Nos amis anticorrida du Mexique nous ont contactés début juillet 2024 au sujet de la création d’une nouvelle coalition nommée Mexico Sin Toreo.
Comme on le sait, après de nombreuses années de lutte, la corrida a été abolie en Colombie le 28 mai 2024. La voie qui a mené à ce succès historique a été la coalition Colombia Sin Toreo, une alliance de nombreuses organisations et militants pour travailler de manière uniforme et dans la même direction.
Le mouvement Mexico Sin Toreo s’appuie sur la même stratégie d’union au Mexique, où la corrida a subi de fortes attaques, en particulier juridiques, au cours des deux dernières années. Nous nous en étions fait l’écho de façon détaillée dans un article publié par Savoir Animal il y a exactement deux ans jour pour jour, article intitulé « Face à l’inertie des politiques, la voie juridique pour abolir la corrida à Mexico ».
Le héraut de cette stratégie est Arturo Berlanga, directeur d’AnimaNaturalis au Mexique et, tout aussi important, avocat. C’est donc sans surprise qu’on le retrouve au cœur de Mexico Sin Toreo dont il est l’un des fondateurs les plus actifs.
Rapide historique de la stratégie mise en place
L’axe principal de l’argumentation implacable d’Arturo Berlanga est de dire qu’il existe des normes d’abattage au Mexique, que ce soit à but de consommation humaine ou pas, et les corridas ne les respectent pas, donc elles sont illégales.
Début mai 2024, AnimaNaturalis Mexique a obtenu de l’autorité judiciaire que l’activité des personnes pratiquant des corridas viole le cadre légal fédéral et qu’elles doivent être sanctionnées. Les autorités reconnaissent que les taureaux de combat ne sont pas exemptés de la protection et du bien-être des animaux au niveau fédéral et reconnaissent que le ministère fédéral de l’Agriculture n’a pas rempli pendant des années son obligation légale d’inspecter et de sanctionner la corrida.
Par conséquent, les corridas qui ont lieu au Mexique doivent être inspectées par l’autorité fédérale et, après avoir confirmé qu’elles tuent des taureaux, elles doivent être sanctionnées par des amendes allant de 146 000 à 732 000 dollars.
Cette action juridique menée par AnimaNaturalis a débuté le 7 novembre 2022 devant les bureaux de la Senasica à Mexico. CAS International, No Corrida et plusieurs autres organisations anticorrida étaient présentes à cette manifestation, dont tous les détails peuvent être retrouvés en cliquant ici.
Pourquoi la corrida est illégale au Mexique
On le sait, la corrida est un délit en France, qui jouit d’une immunité de poursuites dans 12 départements du sud du pays. Au Mexique, plus grand pays tauromachique du monde, la corrida est carrément illégale sur l’ensemble du territoire de ce pays immense pour des raisons réglementaires. Seul problème : les lois et normes qui devraient automatiquement l’interdire sont bafouées par les tenants du pouvoir supposés être les garants de leur bonne application – rappelons que le Mexique est gangréné depuis des décennies par la corruption et les passe-droits à tous les niveaux.
Cet axe juridique est largement mis en avant par les avocats membres de Mexico Sin Toreo. Voici à titre d’exemple une déclaration de Maître José Maria Ferez, l’un des animateurs du collectif aux côtés d’Arturo Berlanga, lors d’une interview réalisée récemment pour le podcast Mas Humanos :
« Pour qu’une activité soit considérée comme « patrimoine artistique ou culturel », elle doit répondre à certaines exigences telles que la génération et la promotion de valeurs, de bien-être et d’un impact positif sur la société. Tous les mensonges de ces gens sont tombés, il ne reste plus qu’à faire tomber les murs de leurs lieux sombres d’abus et de torture, pour en faire de véritables espaces de récréation et d’activités artistiques ou sociales. Les animaux n’ont aucun moyen de se défendre ou de faire respecter la loi, c’est pour cela que nous sommes là.
Le fait que la loi existe mais ne soit pas respectée est quelque chose qui devrait non seulement nous préoccuper mais aussi nous inquiéter tous, si nous voulons vraiment vivre dans un État de droit. Heureusement, cette bataille a déjà été gagnée et il existe une décision définitive, mais maintenant les autorités correspondantes elles-mêmes ne veulent pas y obéir. C’est pourquoi, aujourd’hui plus que jamais, nous ne le permettrons pas. Fini la corruption, l’impunité et le trafic d’influence. Fini la maltraitance des animaux. »
Arturo Berlanga ajoute dans le même podcast : « L’article 18 reconnaît les animaux comme des êtres sensibles. L’article 23 ne doit aider l’animal à se reposer de manière humaine qu’en cas de souffrance ou d’agonie (euthanasie, c’est-à-dire strictement sans douleur). La NOM033 parle de « sacrifice humanitaire » pour les animaux censés être « produits de consommation », ce qui indique que la méthode de mise à mort doit être exempte de souffrance, de douleur, de peur, de stress ou d’agonie, ce qui n’est clairement et évidemment pas rencontré au Mexique, pas même avec les produits de consommation classique. Et ce qui est pire, toutes ces lois sont violées pour un « spectacle de torture » qui implique la maltraitance des animaux, ce qui aggrave encore ce crime. »
Une coalition qui prend une ampleur internationale
Quarante-neuf organisations de tout le Mexique se sont réunies au sein de cette coalition pour travailler de manière uniforme et dans la même direction afin de parvenir à l’abolition de la corrida. C’est déjà tout à fait considérable.
Depuis la France, No Corrida a suivi avec intérêt, y consacrant de nombreux articles depuis 2016, les progrès réalisés par la coalition colombienne qui a fini par obtenir l’abolition dans ce pays, Colombia Sin Toreo. C’est donc tout naturellement que nous avons proposé aux animateurs de Mexico Sin Toreo de les rejoindre pour agir de façon plus efficace à leurs côtés, ce qu’ils ont accepté d’autant plus facilement que nous nous connaissons depuis des années, principalement au travers des discussions, actions et sommets internationaux du RIA. Arturo Berlanga nous a chaleureusement remerciés d’étendre ainsi la composition et donc l’impact de Mexico Sin Toreo hors des frontières de son pays.
Remerciements à Sandra Ségovia, coordinatrice de Todos Somos Animales qui héberge les informations actuelles sur Mexico Sin Toreo, et à Arturo Berlanga, avocat et président d’AnimaNaturalis Mexique, pour son accueil enthousiaste.
Roger Lahana
Président de No Corrida
Secrétaire fédéral de la FLAC (Fédération des Luttes pour l’Abolition des Corridas)
Référent pour la France du Réseau International contre la Tauromachie
Membre plénier de la World Federation for Animals
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