Les animaux sont aujourd’hui au cœur d’un important débat sociétal. Grâce au travail sans relâche des associations qui dévoilent au grand jour les souffrances qu’ils endurent dans les laboratoires, les fermes et les abattoirs, nul n’ignore désormais les problèmes que pose leur exploitation. Cela vaut non seulement pour le commun des mortels mais aussi pour le monde politique, comme en témoigne le fait que le bien-être animal est mentionné dans les programmes de presque tous les candidats à la présidentielle 2022.
Ces quelques éléments suggèrent que la France est en passe de rattraper le retard non négligeable qu’elle avait pris en la matière sur d’autres pays. On ne peut que s’en réjouir. Certains secteurs demeurent pourtant à la traine. Ainsi, la question animale n’est que marginalement discutée au sein des universités françaises, constat d’autant plus regrettable qu’on sait le rôle crucial qu’a joué le monde académique dans la prise de conscience internationale à son sujet.
Pour combler tant bien que mal cette lacune, quelques institutions mettent en place des formations consacrées aux relations humains-animaux. C’est ainsi que plusieurs Diplômes universitaires (DU) ont vu le jour ces dernières années, par exemple à Limoges, à Toulon et à Rennes. Dans ce contexte, l’Université de Strasbourg présente cependant la particularité d’être la seule dans l’hexagone à proposer une spécialisation en éthique animale au niveau Master.
Créée en 2015 par Cédric Sueur avec l’aide de Jean-Marc Neumann, Christel Simler, Marie Pelé et la Fondation droit animal (LFDA), cette spécialisation s’insère dans un programme de maîtrise en éthique dispensé par le Centre européen d’enseignement et de recherche en éthique (CEERÉ) et hébergé par la Faculté des sciences sociales. Fondamentalement pluridisciplinaire, elle combine des enseignements relevant notamment de la philosophie, du droit et de l’éthologie afin de fournir à ses étudiants une formation complète en éthique animale.
Les enseignements de philosophie sont dispensés par François Jaquet. En première année, ils incluent une introduction aux principales théories morales (qui prétendent identifier le critère de l’action bonne) et une leçon dédiée au problème de la consommation de viande, ainsi qu’un séminaire de lecture consacré à des textes fondateurs en éthique animale. En deuxième année, le même séminaire est consacré à d’autres textes, auquel s’ajoute un cours entièrement focalisé sur la notion de spécisme et l’importance qu’il convient d’accorder aux intérêts des animaux.
Les cours de Droit animal enseignés par Léa Mourey concernent à la fois la réglementation de l’animal domestique, de l’animal d’élevage, de l’animal sauvage, et une perspective européenne du droit animalier ainsi qu’une réflexion autour des améliorations de la loi sur l’utilisation des animaux dans nos sociétés. Finalement, tout le long de leur cursus, les étudiants suivent des cours en éthologie leur permettant de cerner la diversité sensitive et cognitive du monde animal. Ces cours vont du bien-être à la conscience en passant par les cultures animales ou encore la méthode d’étude scientifique.
Ce cursus étant interdisciplinaire, il est ouvert à n’importe quel détenteur d’une licence, quelle que soit la matière étudiée jusqu’ici. Ses étudiants actuels comprennent tant des philosophes que des juristes et des biologistes. Ils sont une vingtaine – environ dix par promotion. À noter également : les enseignements du master peuvent être suivis en formation continue par quiconque souhaite développer ses connaissances dans le domaine.
Leur diplôme a souvent permis à nos anciens étudiants de tirer parti du marché de l’emploi, et ce, dans divers secteurs professionnels. Parmi les diplômés du Master, on trouve : une responsable du département “conseil” de l’Institut de recherche, d’information et de développement du droit animalier; une rédactrice en chef chez Humeco; une animatrice dans une compagnie de Whale Watching à Vancouver; une vétérinaire référente BEA à l’ordre des vétérinaires; un membre du comité d’éthique de l’Université de Strasbourg; une juriste à la Société Protectrice des Animaux; un training manager à Altertox Academy; une instructrice administrative au service de la protection de l’enfance au sein d’un conseil départemental; une psychologue; une cheffe de projet Smart City au Conseil départemental du Bas-Rhin; et une juriste à la Fondation Brigitte Bardot. D’autres encore ont créé ou dirigent leur propre association.
Cette série d’exemples, qui n’a évidemment pas vocation à épuiser le champ des possibles, illustre bien les débouchés professionnels qu’offre l’orientation éthique animale du Master éthique de l’Université de Strasbourg. Il ne faudrait toutefois pas qu’elle occulte la possibilité pour nos diplômés d’effectuer une carrière académique. Certains de nos anciens étudiants ont d’ailleurs poursuivi leurs études dans le cadre d’un doctorat en éthique animale. Avec le temps, nous avons bon espoir que se constitue au CEERÉ un véritable groupe de recherche en éthique animale de renommée internationale.
En septembre prochain, la huitième promotion du master en éthique animale débutera son année universitaire. Si vous souhaitez prendre part avec nous à cette passionnante aventure, vous pouvez d’ores et déjà vous inscrire ici: ecandidat.unistra.fr/.
Site web du master: sites.google.com/site/droitetethiquedelanimal/
Cédric Sueur
Maître de conférences en éthologie et primatologie, responsable du master Éthique et droit de l'animal et co-responsable du master Écophysiologie et éthologie de l'Université de Strasbourg
François Jaquet
Maître de conférences en éthique et co-responsable du master Éthique de l'Université de Strasbourg