Numéro 14Animaux domestiques2023 année record de baisse des corridas au Portugal

Roger Lahana15 janvier 202424 min

À l’instar de la plupart des sept autres pays tauromachiques dans le monde[1], le nombre de corridas au Portugal ne cesse de décroître depuis des années, tout comme en France (voir entre autres l’excellent article publié récemment par le COVAC sur la situation dans notre pays).

En 2023, le Portugal a enregistré le nombre le plus bas jamais observé, selon les données publiées par l’Inspection générale des activités culturelles (IGAC). En tout, 166 manifestations taurines ont eu lieu, neuf de moins qu’en 2022. À titre de comparaison, il y en avait eu 221 en 2014.

Lors de l’année qui vient de se terminer, 182 manifestations taurines avaient été prévues, mais les conditions météorologiques ont fini par conduire à l’annulation de plusieurs d’entre elles, pour aboutir au chiffre final de 166.

Le plus bas absolu s’est produit, comme partout ailleurs, lors des années de pandémie, avec 42 événements taurins en 2020 et 112 en 2011. Mais il est clair qu’il s’agissait de circonstances exceptionnelles, dues aux mesures sanitaires imposées par la Direction générale de la santé.

On peut noter avec un certain amusement, voire du mépris, que les chiffres annoncés par Prótoiro, la fédération portugaise de tauromachie, étaient grossièrement gonflés par rapport aux statistiques officielles de l’IGAC. Ce n’est pas franchement une surprise, les lobbies taurins de tous les pays concernés ayant une tendance maladive au mensonge et à l’exagération. C’est ainsi que Prótoiro affirmait qu’en 2019, 207 corridas avaient eu lieu au Portugal, alors que l’IGAC n’en avait décomptées que 174.

Un petit rappel historique permet de mettre ces chiffres en perspective. Les corridas sont d’origine espagnole, mais au XIIe siècle, la pratique consistant, en tant que divertissement, à tuer un taureau en lançant un javelot a été héritée des touradas portugaises (équivalent des corridas). Les personnes qui s’en chargeaient étaient nommées des mata-toros (tueurs de taureaux), devenus par la suite matadors (tueurs). Lors des corridas portugaises, l’officiant est à cheval, muni d’une lance avec laquelle il blesse l’animal à de multiples reprises sous prétexte d’exécuter des figures équestres qui ravissent le public, au prix de souffrances atroces et d’hémorragies massives infligées au taureau, et cela sans parler des risques énormes de blessures fatales pour le cheval.

Au passage, il est totalement faux de dire que le taureau n’est pas tué à la fin d’une corrida portugaise. La réalité est qu’il n’est pas tué en public (ce qui est interdit depuis 1928), mais hors de sa vue, de retour dans les coulisses de l’arène, où il est achevé, voire laissé agonisant pendant tout le weekend jusqu’à ce qu’il succombe à ses blessures. Son corps est ensuite vendu à un boucher, comme lors des corridas espagnoles.

Ces racines historiques anciennes expliquent que les touradas restent encore majoritairement populaires au Portugal, surtout en milieu rural. C’est dans la région de l’Alentejo que la tradition taurine reste la plus présente, avec 55% des spectacles taurins du total national.

Selon Prótoiro, « en moyenne 200 à 250 spectacles taurins ont lieu chaque année au Portugal ». Malgré la diminution du nombre réel d’événements taurins en décroissance continue et très en dessous de ces chiffres depuis près de dix ans, cette fédération estime que « 70,5 % des Portugais pensent que la disparition de la tauromachie serait très grave ou grave ». Selon la même source, ce chiffre a été déterminé à la suite d’une enquête nationale de 2019 réalisée par l’institut de sondage Eurosondagem.

Avec les 166 spectacles taurins effectivement organisés à travers le pays en 2023, 22 inspections ont été réalisées par l’IGAC. « Ces actions de contrôle ont donné lieu à huit constats d’irrégularités au respect du Règlement des Spectacles Taurins, du régime de fonctionnement des spectacles à caractère artistique et du régime juridique du Livre des Réclamations  », peut-on lire dans le rapport.

Dans la continuité de la publication de ces données avérées, la plateforme civique anticorrida Basta de Bulladas espère qu’en 2024, « l’IGAC sera plus rigoureuse dans le contrôle des conditions de sécurité des arènes, en garantissant le respect des règles de bien-être animal ». Un communiqué de presse de l’association a pointé du doigt les manifestations illégales et a réclamé davantage de contrôle, en vue de « prévenir les spectacles taurins illégaux qui continuent d’être très fréquents dans certaines arènes ».

Cet article s’appuie en grande partie sur celui publié par le média portugais Publico. L’auteur remercie Rita Silva, présidente de l’association portugaise Animal et référente pour le Portugal du Réseau International Antitauromachie, pour lui avoir signalé cette publication. Rita Silva est membre du Comité d’honneur de No Corrida depuis sa création.


[1] Les huit pays qui pratiquent encore des corridas dans le monde sont l’Espagne, le Portugal, la France, le Mexique, le Venezuela, la Colombie, le Pérou et l’Équateur.


Roger Lahana
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Président de No Corrida
Secrétaire fédéral de la FLAC (Fédération des Luttes pour l’Abolition des Corridas)
Référent pour la France du Réseau International contre la Tauromachie
Membre plénier de la World Federation for Animals

2 commentaires

  • PEREIRA

    16 janvier 2024 à 11h47

    “Au passage, il est totalement faux de dire que le taureau n’est pas tué à la fin d’une corrida portugaise. La réalité est qu’il n’est pas tué en public (ce qui est interdit depuis 1928), mais hors de sa vue, de retour dans les coulisses de l’arène, où il est achevé, voire laissé agonisant pendant tout le weekend jusqu’à ce qu’il succombe à ses blessures. Son corps est ensuite vendu à un boucher, comme lors des corridas espagnoles.”

    Ce passage est faux, venant d’une régions ou nous réalisons environs 30 corrida( capeia arraiana) dans lesquelles 90% des taureaux sont des taureaux ayant déjà été dans des arrènes professionnelles et soigné pour ensuite venir chez nous.

    “les lobbies taurins de tous les pays concernés ayant une tendance maladive au mensonge et à l’exagération.”
    Finalement, la tendance maladive est au mensonge semble réciproque.

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    • A base de plantes

      26 février 2024 à 17h59

      On a un peu de mal à croire à cette légende des taureaux soignés après la corrida… Et donc quand ils reviennent chez vous, vous les soignez et ils retournent dans une autre arène ensuite ?

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