AnimaNaturalis et CAS International ont présenté récemment à Madrid leur travail d’investigation sur le financement public des célébrations taurines en Espagne. Les associations ont procédé à un examen approfondi de chaque ville qui organise des corridas, des novilladas, des taureaux encordés, des taureaux de feu et d’autres pratiques traditionnelles qui relèvent de ce que l’on nomme les « fêtes cruelles » à l’encontre de bovins dans ce pays.
AnimaNaturalis et CAS International ont mené des recherches intensives dans toutes les municipalités d’Espagne pour découvrir combien d’argent public est alloué au maintien et au financement des corridas et autres pratiques populaires impliquant des taureaux de tous âges.
Plus de 42 millions d’euros de financement municipal en 2019
Conformément à la loi sur la transparence en vigueur en Espagne, chacune des 1820 communes qui organisent des fêtes populaires avec des taureaux ont été contactées pour obtenir les montants mis en jeu.
Le chiffre estimé s’élève à un total de 42 millions d’euros pour 17 708 célébrations en 2019, un chiffre qui reste plus ou moins stable année après année dans la plupart des municipalités, même si certaines l’ont doublé en 2023, comme c’est le cas de la Mairie de Fuenlabrada (Madrid).
Ces chiffres ont été annoncés pour la première fois à Madrid le 6 septembre 2023, lors d’un événement organisé devant la mairie de la ville. Parallèlement, le dossier contenant les résultats de la recherche a été publié sur le site Internet www.FiestasCrueles.org et une carte interactive des fêtes populaires avec des taureaux a été mise en ligne sur ce même site.
Au total, 1 820 communes organisent chaque année des fêtes populaires avec des taureaux sous une forme ou une autre. Cela représente 22% de toutes les communes d’Espagne.
Bien que la loi exige la transparence dans la destination de l’argent public dans chaque commune, seulement 47% des mairies contactées ont répondu en respectant les délais déterminés par la loi 19/2013. Même après avoir fait appel aux instances supérieures et enregistré des protestations formelles, les autres n’ont pas répondu.
AnimaNaturalis et CAS International assurent que les Mairies couvrent les dépenses directement et indirectement, suivant les manières suivantes : par le budget municipal des festivals, à travers des subventions aux clubs taurins, qui dans de nombreux cas sont ceux qui organisent et gèrent les festivités, ou par le biais d’accords avec des associations ou des entreprises, auxquelles est déléguée toute l’organisation des grandes fêtes patronales, qui comprennent également des spectacles de taureaux.
Il existe des mairies qui récupèrent une partie de l’investissement, en vendant des loges ou en faisant payer l’entrée, mais cela n’arrive que dans certaines célébrations et municipalités.
AnimaNaturalis et CAS International regrettent qu’il soit pratiquement impossible de connaître le chiffre réel de tout l’argent public alloué à l’organisation de ce type de festivités, mais ces associations estiment qu’il ne peut être inférieur à 42 millions, et que le coût total de ces célébrations s’élève à 86 millions d’euros. Par conséquent, elles assurent que le montant réel de l’argent public destiné aux fêtes populaires avec des taureaux se situe dans cette fourchette.
Et cela sans parler des subventions européennes, encore plus démesurées, versées aux éleveurs de taureaux destinés aux corridas dans le cadre de la Politique Agricole Commune (environ 130 millions d’euros par an), malgré les votes majoritaires qui demandent leur suppression, année après année, lors de l’adoption du budget annuel de la PAC, votes non suivis d’effet du fait que chaque État-membre est libre d’en tenir compte ou pas. Inutile de souligner que ces subventions européennes profitent en très large majorité aux éleveurs espagnols, les deux autres pays tauromachiques européens (France et Portugal) n’ayant qu’un tout petit nombre d’élevages de ce genre.
Au-delà de l’aspect scandaleux de voir que des subventions aussi importantes soient versées pour soutenir ces pratiques, la signification directe que de tels montants soient mobilisés est que les pratiques en question sont très largement déficitaires, même en Espagne. De fait, elles induisent un gouffre financier véritablement abyssal, que seule une injection massive d’argent public peut combler, faute de quoi ces pratiques disparaîtraient aussitôt, faute de viabilité économique, quoi qu’en disent les thuriféraires les plus acharnés de la tauromachie espagnole.
Remerciements à AnimaNaturalis et CAS International pour l’ensemble des informations et des visuels qui figurent dans cet article.
Roger Lahana
Président de No Corrida
Secrétaire fédéral de la FLAC (Fédération des Luttes pour l’Abolition des Corridas)
Référent pour la France du Réseau International contre la Tauromachie
Membre plénier de la World Federation for Animals