Lorsque l’on évoque ce que subissent les taureaux en Espagne lors de « festivités » traditionnelles, on pense bien entendu en premier aux corridas. Malheureusement, c’est loin d’être la seule forme de maltraitance infligée aux bovins dans ce pays qui regorge d’idées cruelles pour distraire des foules, souvent localisées dans les milieux ruraux, avec des sévices plus épouvantables les uns que les autres.
Les festivités cruelles à l’encontre des bovins en Espagne
Lors de ces fêtes populaires, les taureaux sont immobilisés, tirés avec des cordes, attaqués, forcés de courir, jetés à la mer et brûlés par des torches accrochées sur leurs cornes. Les animaux subissent des chutes, des coups, des souffrances intenses et parfois la mort. Décès par coups brutaux, crises cardiaques dues au stress, brûlures aux yeux, angoisse et peur du feu…
En plus de causer des blessures physiques et psychologiques, un grand nombre de ces animaux sont directement envoyés à l’abattoir la nuit même. Voici les conséquences de ces festivités :
- Risque de décès
- Blessures
- Brûlures
- Souffrance psychologique
Toutes ces formes de maltraitanceont été documentées par l’association AnimaNaturalis, en partenariat avec CAS International : témoignages directs, prises de photos, enregistrement de vidéos, recours en justice à chaque fois que cela est possible. Il s’agit de l’enquête la plus vaste et la plus approfondie sur les plus de 18 000 fêtes cruelles avec des animaux qui ont lieu en Espagne année après année et qui malheureusement sont en nombre croissant. Le but est de mettre en lumière les mauvais traitements que des milliers de personnes cachent dans leurs festivités et leurs traditions.
Les élevages se sentent en péril avec le recul des corridas, qui ont de moins en moins de soutien, et ils voient une source de revenus croissants dans ces festivités populaires.
Il existe principalement six types de ces festivités cruelles :
- Les taureaux à la corde (toro de cuerda) : le mode opératoire consiste à entourer les cornes d’un taureau d’une longue corde, que les participants tirent pour déséquilibrer l’animal dans un sens ou un autre.
- Les taureaux de feu (toro embolado ou toro de fuego) : ce spectacle nocturne est basé sur le fait d’accrocher des torches enflammées aux cornes de taureaux. La foule s’amuse de le voir courir sous l’effet de la terreur et des brûlures qu’il subit.
- Les lâchers de taureaux (suelta de toros ou bous al carrer) : il s’agit de faire courir des taureaux dans un espace clos, en général un enchaînement de rues sécurisé par des barrières. Les animaux sont lâchés depuis un camion, pourchassés et raqués par la foule. Le plus célèbre est celui qui se produit chaque année à Pampelune, où les taureaux terminent leur course affolée dans l’arène où ils seront martyrisés et tués.
- Les taureaux à la mer (toros a la mar) : sur une place close avec une porte ouverte vers un quai en bordure de mer, les participants font tout pour inciter les taureaux à les charger jusqu’à ce qu’ils tombent à l’eau.
- Les becerradas : ce sont des corridas exécutées par des non-professionnels, lors desquelles sont torturés et tués des veaux âges de moins de deux ans (becerros). Leur supplice est d’autant plus cruel qu’il est pratiqué par des personnes inexpérimentées aux gestes maladroits.
- Les taureaux à l’arène (toros a la plaza) : ces simulacres de corrida sont destinés à des taureaux envoyés dans une enceinte close, où ils sont persécutés, harcelés et humiliés par des jeunes gens du village qui les organise.
Le présent article va se focaliser plus spécifiquement sur l’une des festivités les plus controversées au sein de la population générale, celle de « bous a la mar » (ou « toro a la mar »), qui se tient chaque mois de juillet lors des festivités organisées en l’honneur du saint patron de Dénia, dans la province d’Alicante en Espagne. Une autre pratique choquante est celles des « toros embolados », nous y reviendrons dans un article séparé ultérieurement.
Les bovins à la mer
L’objectif des témoignages recueillis est de dépeindre la brutalité avec laquelle les animaux sont traités. Des dizaines de personnes les harcèlent avec insistance et les incitent à sauter dans la mer. Parfois, ils les frappent même, en se mettant à couvert derrière des barreaux de protection.
En 2022, les festivités ont débuté le 9 juillet et se sont terminées le dimanche 17 juillet. Au total, il y a eu 16 sessions au cours desquelles auront été lâchés un total de 96 bovins, d’abord dans les rues, puis sur une place avec une partie ouverte sur la mer, pour essayer de chasser les taureaux et les vaches, jusqu’à ce qu’ils tombent à l’eau.
Une fois dans l’eau, ils sont remorqués par des bateaux jusqu’au port au moyen de cordes attachées à leur tête. Les animaux sont attrapés par les cornes alors qu’ils se débattent et essaient de rester à flot. « Les taureaux et les vaches, comme la plupart des mammifères, savent nager instinctivement, mais ce n’est pas leur milieu naturel et ils n’y sont pas habitués, donc le stress, la peur et l’angoisse augmentent considérablement« , explique Aïda Gascón, directrice d’AnimaNaturalis en Espagne.
Lors du « Bous a la Mar », comme dans la plupart des festivités avec des taureaux dans les villes, les animaux ne sont pas tués, mais sont ramenés à leur enclos, ce qui est probablement encore pire : « Les animaux sont ramenés dans leurs élevages à la fin du spectacle, et sont utilisés encore et encore dans des dizaines de villes pendant la saison. Ce sont des taureaux et des vaches à louer, qui ne sont envoyés à l’abattoir que lorsqu’ils ne sont plus intéressants. pour le spectacle. »
Le Dr José Enrique Zaldivar, vétérinaire et président de l’association espagnole AVATMA (Asociación de Veterinarios Abolicionistas de la Tauromaquia y del Maltrato Animal, association de vétérinaires abolitionnistes de la tauromachie et de la maltraitance animale) a décrit scientifiquement ces aspects de stress en détails : « Les animaux ayant déjà une expérience de la manipulation brutale s’en souviendront, et par la suite, lorsqu’ils y sont à nouveau exposés, ils peuvent ressentir encore plus de stress que les animaux n’ayant connu que des manipulations plus bénignes. Dans le cas des pratiques tauromachiques énumérées au début de cet article, bon nombre de ces animaux sont réutilisés, ce qui signifie qu’ils sont soumis aux mêmes épreuves à de nombreuses reprises, ce qui augmente à chaque fois leur niveau de stress et de souffrance. »
Les « Bous a la Mar » de Dénia, Xàbia ou Benicarló, sont solidement implantés en Espagne. Des soirées similaires aux Cases d’Alcanar ou à l’Ampolla, en Catalogne, ont cessé de se tenir depuis 2016, lorsque la Generalitat a poursuivi ces municipalités suite à une plainte.
Les images vidéo qui ont été enregistrées dans le cadre du présent article pour le compte d’AnimaNaturalis ont été confiées à Linas Korta et la photographie à Aitor Garmendia, lauréat du troisième prix pour l’environnement du World Press Photo 2021.
Pour mettre fin aux fêtes cruelles en Espagne, AnimaNaturalis et CAS International documentent les différentes célébrations à travers le pays, enquêtent sur l’argent public qui va à ces activités et collectent des signatures sur fiestascrueles.org
L’essentiel des informations relatées dans cet article proviennent de sites alimentés par AnimaNaturalis (en espagnol). Nous les remercions pour le travail extraordinaire qu’ils fournissent pour dénoncer ces jeux barbares.
Aïda Gascon et José Enrique Zaldivar sont membres du Comité d’Honneur de No Corrida.
Photo : ©Aitor Garmendia
Roger Lahana
Président de No Corrida
Secrétaire fédéral de la FLAC (Fédération des Luttes pour l’Abolition des Corridas)
Référent pour la France du Réseau International contre la Tauromachie
Membre plénier de la World Federation for Animals