Lors d’une consultation populaire en Équateur en 2011, la capitale Quito a statué pour l’élimination des spectacles dont le but est de tuer les animaux impliqués, en particulier les corridas. L’interdiction des spectacles taurins n’est pas venue du gouvernement de l’époque, mais bien des habitants de cette ville. Le lobby taurin au sein du gouvernement en complicité avec le conseil municipal, a cependant émis une ordonnance qui a permis aux corridas de se poursuivre, en dépit du résultat pourtant clair de cette consultation.
Récemment, un lobby procorrida équatorien a saisi la Cour constitutionnelle de l’Équateur pour qu’elle déclare inconstitutionnelle la question 8 de la Consultation populaire de 2011 (celle qui demandait l’abrogation des spectacles aboutissant à la mort des animaux) afin que la déclaration populaire soit purement et simplement ignorée.
Face à cette situation, Carlos Campaña Gallardo, président de l’association anticorrida FATA (Familias Antitaurinas a la Abolicion), a fait appel au Réseau International Antitauromachie (RIA) pour organiser une réplique concertée.
Un certain nombre de personnalités engagées contre la corrida, en grande partie des Equatoriens mais également quelques intervenants venus d’autres pays via le RIA, ont comparu en tant que Amicus Curiae.
C’est à ce titre que j’ai été contacté, en tant que représentant du RIA pour la France, dans le but de rejeter deux mensonges délibérés grossiers du lobby taurin dans sa requête auprès de la Cour. Il était affirmé en effet que la tauromachie faisait partie du patrimoine culturel immatériel (PCI) de la France inscrit auprès de l’Unesco depuis 2010 et que la corrida était garantie par la Constitution dans notre pays. Ces deux allégations sont totalement fausses.
Ci-après, un extrait du mémoire déposé par les taurins devant la Cour constitutionnelle. On peut y lire que “la culture taurine a été reconnue en France en 2010 quand elle a été inscrite à l’inventaire de l’Unesco comme faisant partie du patrimoine immatériel de ce pays“.
Le document que j’ai rédigé a apporté un démenti détaillé et factuel des mensonges mis en avant par les taurins. Il était présenté au nom de No Corrida, association anticorrida que je préside, et de la FLAC, Fédération des luttes pour l’abolition des corridas, dont je suis le secrétaire fédéral et qui rassemble une quinzaine d’associations parmi lesquelles la SPA, 30 Millions d’amis, L214, la SNDA, OneVoice et bien sûr No Corrida. La FLAC totalise environ 200 000 membres fédérés.
Ma déposition a été transmise à la Cour le 14 décembre. La comparution s’est tenue le 17 décembre, par Zoom en raison de la pandémie. Il y avait 65 participants, dont cinq juges et une greffière. Lors de mon intervention, j’ai pu démontrer l’inanité des affirmations des taurins en apportant des éléments précis et factuels à leur encontre.
L’inscription de la tauromachie à l’inventaire du PCI – qui n’a jamais atteint un quelconque enregistrement auprès de l’UNESCO – a été abrogée par la Cour administrative d’appel de Paris en 2015 suite à l’action en justice menée par deux associations, le CRAC Europe (dont j’étais le vice-président à cette date) et Droits des Animaux. Le tribunal a conclu : “La décision d’inscription de la corrida à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France doit être regardée comme ayant été abrogée“. La tauromachie a donc officiellement été retirée du patrimoine de la France. Suite à cette décision, deux organisations lobbyistes taurines sont allées en cassation devant le Conseil d’État en 2016 mais ont été déboutées.
Quant à la prétendue protection constitutionnelle dont jouirait la corrida en France, il s’agit d’une distorsion sérieuse de la réalité. En France, le Conseil constitutionnel ne procède qu’à un examen de la constitutionnalité des normes sans entrer dans la constitutionnalité des pratiques. Il s’est prononcé le 21 septembre 2012 sur la constitutionnalité de définir une partie de la France comme bénéficiaire d’une exception à la loi sur un unique critère géographique. En effet, la corrida est un délit pénal sanctionné par la loi, à l’exception de 10% du territoire où elle bénéficie d’une immunité de peine, ce qui n’enlève rien au fait qu’elle est un délit. Les Sages n’ont en aucun cas affirmé que la tauromachie est constitutionnelle et ils n’ont modifié en rien l’article de loi du Code Pénal qui définit les corridas comme relevant de « sévices graves ou d’actes de cruauté envers un animal ».
C’est avec espoir que nous attendons désormais la décision de la Cour constitutionnelle d’Équateur. Si elle suit l’ensemble des arguments que nous avons présentés, cela signifiera l’abolition de la corrida dans ce pays.
Seuls huit pays pratiquent toujours des corridas dans le monde : l’Espagne, le Portugal, la France (corridas dépénalisées dans 12 départements du sud du pays), le Mexique, l’Équateur, le Venezuela, la Colombie et le Pérou.
Roger Lahana
Président de No Corrida
Secrétaire fédéral de la FLAC (Fédération des Luttes pour l’Abolition des Corridas)
Référent pour la France du Réseau International contre la Tauromachie
Membre plénier de la World Federation for Animals
Il y a un commentaire
Roche
5 janvier 2021 à 12h00
Merci pour votre combat.