’animaux sauvages (dont il est question dans notre reportage).

En miroir, je retiens aussi que les humains sont pourtant solidaires quand les problématiques sont visibles ou incarnées. Nous avons de nombreuses anecdotes à ce sujet, en voici une : au Laos, nous avions repéré une chienne, Koun, avec une grosse plaie à l’arrière-train. Nous avons cherché comment l’aider, et avons contacté une jeune femme originaire de Suisse qui venait tout juste de créer une association locale. Nous avons ensemble tourné une courte vidéo, qui a touché suffisamment de personnes pour pouvoir recueillir les dons nécessaires pour payer les trajets et frais vétérinaires de Koun, qui avait un cancer.  C’est grâce à la chaîne de solidarité qu’elle a pu avoir une chimiothérapie qui a réussi et vivre le reste de sa vie sans souffrance.

Je retiens évidemment que l’on peut tout à fait vivre avec trois culottes pendant deux ans (dont une mangée en partie par un opossum, mais ceci est une autre histoire). Sans rire, nous étions obligés de limiter très fortement le nombre de vêtements dans nos bagages en raison de la place du matériel qui prenait déjà beaucoup de place. Ce voyage nous a appris à vivre une sobriété matérielle que nous continuons à vivre aujourd’hui, en cohérence avec nos aspirations écologiques.

Le refuge Southern Cross Wildlife Care, en Australie

La constante chez les refuges et associations ? Bien que les sujets et circonstances soient très variés dans nos reportages, nous avons remarqué que la vie s’accroche coûte que coûte. Au refuge pour chiens accidentés au Sri-Lanka, nous avons vu des chiens handicapés manifestement heureux.

Nous avons également été témoins d’un sauvetage d’un chien en très mauvais état. Nous pensions qu’il allait mourir, car il avait des asticots dans la tête (je vous épargne la description et les odeurs associées). Nous avons filmé son sauvetage par Animal SOS Sri-Lanka en pensant ne pas le diffuser, car nous n’aimons pas mettre de situations trop difficiles dans nos reportages, sachant qu’ils sont regardés par du jeune public. Le chien a été pris en charge par le vétérinaire de l’association, qui lui était assez confiant, et finalement, il a survécu ! Il a été baptisé Animal360 pour l’occasion d’ailleurs. Cela n’occulte pas, bien évidemment, toutes les autres histoires qui finissent mal, et il y en a beaucoup dans les refuges, qui côtoient la mort au quotidien.

Concernant les humains des refuges et associations, la constante est leur force mentale et leur volonté inébranlable d’aider, qui les met parfois en situations personnelles difficiles. Raison de plus de les aider ! Personnellement, c’est la rencontre avec toutes ces personnes si généreuses avec les autres, et si battantes, que j’ai décidé de consacrer ma vie professionnelle à cette cause, en plus du bénévolat. Le chemin est parfois difficile, mais tout ce que j’ai vu et vécu me fait constamment relativiser, et me donne des forces pour continuer.

Avez-vous tenu un journal de bord, ou correspondu avec la métropole pendant votre voyage ?

Oui bien sûr, nous avons écrit plusieurs journaux de bord, pour ne pas oublier (et peut-être les publier un jour ?). Juste avant notre départ, une enseignante en République dominicaine a lu un article de Ouest-France qui était consacré à notre projet. Elle a adoré l’idée et nous a demandé s’il était possible de correspondre avec ses élèves pendant le voyage. Nous avons bien sûr accepté avec plaisir. D’autres professeurs de notre entourage nous ont également sollicités, de France et de Finlande.

L’association Rescue House Luang Prabang prend soin des chiens des rues, au Laos

Nous avons donc correspondu avec des classes de France, Finlande et République Dominicaine, par lettres, par cartes postales, par visioconférences. Nous avons par exemple montré en direct des fruits du dragon vietnamiens à des jeunes Finlandais, et échangé sur le voyage. Je me souviens aussi d’une visio avec des jeunes français, nous étions en Nouvelle-Zélande et le soleil se couchait pour nous, tandis que c’était le matin pour eux, c’était compliqué à comprendre pour eux. Le professeur en a profité pour revoir ce sujet avec eux après coup !

A côté des reportages pour les associations, nous avons également tourné des vidéos de nous pour les enfants, pour leur montrer notre façon de voyager, leur expliquer des choses sur les pays, et parler d’animaux évidemment. Des extraits de ces vidéos sont visibles sur notre page Facebook. Nous avons aussi mis en scène les deux mascottes de l’association, Bobi et Hoiho, à qui il arrive plein d’aventures et qui affectionnent les selfies.

Certains professeurs se servent encore de nos reportages et des vidéos pour enfants pour leur projet de classe. Et Bobi et Hoiho correspondent avec des élèves de CM1, ils ont des fans !

Lors de vos animations, comment les élèves réagissent-ils ? Comment les enseignants peuvent-ils s’inscrire aujourd’hui ?

Tout au long du voyage, nous avons animé des interventions dans les écoles, maisons de retraite, et diverses structures. Depuis le départ en 2017, nous avons réalisé plus de 300 actions de sensibilisation. C’est assez drôle sachant que nous n’avions pas du tout prévu cela au départ du projet ! Nous n’avons pas cherché à déployer cet aspect-là, mais beaucoup de demandes ont émergé. On s’est d’ailleurs retrouvé à parler devant 1000 élèves en Nouvelle-Zélande, c’était grisant !

La combinaison du voyage et des animaux intéresse beaucoup les personnes, à tout âge. Bien sûr, nos contenus sont adaptés à chaque âge. Lorsque l’on arrive dans les écoles, on nous fait toujours un très bon accueil.

Nous avons affiné au fur et à mesure nos méthodes d’animation. Nous sommes vus comme de vrais aventuriers par les enfants, qui sont parfois impressionnés les premières minutes. Mais la timidité retombe toujours, nous arrivons toujours à instaurer une proximité entre eux et nous. Nous répondons toujours avec sincérité aux questions, et c’est beaucoup apprécié. Nous aimons nous adapter aux demandes, et laissons par exemple le choix aux enfants des sujets traités et des anecdotes. Les crottes cubiques des wombats ont toujours beaucoup de succès, ça c’est universel !

Volée de piafs soigne et relâche les oiseaux sauvages, en France

Cela nous fait vraiment plaisir quand des professeurs nous disent qu’ils n’ont jamais autant entendu parler tel ou tel élève, qui d’habitude ne participe pas. Animal360 suscite beaucoup d’enthousiasme. Certains sujets que nous abordons sont un peu difficiles, et nous portons une attention particulière aux partages d’émotion.

Nous continuons ponctuellement à réaliser des animations en présentiel, seulement dans l’Ouest de la France, car nous avons tous les deux repris une activité professionnelle et en plus, un troisième membre associatif nous a rejoints : Mandela, un chat d’un certain âge, récupéré via l’association Moustaches et Compagnie. Mandela est diabétique donc nous devons lui injecter de l’iDominiquensuline toutes les 12h, ce qui limite évidemment nos déplacements.

En revanche, nous proposons des visios, que l’on peut organiser le jeudi. Nous en avons organisé plusieurs cette année, avec des écoles et le club jeunes de la SPA, c’est différent du présentiel mais ça se passe quand même très bien. Pour nous contacter, il suffit de nous envoyer un mail à contact@animal360.fr

En savoir plus : animal360.fr

Dominic Hofbauer
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Éducateur en éthique animale pour L214 Éducation, chargé d’enseignement à l’Université de Rennes 2.

Il y a un commentaire

  • GOLASOWSKI

    20 janvier 2022 à 1h23

    Pascal et Anne-Laure ont été formidables lors de leur passage en Polynésie et de leur intervention auprès de notre association Eimeo Animara.
    Ils se sont investis pendant tout leur tour du monde et ont gardé le contact avec leurs nombreuses rencontres ainsi qu’avec les enfants des écoles de métropole.
    Merci à vous de leur avoir consacré cet article.
    Freddy G.

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