Les initiatives se multiplient dans les huit pays tauromachiques pour interdire ou restreindre l’accès pour les mineurs des corridas et écoles de tauromachie. Il s’agit de conséquences logiques des recommandations faites par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU ces dernières années dans les pays concernés. Les mesures législatives mises en place ou prévues le sont en coordination active avec le tissu associatif militant anticorrida, et tout particulièrement avec le Réseau International Antitauromachie (RIA), dont No Corrida est le représentant pour la France.
En France, lors d’un colloque international à l’Assemblée nationale co-organisé avec No Corrida et la FLAC, la députée Samantha Cazebonne a annoncé le 17 octobre 2019 son intention de déposer des dispositions législatives interdisant l’accès aux moins de 16 ans afin de les protéger des violences inhérentes aux corridas et à leur apprentissage. Elle avait alors reçu deux soutiens publics majeurs, celui du président du groupe parlementaire LREM à l’Assemblée et celui du Secrétaire d’État à la protection de l’enfance, Adrien Taquet. Suite à la crise sanitaire, la mise à l’ordre du jour, initialement prévue au printemps 2020, d’un projet de loi incluant diverses mesures de protection des mineurs a été remise à une date indéterminée. Après une tentative avortée le 7 octobre 2020 en tant qu’amendement d’un autre projet de loi présenté par Cédric Villani qui ne concernait pas l’enfance mais uniquement le bien-être animal, les mesures proposées par Samantha Cazebonne seront incluses, on l’espère, dans le projet de loi porté par Adrien Taquet comme initialement prévu.
En Espagne, plusieurs régions autonomes ont déjà mis en place des mesures d’interdiction d’accès aux corridas et écoles de tauromachie pour les moins de 18 ans. Il s’agit de la Catalogne, des îles Baléares et des Açores (où les corridas ont été abolies il y a plusieurs décennies, bien avant qu’elles ne soient protégées par la Constitution de ce pays). Notons, pour les Baléares et la Catalogne, que le Tribunal constitutionnel espagnol a cassé les lois d’abolition ou de restrictions extrêmes de la réglementation des corridas, mais n’a pas pu annuler l’interdiction aux mineurs qui ne présente aucun aspect potentiellement anticonstitutionnel. À ceci s’ajoute un amendement à la loi sur la protection de l’enfance déposé par Unidas Podemos le 14 octobre 2020 au Congrès des députés. Cette loi est en instance de discussion à la chambre. L’amendement vise à interdire la participation et l’entrée aux corridas pour les mineurs de moins de 18 ans.
Au Portugal, les corridas sont en théorie interdites aux enfants de moins de 12 ans, mais dans les faits il existe une tolérance pour les enfants dès l’âge de 3 ans s’ils sont accompagnés d’un parent. L’association portugaise Animal a lancé il y a deux ans une grande pétition pour demander aux députés de voter une interdiction stricte pour les mineurs, voire une abolition des corridas (appelées touradas au Portugal), mais le vote avait abouti à un rejet de cette interdiction, en raison notamment de l’opposition des communistes qui ne voulaient pas toucher à ce qu’ils considèrent comme une tradition à préserver. Le 5 novembre 2020, le média protaurin ABC s’inquiétait d’une nouvelle offensive législative anticorrida. Le gouvernement socialiste l’a annoncé pour début 2021. Il a reçu le soutien du Parti animaliste portugais. De plus, le parti d’extrême-gauche Bloco de Esquerda, fermement anticorrida, a l’intention de soumettre une proposition allant dans le même sens. Espérons que cette fois le parti communiste restera en retrait.
Dans les cinq pays tauromachiques d’Amérique Latine, la situation actuelle va de l’interdiction aux moins de 18 ans à la permissivité totale. C’est ainsi que l’Équateur interdit tout accès aux moins de 18 ans, que le Mexique compte deux États avec une interdiction, le Veracruz aux moins de 18 ans et le Michoacan aux moins de 13 ans, que le Venezuela interdit quasiment partout l’accès aux moins de 18 ans ou parfois un peu plus jeunes mais avec aucune corrida organisée depuis des années dans ce pays et enfin, que la Colombie autorise l’entrée à n’importe quel âge si le mineur est accompagné d’un “adulte responsable”.
L’offensive en cours en Europe contre l’accès des mineurs finira sans aucun doute par aboutir à la victoire de nos positions. Il est probable que dès que l’un des trois pays concernés – France, Portugal, Espagne – interdira l’accès aux mineurs, les autres suivront rapidement en un effet domino que rien n’arrêtera. Cela aura pour conséquence à terme un effondrement des corridas elles-mêmes, facilitant ainsi le vote ultime de lois d’abolition totale de cette barbarie.
Roger Lahana
Président de No Corrida
Secrétaire fédéral de la FLAC (Fédération des Luttes pour l’Abolition des Corridas)
Référent pour la France du Réseau International contre la Tauromachie
Membre plénier de la World Federation for Animals