ActualitésPolitique & AnimauxQuestions à Caroline Roose, députée européenne, membre du groupe des Verts-ALE

Marion Weisslinger25 juin 202118 min

Le 10 juin, en réponse à l’initiative citoyenne européenne End the Cage Age le parlement européen a adopté une résolution en faveur de l’interdiction progressive de l’élevage en cage d’animaux d’élevage d’ici 2027. Questions à Caroline Roose, députée européenne, membre du groupe des Verts-ALE, particulièrement engagée pour la cause animale et qui a participé au vote.

Quelles motivations vous ont conduit à vous engager en politique ? Pourquoi avoir choisi le Parlement européen en particulier ?

J’ai été militante pendant 30 ans. A un moment donné, je me suis dit qu’il y avait une limite au militantisme de terrain et qu’il fallait pouvoir porter ces combats sur le terrain politique. J’ai choisi plus particulièrement le Parlement européen car je suis de nationalité belge vivant en France. Les élections européennes sont donc celles pour lesquelles j’ai le droit de me proposer comme candidate. J’ai candidaté pour faire avancer les choses avec pour idée de faire remonter les informations tirées de mon expérience de terrain vers le Parlement européen et tenter de modifier la législation.

Vous êtes une élue très engagée pour la cause animale. Quels sont vos objectifs ?

Quand je fais mes enquêtes sur le transport d’animaux vivants, quand je vois la façon dont est traité un animal, il est difficile de se dire qu’il se passe aujourd’hui encore de telles choses. Un animal est un être vivant ! Tant que, dans la conscience collective, les gens considéreront un animal comme une marchandise en employant des termes comme « sous-produit » pour parler des veaux, comme je l’ai encore récemment entendu de la bouche d’un député au sein de la Commission d’enquête sur la protection des animaux pendant le transport, tant que nous ne parviendrons pas  à faire intégrer que ces animaux, qu’ils soient des animaux de ferme ou des poissons, sont des êtres vivants avec une sensibilité, nous devrons poursuivre notre travail pour élever les consciences. Il faut que chacun se pose la question de ce qu’il mange et de ce qu’il consomme.

Depuis ma mission non officielle avec L214 à l’abattoir de Blancafort, il m’arrive même maintenant d’expliquer aux gens comment sont élevées et abattues les volailles vendues sous le label « agriculture durable », « produit durable » : les volailles naissent dans des bâtiments dans lesquels elles ne voient pas le jour. Elles sont engraissées avec des produits chimiques, puis au moment de partir à l’abattoir, elles sont chargées dans les camions par les pattes par des personnes qui ne sont malheureusement pas formées. Pendant le transport, elles sont mises dans des caisses qui ne sont absolument pas adaptées et transportées dans des conditions terribles.

A l’abattoir, on les ramène sur une chaine où on les accroche par une patte, mâles et femelles confondus alors que les mâles pèsent plus lourd, avec leur tête qui touche parfois par terre. Les volailles vont ensuite dans un bain d’électrocution à la sortie duquel certaines sont encore vivantes et sont saignées malgré tout. Cela, les gens ne le savent pas… Aujourd’hui, je me dois de le leur dire et de le leur raconter pour éveiller les consciences. Je me dis aussi que les gens qui travaillent dans les abattoirs doivent être aussi fortement impactés… travailler dans ces conditions doit être terrible pour eux.

Les poissons sont souvent les grands oubliés de la cause animale. En tant que membre de la Commission de la pêche et de la Commission d’enquête sur la protection des animaux pendant le transport, quels sont les grands axes sur lesquels vous travaillez ?

Le sujet du bien-être des poissons serait systématiquement ignoré si nous ne le mettions pas sur la table. La Commission européenne a présenté il y a peu la stratégie de la ferme à la fourchette. Quand je me suis penchée dessus, j’ai vu que rien n’était prévu pour le bien-être des poissons ! J’ai élevé la voix en faisant part de mes interrogations. Par ailleurs, au sein de la Commission d’enquête sur la protection des animaux pendant le transport, nous avons enfin réussi à faire venir un expert qui a exposé les problématiques autour du transport des poissons car de plus en plus de poissons issus de l’aquaculture doivent subir des transports ! Le sujet a ainsi enfin pu être mis sur la table.

En Commission pêche, le sujet est également débattu depuis peu de temps. C’est important et c’est une très bonne chose que l’on commence à en parler. Le volet aquaculture m’inquiète particulièrement car j’ai peur que l’on se retrouve, comme pour l’agriculture, avec de l’aquaculture intensive… D’ailleurs, quand on observe ce qui se passe déjà dans certaines fermes d’engraissement, avec des saumons d’aquaculture qui se mangent entre eux, qui n’ont pas suffisamment de place, force est de constater qu’il devient plus que nécessaire de prendre aussi en compte leur bien-être.

Sur la pêche, il y aussi beaucoup de progrès à faire. Nous nous battons pour que les techniques de pêches les plus destructrices soient interdites, pour que l’interdiction de la pêche électrique votée en 2019 s’applique réellement, pour lutter contre les chalutiers géants qui saccagent les mers, pour mettre fin aux captures de dauphins, interdire le commerce d’ailerons de requins. Nous voulons aussi plus d’aires marines protégées qui puissent servir de refuges aux animaux aquatiques mais aussi aux oiseaux marins.

Un autre enjeu européen majeur concerne le transport d’animaux vivants, comme nous l’a encore rappelé récemment le blocage du canal de Suez. Une Commission d’enquête sur la protection des animaux pendant le transport, dont vous faites partie, a d’ailleurs été créée par le Parlement européen en juin 2020 pour une durée d’un an. Quels sont les constats actuels et quelles sont les avancées possibles en la matière ? L’Europe devrait-elle arrêter le transport d’animaux vivants hors de ses frontières ?

Je suis effectivement coordinatrice pour les Verts au sein de cette Commission d’enquête. Quels sont les constats ? Nous avons déjà constaté que le règlement européen 1/2005 sur la protection des animaux pendant le transport n’était pas appliqué. Les infractions ne sont pas juste occasionnelles mais bien systématiques ! Je me suis rendue en Italie, en Espagne, et nous voyons à chaque fois les mêmes manquements.

Concernant l’exportation d’animaux vivants en dehors des frontières de l’Union européenne, j’y suis parfaitement opposée. Il faut mettre un terme à tout cela ! Cela est d’autant plus vrai qu’il existe un problème majeur au sein de la réglementation européenne : le temps de transport en mer est considéré comme un temps de repos ! J’ai été un ancien marin embarqué et je connais bien ce que provoque de supporter au quotidien les roulis des vagues… pour les animaux subir cela est juste insupportable ! Par ailleurs, je souhaiterais vraiment que les voyages soient limités pour les bovins, ovins, caprins à un maximum de 8h et à 4h pour les volailles et les lapins, et ce quel que soit le mode de transport. Il faudrait également absolument bannir le transport des animaux non sevrés. C’est inconcevable de leur faire subir de tels voyages alors qu’ils nécessitent une attention particulière…

Par ailleurs, pour bien réaliser ce que vivent les animaux pendant le transport, il est essentiel de se rendre sur le terrain. C’est bien d’entendre des experts en Commission qui vous racontent ce qu’ils ont vu mais il vaut mieux compléter ces informations par des missions. La situation sanitaire a empêché la tenue de missions officielles du Parlement mais je me suis quand même rendue sur le terrain pour des missions non-officielles. Cela est d’autant plus important que les périodes de forte chaleur arrivent… Or la Commission d’enquête s’achève en décembre, nous sommes en juin et aucun constat n’a encore été dressé en la matière. Je voudrais pouvoir faire un état des lieux et proposer des solutions concrètes.

Le 10 juin, en réponse à l’initiative citoyenne européenne End the Cage Age le parlement européen a adopté une résolution en faveur de l’interdiction progressive de l’élevage en cage d’animaux d’élevage, d’ici 2027. Est-ce une victoire pour vous et pouvez-vous nous rappeler quelle est la prochaine étape pour voir cette résolution effectivement appliquée à toute l’Union européenne ?

C’est une victoire en effet. Cette résolution vient d’une initiative citoyenne européenne : 1,4 millions de de citoyens et citoyennes sont venus signer une pétition. Cela indique une prise de conscience à large échelle. C’est une victoire et il faut continuer dans ce sens-là avec d’autres pétitions à mener pour que la Commission européenne soit enfin obligée d’agir. De fait, comme les associations ont récolté plus d’un million de signatures, la Commission se trouve contrainte de réagir. Le Parlement a aussi dû travailler sur cette résolution qui a été votée en plénière. Je suis intervenue d’ailleurs en séance au moment du vote de la résolution. La Commission envoie des signes positifs. La Commissaire a précisé que la question n’était plus de savoir s’il fallait sortir des cages mais quand et comment… Nous attendons de voir des propositions concrètes et nous réagirons en fonction mais il s’agit d’ores et déjà d’une avancée cruciale.

De façon plus générale, selon vous, les grandes avancées au profit des animaux devront forcément passer par l’Europe ?

L’Europe est la bonne échelle pour agir. Mais le gouvernement français ne doit pas se cacher derrière l’Union européenne. Rien ne l’empêche d’aller plus loin que l’UE.

Mais l’Europe n’est en réalité même pas suffisante. Il faut aussi agir pour améliorer la situation hors de l’Union européenne, car de nombreux pays ne respectent pas le bien-être des animaux… La politique commerciale de l’Union européenne doit s’adapter à cet enjeu.

Au sein de l’Union européenne, il est déjà au minimum nécessaire de faire respecter la législation. Il devient urgent que les pays européens respectent l’animal sans commettre d’infraction.

Quels sont vos prochains objectifs en tant qu’élue ?

Je souhaiterais faire avancer au maximum les choses pendant mon mandat. Je ne lâcherai pas car cela fait partie de moi et de mes convictions et que je les défendrai jusqu’au bout.

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Marion Weisslinger
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Docteur en philosophie

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