« La chasse du blaireau Européen (Meles meles) en France, une singularité en incohérence avec la biologie de l’espèce et sa préservation »
La chasse du blaireau européen (Meles meles) dans notre pays s’inscrit en incohérence avec la biologie de l’espèce et sa préservation.
Le blaireau est classé dans l’annexe III de la Convention de Berne « espèces de faune protégées dont l’exploitation est réglementée ». L’espèce figure sur la liste des espèces de gibier chassable en France.
Selon les modalités fixées par arrêté préfectoral, le blaireau peut être chassé à tir de septembre jusqu’au dernier jour de février, et par la vénerie sous terre, qui se pratique du 15 septembre au 15 janvier. Le préfet peut, en application de l’article R424-5 du Code de l’environnement, décider d’une réouverture à partir du 15 mai et, jusqu’à l’ouverture générale de la chasse. Il en résulte que l’espèce ne bénéficie que de 2 mois et demi de répit par an.
La vénerie sous terre est une forme de chasse barbare qui consiste, durant des heures, à acculer des familles entières de blaireaux dans leurs terriers à l’aide de chiens, pour finir par les extraire et les tuer.
Lorsque la vénerie sous terre est pratiquée à partir du 15 mai jusqu’à l’ouverture générale de la chasse en septembre, elle tue sans différenciation les mères et les petits qui sont encore en état de dépendance pour survivre. Il convient de préciser que le sevrage des blaireautins (arrêt de l’alimentation lactée) ne constitue en aucun cas un stade de croissance à partir duquel ils ne sont plus considérés comme des “petits”, au contraire ils restent dépendants de leur mère et vulnérables au minimum deux mois après le sevrage, E. Neal et C. L. Cheeseman (1996), Yayoi Kaneko & al. (2010),Emmanuel Do Linh San (2006), Fell RJ & al. (2006). Le fait de détruire la progéniture d’une espèce remet en cause sa viabilité à long terme. Pour le territoire français, aucune donnée scientifique n’existe concernant l’état des populations.
Cette prolongation de la période de déterrage à partir du 15 mai, s’inscrit en totale contradiction avec l’article L424-10 du Code de l’environnement, selon lequel « il est interdit de détruire (…) les portées ou petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée » mais également avec les recommandations du conseil de l’Europe : « (…) La chasse aux petits nuit à la croissance démographique, ce qui n’est pas souhaitable pour une espèce au rythme de reproduction aussi lent que celui du blaireau. (…) les femelles doivent être protégées pendant toute la saison de reproduction (…).» Dans les faits et en dépit de cette législation, la prolongation de la période de vénerie sous terre est encore largement pratiquée comme le montre cette carte réalisée par l’association AVES France :
La chasse du blaireau, par vénerie sous terre (15 septembre au 15 janvier) ou à tir (septembre jusqu’en février), durant la saison d’ouverture « normale » détruit des femelles qui sont pleines où allaitantes (gestation dès Novembre, mises bas à partir de décembre/janvier) en totale contradiction avec les recommandations du conseil de l’Europe : « (…) les femelles doivent être protégées pendant toute la saison de reproduction (y compris toute la période d’allaitement). (…) Comme il est impossible d’identifier à vue les femelles mères, aucun blaireau ne doit être tiré pendant la saison de reproduction. »
La chasse du blaireau telle qu’elle est pratiquée dans notre pays rentre en discordance avec l’article L424-10 du Code de l’environnement, les préconisations du conseil de l’Europe ainsi que les données scientifiques visant à préserver l’espèce.
Quelles que soient les études scientifiques, on retrouve les mêmes données sur la biologie de l’espèce : les termes « petit », «Juvénile » sont employés à la quasi-unanimité par les scientifiques pour tous les individus qui n’ont pas dépassé 12 mois (Yayoi Kaneko & al. 2010) , (Carole Bodin 2006), (Neal 1986), (T.Roper 2010)… (Rappelons que ce terme est précisément employé dans l’article L424.10 du code de l’environnement). La gestation des femelles débute à partir de fin novembre (T.Roper 2010), (E. Do Linh San 2006), les mises-bas ont lieu entre mi-janvier et mi-mars (Neal et Cheeseman 1996), (E. Do Linh San 2006), (Nobuyuki & al. 2006) et le sevrage des petits se produit vers le mois de mai (6 à 8 semaines après la naissance) (E. Do Linh San 2006), (Nadine Adrianna Sugianto & al. 2019). La survie des petits est donc dépendante de leur mère jusqu’en juillet/août (14 à 16 semaines d’âge) (E. Do Linh San 2006), (Nadine Adrianna Sugianto & al. 2019), (Nobuyuki & al. 2006) (Neal et Cheeseman 1996) (E. Do Linh San 2006). La puberté étant atteinte vers 9 à 10 mois, voire jusqu’à 18 mois ou plus dans certains cas (Nicola Ferrari 1997) (E. Do Linh San 2006). Chasser le Blaireau pendant cette période de reproduction va à l’encontre de la préservation de l’espèce.
Compte tenu du faible taux de natalité (65 à 70 %Andrew W. Byrne & al. (2012) et d’une forte mortalité des petits blaireaux durant leur première année (40 à 60%)(Cheeseman & al. 1987, Harris & Cresswell 1987, Wandeler 1991, Whelan & Hayden 1993, Page & al.1994), le blaireau a un taux de reproduction extrêmement lent ce qui peut nuire à la dynamique démographique de l’espèce : Do Linh San (2006) « (…) lorsque les facteurs de mortalité anthropogénique (trafic routier, chasse, etc.) occasionnent des pertes supérieures à 20 % dans une population de blaireaux, celle-ci va inévitablement régresser. ».
Pour toutes les raisons évoquées, nous demandons à ce que les services de l’Etat réexaminent leurs positions sur la gestion de l’espèce en France. Nous demandons, tout comme 83 % des Français (IPSOS/ One Voice, 2018), l’abolition du déterrage (vénerie sous terre), mesure déjà effective dans une grande partie des pays de l’Europe de l’Ouest.
Nous demandons également qu’un moratoire sur la chasse du blaireau soit mis en place sur notre territoire et qu’une campagne de recensement y soit effectuée.
Signataires :
Corinne Rolland : cofondatrice du Collectif Renard Blaireau
Christophe Coret : Président AVES France
Sébastien Valembois : Président association Green, cofondateur du Collectif Renard Blaireau
Muriel Arnal : Présidente fondatrice One Voice
Pierre Athanaze : Écrivain, président d’Action Nature Rewilding France, vice-président de la métropole de Lyon
Virginie Boyaval : Présidente association MELES
Gérard Charollois : Président Convention Vie et Nature, magistrat de l’ordre judiciaire (juge)
Coralie Ruga : Présidente association Forêts Alternatives du Jura
Jacques Pivard : Président association la Chenevière
Arnaud Marchais : Président Troisième Planète
Pr Arnaud Cénac : Professeur Honoraire médecine interne CHU Brest
Isabelle Di Mascio : Co-correspondante du Parti Animaliste Nice
Pr Jean François Coureau : Président fondateur Faune Alfort
Ariane Ambrosini : Juriste à l’ASPAS
Richard Holding : Communiquant à l’ASPAS
Madline Rubin : Directrice de l’ASPAS
Marc Giraud : Porte-parole de l’ASPAS
Corinne Rolland
Cofondatrice et porte parole du Collectif Renard Blaireau, Collectif Nature & Vivant
8 commentaires
Willems Caroline
22 janvier 2022 à 20h57
Laissons vivre les animaux au rythme de la nature!
GUILLANDE VALERIE
22 janvier 2022 à 18h52
ces pratiques barbares sont insupportables..comment des préfets peuvent ils cautionner cette merde? ils sont complices d’un holocauste inutile….car comme tous les autres animaux catégorisés “nuisibles” dans notre pays……….aucun ne l’est…leurs assassins sont des psychopathes qui relèvent de l’asile psychiatrique
Lionel Bécus
25 janvier 2022 à 20h41
Les préfets ne sont pas des élus ils autorisent n’importe quoi sans savoir, sous la pression d’influenceurs de toutes sortes dont ils se débarrassent en signant tout un tas d’autorisation aussi aberrantes les unes que les autres, prouvant ainsi leur inculture, et leur ignorance, pour ne pas dire bêtises! Ce sont les préfets qu’il faudrait supprimer !
Blin
21 janvier 2022 à 20h04
Il est inadmissible que la population de ces petits prédateurs blaireaux, renards, putois dépende des chasseurs qui n’ont absolument aucune compétence scientifique
C’est comme si nous laissions les décisions médicales non pas sous le contrôle de la haute autorité de santé mais a une bande de dealeurs agressifs….
Charlotte Bousquet
21 janvier 2022 à 16h41
Les blaireaux, nos petits ours des campagnes, sont essentiels à la biodiversité. Et surtout, ce sont des êtres sensibles, qui ne devraient en aucun cas être chassés, , de cette façon abjecte.
Savez vous qu’au Japon, ils portent chance et sont sacrés ?
SAVOYAT
21 janvier 2022 à 9h45
Assez de considérer la vénerie comme utile. C’ est un problème et non une solution.
Beaucoup de haine, de barbarie animent ces chasseurs d’ un autre monde. Une honte pourquoi tuer, tuer alors que la biodiversité se raréfie.
Je me demande toujours ce qu’ils feraient en Syrie ….
Bègue
20 janvier 2022 à 19h17
Les blaireaux ne sont pas des nuisibles, il n’y a aucune raison de les tuer sauf pour le “plaisir” de tuer des chasseurs. Ces animaux sont des êtres vivants sentients, laissons les vivre tranquillement.
ROUSSELLE Chris
20 janvier 2022 à 18h42
Pourquoi TUER les Blaireaux ??
Cet Animal ne se mange pas !( chez les gens civilisés)
Cet animal ne propage pas de maladies !! ( fausse rumeur)
Cet Animal ne créer pas de dégâts ( ou rarement mais il existe des solutions simples)
Cet Animal n’est pas agressif ni dangereux !
Cet Animal à des mœurs nocturnes et ne créer pas de gène dans son environnement !
Les chasseurs ne pratiquent ces chasses que pour leur «loisirs », ce qui est une pratique perverse !!!