Manifestes et TribunesLa vie d’une truie

Yaël Angel26 octobre 202025 min

Photo : © L214

Les citoyens sont majoritairement opposés aux souffrances infligées aux animaux dans les élevages et les abattoirs. Pour autant, leurs attentes ne sont pas prises en compte, alors même que la montée en puissance du Parti animaliste prouve que la question animale est entrée en politique. 

Un exemple flagrant de ce déni de démocratie est l’obstruction récemment faite à la proposition de loi du groupe parlementaire EDS, visant à mettre fin aux pratiques génératrices de souffrances. Les discours souvent verbeux se sont succédés de façon à épuiser le temps imparti. La proposition a été littéralement torpillée. 

En arrière plan de cet effort de certains députés et des citoyens pour faire entendre leur volonté, le Référendum pour les animaux tente l’incroyable aventure de réunir la signature de 185 parlementaires puis de 4,7 millions de citoyens. Chacun peut le présigner et le faire connaître, et je vous y invite. 

C’est l’occasion de refaire le point sur l’élevage intensif, au travers d’un texte certes narratif, mais dont toutes les informations sont issues d’analyses scientifiques et de vidéos tournées dans les élevages. 

Je suis née sur du béton. Des barreaux entouraient le corps de ma mère. Elle ne pouvait ni marcher, ni réellement se mouvoir. Je passai mes premières heures à téter, aux côtés de mes frères et soeurs. 

Mon calvaire commença trois jours après ma naissance. On nous emmena dans une pièce. Je pus ainsi survoler le bâtiment fermé dans lequel nous étions : des centaines de nos semblables étaient là, allongées entre des barreaux, à même le sol. Brusquement, on me saisit et me contorsionna. Une douleur intense m’envahit. On m’avait sectionné la queue ! J’hurlai de toutes mes forces. La douleur me transperçait le corps. On me saisit de nouveau pour m’ouvrir grand la bouche. Une pince me coupa les dents, laissant une plaie à ma gencive et à ma lèvre. 

Revenue près de ma mère, je me blottis dans un coin, la queue collée contre ma peau pour ne pas qu’elle bouge, tant la douleur était terrible. Je ne pus téter ce jour là, à cause de l’inflammation de mes gencives. 

Une de mes soeurs mourut après un choc violent. Elle avait été jetée au sol. Son sang coulait par le groin, elle mourait lentement, en nous regardant. Mes frères étaient encore plus mal en point que moi. On leur avait ouvert les bourses pour retirer leurs testicules, à vif. Plus de queue, plus de dents, plus de testicules : tel était leur sort, à peine nés. 

Au bout de 4 semaines entre ces fers et sur ce béton, on me sépara de ma mère pour me placer dans un enclos, avec d’autres femelles de mon âge. Nous ne pouvions faire que quelques pas, tant l’espace était restreint. Lorsque j’eus 6 mois, on m’introduisit une sonde dans le vagin, puis on m’obligea à rester en cage, allongée entre des barreaux, pendant 4 longues semaines. 

Je finis par donner naissance à des petits, allongée et enferrée comme l’avait été ma mère. Moi non plus, je ne pouvais les toucher. 

La moitié de ma courte vie fut passée en cage, alternant inséminations et maternités. J’étais faible, épuisée. Les vapeurs d’ammoniac qui se dégageaient de nos excréments me brûlaient les yeux. Mes articulations étaient endommagées et le contact avec le béton

devenait insupportable. Ma queue n’avait cessé de me faire souffrir depuis ce jour terrible où on me l’avait coupée. 

Je n’entrevis le bleu du ciel qu’au cours d’un trajet interminable, dans un camion étouffant, collée à mes semblables, sans même pouvoir m’allonger, sans nourriture, et dans l’odeur de putréfaction des cochons déjà morts qui jonchaient le plancher. J’avais soif. Nous étions tellement entassés qu’aucun de nous n’arrivait à atteindre le point d’eau. A l’arrivée, on nous mit dans un bâtiment sombre. Je crois que c’est la fin. 

Pour en savoir plus sur la vie des cochons dans les élevage

En France, 23,5 millions de cochons sont élevés et abattus chaque année. 95% des cochons sont élevés dans des bâtiments fermés, sans litière, en élevages intensifs. 

Les truies sont maintenues la moitié de leur vie dans des cases étroites, entourées de barreaux. Elles ne peuvent y construire de nid pour leurs petits, ni s’en occuper comme elles ont l’habitude de le faire si on leur en laisse la possibilité. 

Les cochons jugés chétifs sont tués par « claquage » contre une paroi ou le sol, par les éleveurs eux-mêmes. Ils ne sont pas insensibilisés avant cette mise à mort, alors que cela est obligatoire pour tout abattage

Les queues des cochons sont sectionnées afin d’éviter qu’ils ne se blessent entre eux, du fait de leur grande promiscuité dans les enclos étroits où ils sont entassés et stressés. Alors que la réglementation européenne interdit les coupes systématiques de la queue et des dents, qui ne doivent être réalisées que si les éleveurs constatent au préalable des blessures et si d’autres solutions ont échoué, ces mutilations sont pratiquées de manière automatique, donc illégalement, et sans prise en charge de la douleur. Les relevés sanguins de cortisol et d’adrénaline démontrent la réalité de la souffrance. La section de la queue cause une douleur similaire à celle d’une amputation chez un humain. La plupart du temps, un névrome se forme et génère une douleur neurologique chronique. 

La castration des cochons mâles a pour objectif d’éviter certaines odeurs lors de la cuisson de leur chair – ce qui ne se produit pourtant que très rarement. Elle est effectuée sans anesthésie, et sans administration de médicaments antidouleur. 

Avant leur saignée, les cochons sont placés dans une fosse pour y être gazés par de fortes concentrations de CO2. Cette méthode supposée les « insensibiliser » est source de grande souffrance : tentatives de fuite, halètements, convulsions et détresse respiratoire peuvent être observés. De nombreuses associations ont demandé l’interdiction de cette technique douloureuse. Même l’Institut du Porc reconnaît que cette méthode doit être remplacée.

Yaël Angel
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Docteure en droit

2 commentaires

  • Chauvin

    25 novembre 2020 à 16h19

    Tant que les gens veulent manger la viande chaque jour et la viande pas chère l élevage intensif existera. Pour changer il faut du changement au fond et plus de contrôle.

    Répondre

  • sylvie jouet

    23 novembre 2020 à 16h00

    ET CA CONTNUE

    Répondre

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