Grand défenseur du droit des animaux dans l’hémicycle, Loïc Dombreval s’est exprimé sur les récentes actualités liées à la condition animale, notamment sur la proposition de loi portée par Cédric Villani. Le député LREM des Alpes-Maritimes est également revenu sur son investissement et ses ambitions pour faire avancer la cause.
Un premier pas en faveur du bien-être animal a été franchi, fin septembre, avec les annonces de la ministre Barbara Pompili. Quelle est votre opinion?
C’est une excellente nouvelle. Ce sont des décisions rationnelles laissant un temps de transition indispensable. Ces mesures vont parfaitement dans le bon sens. J’ai un seul petit regret, le temps d’attente pour mettre fin aux élevages de visons pour leur fourrure. Cinq ans c’est beaucoup trop long car il y a peu d’élevages en France. Leurs conditions de vie sont déplorables. De plus, ce marché est devenu complètement démodé. Les plus grands couturiers abandonnent la fourrure animale et vont continuer les uns après les autres. Par-dessus tout, il s’agit d’un problème sanitaire. Nous savons que le vison peut transmettre le Covid 19 à l’homme. C’est une bonne raison pour arrêter rapidement comme le font d’ailleurs nos voisins hollandais.
Une enveloppe totale « d’au moins huit millions d’euros » sera mise sur la table pour la reconversion des trois delphinariums du pays mais aussi des cirques ambulants. Est-ce suffisant ?
Cette enveloppe a été estimée rapidement. J’ai d’ailleurs proposé qu’un travail soit fait très bientôt pour mesurer très précisément quelles seront les méthodes avec lesquelles nous pourrons faire cette transition. Plusieurs questions se posent. Pour les cirques par exemple, nous ne savons pas exactement le nombre d’animaux concernés. Nous ne savons pas non plus quels seront les lieux pour les accueillir ni quelles vont être les demandes de ces structures d’accueil. Nous ignorons également le coût de la nourriture, de l’hébergement, des soins et des transports. Toutes ces interrogations demandent réflexion. Elles n’ont pas été étudiées suffisamment en amont pour se permettre d’affirmer qu’une enveloppe de huit millions d’euros sera suffisante.
La proposition de loi sur les maltraitances animales, portée par Cédric Villani, a été débattue le 8 octobre à l’Assemblée nationale. Au total, seulement deux heures ont été consacrées à ce texte sans que les députés ne puissent se prononcer. Est-ce normal d’engager aussi peu de temps pour débattre d’un sujet qui prend de plus en plus de place dans le débat public ?
Il faut arrêter de se moquer du monde. Je parle en l’occurrence de la façon avec laquelle le sujet du bien-être animal a été mis à l’ordre du jour par le groupe EDS (Ecologie, Démocratie, Solidarité) auquel appartient mon collègue Cédric Villani.
Il faut savoir, qu’en France, lorsqu’on est un groupe de l’opposition, on a droit à une journée par an pour défendre ses propositions de loi. C’est probablement insuffisant mais c’est ainsi que cela fonctionne et le groupe EDS le savait parfaitement. Lors de cette journée, ils ont déposé quatre propositions de loi dont une sur l’avortement. Est-ce qu’ils ne pouvaient pas imaginer sérieusement que cette proposition de loi allait être débattue pendant longtemps dans l’hémicycle ? Nous pouvions nous y attendre. Ce n’est pas sérieux.
Ils imaginaient que la proposition de loi sur le bien-être animal allait être débattue à partir de 15 heures, elle a finalement commencé à 22 heures. S’ils avaient voulu traiter sérieusement le sujet, ils auraient placé la proposition sur le bien-être animal en premier. Ils ont choisi l’avortement et ont eu probablement raison. Je ne remets pas en question ce choix car politiquement et dans l’esprit du public, ce n’est pas possible de faire passer le bien-être animal avant la loi sur l’avortement. Mais la faute revient au groupe EDS. C’est de la faute de personne d’autre, je suis absolument désolé de le dire. Ils auraient très bien pu, par exemple, prendre une journée entière pour traiter du bien-être animal si le sujet était si important pour eux. Cela aurait peut être même pas suffit.
La façon dont ils ont traité le sujet ne me paraît pas sérieuse aussi. Ils ont repris la proposition de loi du Référendum pour les animaux (RIP) en y enlevant un article sur l’expérimentation animale pour une raison que j’ignore et en conservant quasiment tous les autres sans aucun travail particulier, sans apport, sans ajout. A la fois sur la forme et sur le fond, je pense que ce travail n’est pas sérieux et qu’il ne pouvait pas aboutir. Je l’ai dit avant mais je n’ai pas été entendu et il s’est passé exactement ce que je craignais. Le sujet a été bâclé. Je suis très mécontent, fâché et déçu.
Malgré tout, le ministère de la Transition écologique a assuré que ces mesures pouvaient être appliquées par voie réglementaire sans forcément passer par une loi…
La voie réglementaire est largement suffisante. Ce n’est pas la peine de légiférer une nouvelle fois. Ca n’a aucun intérêt. En France, c’est notre spécialité.
Certains députés, par le biais de la loi, ont l’impression de pouvoir marquer l’histoire en parlant dans l’Hémicycle. Moi je m’en fiche complètement. Pour moi, lorsque les mesures peuvent être prises par voie réglementaire, nous devons le faire. Tout cela est un méli mélo de politique politicienne absolument imbuvable.
Pour vous, les animaux sont devenus un enjeu politique voire un enjeu de politique politicienne ?
Si ce sujet doit être pris par certains comme un sujet de politique à visée électoraliste, qu’ils le prennent ainsi même si cela ne me paraît pas être de bonnes raisons. Mais plus les politiques prendront le sujet en mains, mieux ce sera. En tout cas ce qui est certain, c’est qu’il s’agit d’un sujet politique. Il s’est invité au débat tant au niveau des municipales, des régionales qu’au niveau national et européen. C’est une bonne chose. Inévitablement, une petite frange de politiques se dit que le sujet rapporte des voix, qu’il fait le buzz dans les médias et sur les réseaux sociaux. Ils s’en emparent et s’y intéressent par pur calcul politique.
Pensez-vous, qu’en matière de condition animale, nous puissions un jour passer outre les partis politiques ?
Je pense que c’est déjà le cas. A titre d’exemple, lorsque j’avais rédigé une tribune sur les abandons des animaux de compagnie, publiée en juillet 2019 dans le JDD, je l’avais faite signer par 240 députés et sénateurs, de tous bords sans exception. Il y a une catégorie d’animaux qui fait consensus, c’est l’animal de compagnie. Probablement un député ou un sénateur sur deux en a un à la maison. Tout le monde l’aime.
Mais sa condition de vie est-elle toujours digne en France ? Non. Nous l’abandonnons, nous le maltraitons. Ne pourrait-on pas commencer à nous mettre d’accord sur l’animal de compagnie dans une belle proposition de loi. Je pense qu’il faut commencer à aborder le sujet de cette manière car si nous commençons à parler chasse ou élevage intensif, les débats s’éternisent, tout le monde se déchire et rien n’avance. Ma proposition de loi sur les animaux de compagnie parle notamment de l’augmentation des peines pour maltraitance. Ces augmentations seraient appliquées à l’animal de compagnie mais aussi à l’ensemble des animaux domestiqués. En commençant par l’animal de compagnie, nous pourrions ensuite élargir le sujet à d’autres beaucoup plus complexes et sensibles.
Vous avez apporté votre soutien au « Référendum pour les animaux » (RIP). Au total six mesures sont proposées mais l’on dénote l’absence de la corrida parmi elles. Qu’en pensez-vous ?
J’ai entendu ce reproche. J’ignore la raison pour laquelle cela a été écarté volontairement. C’est très surprenant. Pourtant, si l’on se réfère aux sondages d’opinion sur la corrida, il y a une immense majorité de français qui y est opposée.
Votre proposition de loi, déposée fin juillet, veut rendre obligatoire la stérilisation des chats. Sont-ils de plus en plus à pulluler dans nos rues ?
Il y a beaucoup de chats, probablement trop, surtout depuis le confinement. Beaucoup de reproductions sont non contrôlées. Plutôt que de raconter n’importe quoi comme Willy Schraen qui propose de piéger les chats se trouvant à plus de 300 mètres des habitations, je pense que la stérilisation est la bonne méthode. Ceux qui ne sont pas destinés à la reproduction devraient être stérilisés de façon obligatoire à l’âge de six mois. C’est dommage d’en arriver là mais derrière ce fléau, il y a des problèmes d’abandons, d’errance et de biodiversité. Un député des Bouches-du-Rhône a même appelé à classer le chat comme espèce “nuisible” dans le cadre du projet de loi sur le bien-être animal car il tue et mange beaucoup d’oiseaux. C’est une réalité qui a d’ailleurs été observée par la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux).
Il faut aider d’avantage les bénévoles de terrain qui se chargent de la capture des chats et de la stérilisation. Tout comme les mairies et les associations de protection animales qui les stérilisent. Nous allons le faire. Nous avons une enveloppe de 20 millions d’euros au niveau national pour mener à bien ces actions.
Avez-vous des projets liés à la condition animale dans les Alpes-Maritimes?
Je fais très attention à ce qui se passe dans les différents refuges des Alpes-Maritimes. Plusieurs posent problème et passeront prochainement en jugement. Ils sont attendus. Je pense en particulier à Artémis, un véritable scandale qui a duré très longtemps. Je n’ai pas de projet spécifiquement dédié aux Alpes-Maritimes mais je suis en lien avec tout ceux qui s’intéressent à cette question de façon assez étroite et régulièrement, j’apprécie de rendre visite aux bénévoles.
Dans les Alpes-Maritimes, les animaux ont eux aussi été touchés par les violentes intempéries. Des actions ont-elles été mises en place pour les sinistrés qui ont, pour certains, perdu leurs compagnons à quatre pattes ?
J’observe ce qui se passe sur ces questions-là. Les choses sont bien faites et prises en mains. Après une catastrophe humaine comme celle là, je préfère agir dans l’ombre car l’on va sans doute me reprocher de faire passer les animaux avant les humains ce qui n’a jamais été le cas. La politique a cela d’extrêmement gênant et terrible, c’est qu’elle ment souvent. Malheureusement dans notre pays, nous en sommes toujours là. Donc je préfère agir de façon discrète sans que cela ne se voit plutôt que d’aller m’exposer sur les réseaux sociaux et dans les médias pour raconter ce que je fais pour les chiens, les chats, les loups et les autres espèces animales. Je préfère éviter la violence des propos et la malveillance des gens. Beaucoup s’imaginent que je ne m’intéresse qu’aux chiens et aux chats, c’est vraiment dommage. J’ai toujours considéré que le bien-être des animaux ne pouvait pas se faire au détriment des humains.
Amandine Zirah
Rédactrice freelance