Selon Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, dans le Dictionnaire des Symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982), “Le loup est synonyme de sauvagerie et la louve de débauche. Mais le langage des symboles interprète ces animaux, on s’en doute, d’une façon infiniment plus complexe, du fait, tout d’abord, qu’à l’instar de tout autre vecteur symbolique, ils peuvent être valorisés positivement autant que négativement… Positif apparaît le symbole du loup, si l’on remarque qu’il voit la nuit. Il devient alors un symbole de lumière solaire, héros guerrier, ancêtre mythique. C’est la signification chez les Nordiques et chez les Grecs où il est attribué à Belen ou à Apollon (Apollon lycien).
Le créateur des dynasties chinoise et mongole est le loup bleu céleste. […] Le peuple turc qui, rassemblé autour de [Atatürk, surnommé le loup gris] menait le combat pour retrouver son identité, menacée par la décadence de l’empire ottoman, reconduisait ainsi une très ancienne image : celle de l’ancêtre mythique de Gengis Khan, loup bleu, cratophanie de la lumière ouranienne (foudre) et dont l’union avec la biche blanche ou fauve, représentant la terre, plaçait à l’origine de ce peuple la hiérogamie terre-ciel.
Les peuples de la Prairie nord-américaine semblent avoir interprété de la même façon la signification symbolique de cet animal : Je suis le loup solitaire, Je rôde en maints pays, dit un chant de guerre des Indiens de la Prairie.
La Chine connaît également un loup céleste (l’étoile Sirius) qui est le gardien du Palais céleste (la Grande Ourse). Ce caractère polaire se retrouve dans l’attribution du loup au Nord. On remarque toutefois que ce rôle de gardien fait place à l’aspect féroce de l’animal : ainsi, dans certaines régions du Japon, l’invoque-t-on comme protecteur contre les autres animaux sauvages. Il évoque une idée de force mal contenue, se dépensant avec fureur, mais sans discernement.
La louve de Romulus et Rémus est, elle, non pas solaire et céleste, mais terrestre, sinon chtonienne. Ainsi, dans un cas comme dans l’autre cet animal reste associé à l’idée de fécondité. La croyance populaire, en pays turc, a jusqu’à nos jours conservé cet héritage. Parmi les bézoards appréciés par les Yakoutes, en Sibérie, celui du loup est considéré comme le plus puissant ; en Anatolie, c’est-à-dire à l’autre extrémité de l’extension géographique des peuples altaïques, on voit encore des femmes stériles invoquer le loup pour avoir des enfants. Au Kamtchatka, à la fête annuelle d’octobre, on fait une image de loup en foin et on la conserve un an pour que le loup épouse les filles du village ; chez les Samoyèdes on a recueilli une légende qui met en scène une femme qui va dans une caverne avec un loup.
Cet aspect chtonien ou infernal du symbole constitue son autre face majeure. Elle semble restée dominante dans le folklore européen, comme en témoigne, par exemple, le conte du Chaperon rouge. On le voit déjà apparaître dans la mythologie gréco-latine : c’est la louve de Mormolycé, nourrice de l’Achéron, dont on menace les enfants, exactement comme, de nos jours, on évoque le grand méchant loup ; c’est le manteau de peau de loup dont se revêt Hadès, maître des Enfers ; les oreilles de loup du dieu de la mort des Étrusques ; c’est aussi, selon Diodore de Sicile, Osiris ressuscitant sous forme de loup pour aider sa femme et son fils à vaincre son frère méchant.
C’est aussi une des formes données à Zeus (Lykaios), à qui on immolait en sacrifice des êtres humains, aux temps où régnait la magie agricole, pour mettre un terme aux sécheresses, aux fléaux naturels de toute sorte : Zeus déversait alors la pluie, fertilisait les champs, dirigeait les vents.
Dans l’imagerie du Moyen-Âge européen, les sorciers se transforment le plus souvent en loups pour se rendre au Sabbat, tandis que les sorcières, dans les mêmes occasions, portent des jarretelles en peau de loup. En Espagne, il est la monture du sorcier. La croyance aux lycanthropes ou loups-garous est attestée depuis l’Antiquité en Europe ; Virgile en fait déjà mention. En France, à peine commençait-on à en douter sous Louis XIV. C’est une des composantes des croyances européennes, un des aspects sans doute que revêtent les esprits des forêts.
Selon Collin de Plancy, Bodin raconte sans rougir qu’en 1542 on vit un matin cent cinquante loups-garous sur une place de Constantinople.
Ce symbolisme de dévorateur est celui de la gueule, image initiatique et archétypale, liée au phénomène de l’alternance jour-nuit, mort-vie : la gueule dévore et rejette, elle est initiatrice, prenant, selon la faune de l’endroit, l’apparence de l’animal le plus vorace : ici le loup, là le jaguar le crocodile,etc. La mythologie scandinave présente spécifiquement le loup comme un dévorateur d’astres, ce qui peut être rapproché du loup dévorateur de la caille parle le Rig-Veda. Si la caille est, comme nous l’avons noté, un symbole de lumière, la gueule du loup est la nuit, la caverne, les enfers, la phase de pralâya cosmique ; la délivrance de la gueule du loup, c’est l’aurore, la lumière initiatique faisant suite à la descente aux enfers, le kalpa.
Fenrir, le loup géant, est un des ennemis les plus implacables des dieux. Seule la magie des nains peut arrêter sa course, grâce à un ruban fantastique que nul ne peut rompre ou couper. Dans la mythologie égyptienne, Anubis, le grand psychopompe, est appelé Impou, celui qui a la forme d’un chien sauvage ; on le révère à Cynopolis comme le dieu des enfers.
Cette gueule monstrueuse du loup, dont Marie Bonaparte parle dans son auto-analyse, comme étant associée aux terreurs de son enfance consécutives à la mort de sa mère, n’est pas sans rappeler les contes de Perrault : Grand-Mère, comme tu as de grandes dents ! Il y a donc, observe G. Durand, une convergence très nette entre la morsure des canidés et la crainte du temps destructeur. Kronos apparaît ici avec le visage d’Anubis, du monstre dévorant le temps humain ou s’attaquant même aux astres mesureurs de temps.
Nous avons parlé du sens initiatique de cette symbolique. Ajoutons qu’elle donne au loup comme au chien un rôle de psychopompe.
Un mythe des Algonquins le présente comme un frère du démiurge Menebuch le grand lapin,régnant à l’Ouest, sur le royaume des morts. Cette même fonction de psychopompe lui était reconnue en Europe, comme en témoigne ce chant mortuaire roumain :
Paraîtra encore
Le loup devant toi
….
Prends-le pour ton frère
Car le loup connaît
L’ordre des forêts
…
Il te conduira
Par la route plane
Vers un fils de Roi
Vers le Paradis
(Trésor de la poésie universelle, par R. Caillois et J. C. Lambert, Paris, 1958).
Notons pour conclure que ce loup infernal, et surtout sa femelle, incarnation du désir sexuel, constituent un obstacle sur la route du pèlerin musulman en marche vers La Mecque, et plus encore sur le chemin de Damas, où elle prend les dimensions de la bête de l’Apocalypse.”
La médecine du loup
Nous retrouvons le loup dans le plus ancien texte de l’Inde, rédigé environ 2000 ans avant JC.’: le RIgveda.Le loup dévoreur Vikra (la nuit), absorbe la lumière symbolisée par la caille (Vartikâ). Lorsque les jumeaux divins libèrent la caille alors le jour renaît. Il s’agit du cycle Vie-Mort-Vie. C’est le retour au Soi après le passage initiatique de la rencontre avec l’ombre. Vartikâ est le retour de la lumière après le passage dans les entrailles sombres du loup. Vartikâ est celle qui revient. Il s’agit de la menatoïa le retournement du Soi au Soi. Le lever du soleil, l’aurore représentent le souvenir du Soi qui a toujours été présent Jamais absent. En effet, le voile de l’ignorance est dévoré par le loup Vikra. Il s’agit d’une oeuvre alchimique qui transforme le plomb en or.
C’est également se reconnecter à ses instincts et de fait au monde qui nous entoure.
Chez les chamans amérindiens Le loup est un pont avec le monde des esprits. Il accompagne le chaman pour les quêtes de visions, les rites et passages initiatiques notamment de l’adolescence au monde des adultes. Il permet par ses qualités intuitives et instinctuelles de voyager dans le monde des esprits avec courage et ténacité. Les qualités du loup solitaire sont requises ici et permettent à l’initié de faire face à ses peurs afin de rejoindre ensuite la meute, le clan.
Le totem allié loup apporte un vent de liberté et de grands espaces à celui qui le rencontre ou l’invoque. Cela permet de se libérer des carcans et schémas répétifs. Il aide à déchiqueter les croyances limitantes une à une pour enfin sortir de la forêt et traverser la plaine.
Une fois le défi relevé le loup nous guide vers la voie, la solution la mieux adaptée grâce à son instinct surdéveloppé il accompagne en pleine conscience et confiance le guidé. Il peut s’agir d’un loup Alpha celui qui maîtrise et est le leader du clan ou d’une louve protectrice et accueillante de l’Inconnu (l’Un Connu). Il conduit de l’obscurité à la lumière et de la mort vers l’immortalité.
En ces temps un peu troublés et incertains, faire appel au Loup est une quête de sens pour tous les petits-chaperons rouges que nous sommes. Il guidera nos pas afin de sortir de la Gueule du Loup de l’ignorance. Il nous permettra de découvrir, depuis la grotte, la lumière jaillir et nous conduire à la réalité d’une vision plus vaste, infinie de ce qu’est La Vie.
Dalila Baha
Fondatrice de B formation & Conseil et Wisdom & Joy
Il y a un commentaire
De Pachtère FRED
15 juillet 2024 à 22h24
Superbe article de fond à l’image de son auteure, bravo pour ce savoir que vous nous transmettez