Education des enfantsNuméro 2A l’école de l’empathie

Marie Laure Laprade15 janvier 20214 min

Je pense qu’il faudrait des études de base, très simples, où l’enfant apprendrait qu’il existe au sein de l’univers, sur une planète dont il devra plus tard ménager les ressources, qu’il dépend de l’air, de l’eau, de tous les êtres vivants, et que la moindre erreur ou la moindre violence risque de tout détruire […] Il y a certainement un moyen de parler aux enfants de choses véritablement importantes plus tôt qu’on ne le fait.

Marguerite Yourcenar, Les yeux ouverts, Bayard Editions, p.255, 1981.

C’est ainsi que Marguerite Yourcenar condamne l’ignorance à laquelle elle impute une partie des sorts terribles que nous réservons aux animaux.

Aujourd’hui, alors que la pandémie en cours révèle notre rapport délétère à la nature, nous persistons cependant dans l’anéantissement du vivant. Chute de la biodiversité et des populations d’animaux sauvages, violences exercées contre des millions d’individus sensibles chaque jour, auxquelles s’ajoutent les effets désastreux du réchauffement climatique, sont liés à l’anthropocène c’est-à-dire aux activités humaines et à nos choix de société.

Bien que reconnus enfin comme « êtres vivants doués de sensibilité » dans le Code Civil en 2015, les animaux n’ont jamais été tués et maltraités en si grand nombre. Nous nous sommes éloignés d’eux, les enfermant dans des catégories arbitraires dès le plus jeune âge afin qu’ils servent nos fins sans que notre moralité en soit dérangée.

Or les crises climatique et environnementale nous pressent d’opérer un changement axiologique et la question animale est un élément crucial de ce tournant qui sera décisif pour l’humanité.

Cette évolution passe par une conscientisation ainsi qu’un engagement actif des jeunes. L’école, comme lieu de transmission des savoirs et de valeurs, a ici un rôle majeur à jouer. Sa mission émancipatoire doit privilégier le développement de l’esprit critique, du discernement et de valeurs éthiques et morales. Le questionnement sur nos pratiques et notamment celles qui concernent le reste du vivant, en particulier les animaux, doit y figurer en bonne place.

Certes, à l’école, la préservation de la biosphère, des écosystèmes, des animaux en tant qu’espèces et surtout pour les services systémiques que nous leur devons, est enseignée.

Selon les programmes officiels, l’éducation à l’environnement et au développement durable débute « dès l’école primaire. Elle a pour objectif de sensibiliser les enfants aux enjeux environnementaux et à la transition écologique. Elle permet la transmission et l’acquisition des connaissances et des savoirs relatifs à la nature, à la nécessité de préserver la biodiversité, à la compréhension et à l’évaluation de l’impact des activités humaines sur les ressources naturelles et à la lutte contre le réchauffement climatique ».   

Mais, malgré toutes les connaissances scientifiques actuelles, les animaux en tant qu’individus sujets d’une vie, leurs relations intra et interspécifiques, leurs modes de communication, leurs capacités sensorielles, cognitives et émotionnelles sont peu étudiées et absentes des programmes. Et bien que les enfants les plus jeunes montrent une empathie spontanée pour eux, aucun enseignement au développement de l’empathie cognitive à l’égard des animaux n’est préconisé. Les mots « éthique, citoyen, égalité, respect, savoir-être » reviennent sans cesse dans les textes officiels de l’Education nationale mais l’éthique animale est absente des programmes.

Pourtant cette réflexion modifierait grandement le regard que nous portons sur les animaux dès le plus jeune âge et notre rapport à eux lorsque nous devenons adultes.

De plus, des recherches dans le champ de l’éducation montrent qu’étendre la sphère de considération morale aux autres animaux permet de développer sensibilité, empathie et responsabilité chez les jeunes, tant envers les animaux qu’envers leurs pairs.

Fort heureusement, ces questionnements éthiques ainsi que des éléments scientifiques, notamment éthologiques, peuvent trouver leur place dans les programmes actuels pour tout enseignant convaincu de leur enjeu. Le mémoire « Comment faire évoluer la considération pour les animaux à l’école ? » rédigé pour le diplôme universitaire Animaux et Société de Rennes II. propose précisément de nombreuses pistes pour intégrer cet enseignement particulier à l’école élémentaire.

Marie Laure Laprade
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Enseignante et cofondatrice de l’association Education Ethique Animale

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