Numéro 10Animaux domestiquesDes médiations animales : faisons-nous toujours du bien à nos animaux ?

L'Arche des Associations16 janvier 20237 min

C’est l’angle d’approche inédit et ambitieux : médiations animales : bienfaits et limites du point de vue de l’animal ! Que s’est fixée l’Arche des Associations pour cette 3e édition des Assises de la Prévention Protection Animale. L’enjeu de ce 15 octobre était d’interroger en un temps record, une quarantaine d’experts scientifiques et de professionnels de la médiation animale sur leur vision et la place réservée à l’animal au travers de cette activité.   

Venues de toute la France, ces personnalités connues et reconnues se sont succédé toute la journée au micro de Gérald Ariano et de Laetitia Barlerin, maîtres de cérémonie. 

Quatre tables rondes au programme dont l’objectif était de dresser un état des lieux, une présentation des différentes médiations animales sur le plan sanitaire puis sociétal pour enfin confronter les avis et témoignages sur les pratiques et les formations existantes.  

Que faut-il retenir de cette journée riche en échanges et constats ?    

 Une définition donnée par Boris Albrecht – Directeur de la Fondation Sommer – qui,  depuis 2008, fait consensus en France : « La médiation animale est une méthode d’intervention basée sur les liens bienfaisants entre les animaux et les humains à des fins préventives, éducatives ou thérapeutiques – par exemple stimuler la communication, entretenir et développer l’autonomie ou retrouver sa place dans la société pour l’humain.”

Ses conditions d’exercice : « L’intervenant en médiation animale doit connaître d’une part la situation de la personne en difficulté, ses troubles, ses besoins, son comportement, d’autre part les capacités et limites de l’animal pour orienter seul ou avec l’appui d’un spécialiste de l’animal, la pratique lors des séances »

Les espèces concernées par la mediation animale? 51% sont des chiens, 24% des chevaux, 13% des animaux de ferme, 9% des ânes et 3% des NACS.

Un besoin de concertation…

Activité pluridisciplinaire qui exige de la part de ses intervenants « des  savoirs, du savoir-faire et du savoir-être » souligne d’entrée de jeu Alice Mignot – Ethologue et Docteure en anthropologie, auteure d’une thèse publiée en avril 2022 et d’un blog « dans la tête des chiens. »

A l’unanimité, replacer le bien-être animal au cœur de la médiation est une priorité absolue tant pour la sécurité de ses bénéficiaires et intervenants que pour les résultats escomptés. Ce qui suppose l’obligation faite de formations préalables permettant de savoir « lire » son animal avant, pendant et après chaque séance. « C’est crucial pour anticiper toutes formes d’inconfort ou de stress exprimées notamment par des signaux d’apaisement* chez le chien » martèle Patricia Rérolle Fondatrice du Centre du Bien-être Animal Formations. Par méconnaissance, une intervenante à ses débuts a avoué publiquement avoir  « grillé involontairement son chien » car elle était incapable d’identifier chez lui ce « mal être. »

(*Rappel signaux d’apaisement sont des signaux  émis par le chien pour indiquer son inconfort soit à destination de congénères ou de l’humain. Cela peut être bailler, lécher sa truffe, détourner la tête, se secouer, cligner des yeux… ).

Pour s’accorder finalement sur une check-list

A plusieurs reprises, de nombreux intervenants des 2 camps « scientifiques – experts du milieu animalier  » et « professionnels de la médiation animale » se sont accordés pour souligner l’importance de journées de ce type pour une meilleure prise en charge systémique à savoir : l’intervenant – le bénéficiaire et l’animal. Se réunir pour s’accorder. Exclure l’animal du process en le considérant comme une variable à l’équation de départ est voué à l’échec.

Les recommandations faites à l’issue de ces 4 tables rondes par l’ensemble des intervenants en médiation animale, experts et scientifiques du milieu animalier peuvent se résumer aux points suivants  :

  • Former un véritable binôme « Intervenant/Animal » – l’animal ne peut plus se limiter au rôle d’« outil, accessoire » mais bel et bien d’acteur à part entière.

  • Donner le « choix » à l’animal : celui de pouvoir s’extraire ou de ne pas aller en séance.

  • Apprendre à lire l’animal – ses émotions. L’un des principaux maux est le « stress » emmagasiné lors des séances. Stress qui peut conduire à un « burn out.»  Nos animaux de compagnie sont de véritables éponges émotionnelles. Il est crucial de savoir interpréter et anticiper les risques pour les prévenir comme par exemple : l’hyper vigilance chez le chien d’assistance ou encore le changement régulier d’environnement imposé à un chien de médiation. Ceci a pour effet de l’obliger à une adaptation permanente quand sa nature profonde est plutôt routinière par définition. La routine rassure le chien.

  • Obligation de formations doubles pour l’intervenant en médiation animale : en comportement / éducation positive de l’animal et en psychologie de l’humain.

  • Respecter des temps de repos indispensables et enrichir les périodes de récupération pour l’animal.

  • S’accorder sur un âge limite d’exercice pour l’animal et assurer sa retraite.

  • Limiter le nombre de séances hebdomadaires en fonction des « individus » sous peine d’épuisement ou  d’avoir un animal réactif humains. Ceci nécessite parfois, dans l’intérêt de l’animal, l’obligation de s’opposer à certaines institutions qui en demandent toujours plus.

  • Veiller à un environnement de travail favorable en limitant le nombre de bénéficiaires humains par séance. Catherine Saillard-Hanoun, éducateur-comportementaliste canin et intervenante en médiation dans l’univers carcéral déclare apprécier ce lieu pour son chien, car celui-ci se retrouve moins en « immersion. » Les bénéficiaires sont moins « invasifs, démonstratifs » lors des séances. Une distance est plus facilement respectée ainsi qu’un nombre limité de bénéficiaires.

  • La relation intervenant – animal ne peut pas être standardisée, formatée à cause du champ pluridisciplinaire. Par exemple : être un chien d’assistance H24 auprès d’un bénéficiaire aveugle, sourd ou diabétique exige des compétences différentes de celles d’un chien de médiation qui intervient en institution pour des séances hebdomadaires de 30 minutes.

  • Chien de sélection issu d’élevage ou de refuge ? Le débat reste ouvert tout dépend de la mission à accomplir. Mais les deux critères d’appréciation régulièrement retenus que sont la « sociabilité » et les auto-contrôles  restent insuffisants pour déterminer si celui-ci fera ou non un bon chien de médiation. Une meilleure diffusion des grilles d’évaluations et de suivi validées par la littérature scientifique serait un plus incontestable.

  • De nouvelles espèces en médiation animale : certaines pratiques comme l’utilisation faite notamment du cheval Peyo en milieu hospitalier par un ancien jockey de formation fait débat avant l’introduction de nouvelles espèces. Doit-on imposer à un cheval une désinfection systématique, un sol carrelé et des néons en continu à hauteur des yeux ?

  • Une étroite collaboration entre les intervenants, les organisations et les chercheurs est vivement plébiscitée  pour sécuriser cette pratique et la triade : intervenant – animal – bénéficiaire

Enfin parmi les vœux formulés en guise de conclusion de cette journée 

Que les Pouvoirs Publics s’emparent enfin du sujet pour ne pas réduire uniquement la médiation animale à « un joujou occupationnel », à un gadget mais prennent la véritable mesure des avantages produits et proposent une réglementation, une structuration du secteur et l’obligation de formation  pour garantir une protection minimale. Il existe selon les participants tout un faisceau de preuves et de publications scientifiques reconnues qui permettrait de légiférer.

Liste des intervenants tables rondes à retrouver sur le site de l’Arche des Associations 

Pour information, la 4e édition des Assises de la Prévention Protection Animale – Samedi 14 octobre 2023 – Mairie de Saint-Mandé – « Sommes-nous toujours de bonne compagnie pour nos animaux ? Maltraitance passive qui es-tu ?

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