“L’indifférence aux souffrances qu’on cause est la forme terrible et permanente de la cruauté.” Marcel Proust (1871-1922) écrivain français.
Qui n’a jamais vu passer sur les réseaux sociaux des photographies amusantes ou mignonnes de grenouilles, d’insectes, de reptiles et d’autres petits mammifères mis en scènes dans des positions ou avec des comportements invraisemblables ? Qui n’a pas un jour laissé un “like” ou partagé ces photographies sans s’interroger sur le sort qui a été réservé à ces animaux par des photographes sans scrupule, pour obtenir ces clichés parfaits ?
Voici la réalité de ces photographies truquées, mais qui cachent derrière l’image amusante, celle peu reluisante de la cruauté…
Des animaux déjà morts, congelés ou torturés…
Grenouilles qui chevauchent des scarabées, ou qui se retrouvent sur la tête d’un crocodile pile dans l’axe d’un photographe animalier chanceux et qui raconte, à qui veut bien le croire, qu’il a passé des heures à attendre pour obtenir ce cliché parfait, ou encore, grenouilles sur une branche faisant une pyramide en souriant, lézard jouant de la guitare avec une feuille, voici le genre de photographies que vous avez certainement déjà dû voir passer en esquissant un sourire, sans même prêter attention à l’envers (bien souvent dégueulasse) du décor.
Ces photographies, très courantes en Indonésie et qui rencontrent beaucoup de succès chez nous en Europe, sur les réseaux sociaux, sont évidemment truquées. Car pour obtenir ces photographies, les insectes et autres petits animaux sont placés dans des réfrigérateurs ou dans des glacières pour qu’une fois endormis par le froid, ils ne bougent pas pendant la prise de vue, certains photographes vont jusqu’à les tuer, ou les coller pour obtenir l’image voulue.
Pour les animaux plus volumineux, comme les grenouilles, les photographes sans scrupule, les attachent après un passage au frigo, avec des fils de pêche en cassant parfois leurs pattes pour obtenir la photographie présentant l’animal dans des positions invraisemblables.
Les fils sont ensuite tout simplement effacés numériquement à l’aide d’un logiciel, et le mauvais tour est joué, le buzz “sympa” sur le dos de victimes innocentes, dont personnes ne se soucient vraiment, peut alors commencer avec la complicité du public ciblé, qui ignore, naïvement, dans son immense majorité ces dérives pourtant dénoncés depuis plusieurs années.
Notre rôle est important
Nous avons tous un rôle à jouer pour mettre un terme à ces pratiques… ne plus liker ou partager en est l’arme absolue.
Avant de “liker” une image vue sur vos réseaux sociaux, prenez le temps de la réflexion. Posons-nous tous ces quelques questions utiles et nécessaires qui nous éviteront de participer, bien souvent inconsciemment, à ce business malsain et à cette course au buzz. Cette photographie amusante et jolie est-elle réaliste ? Est-ce qu’un caméléon prend la pose avec une feuille comme s’il jouait de la guitare ? Est-ce qu’un écureuil se tient naturellement devant nous en semblant nous offrir un bouquet de fleurs ? Bien évidemment que non…
Ne plus partager ce genre d’images est un signal fort et utile envoyé à leur créateur, pour lui faire comprendre que nous ne sommes pas dupes et que nous connaissons les méthodes répugnantes qui se cachent derrière la production de ces photographies qui inondent comme une trainée de poudre les réseaux sociaux.
Si vous voyez, des images douteuses passer sur vos réseaux sociaux, signalez la photographie et prévenez votre ami(e) pour l’informer, de ce qui se cache (peut-être) derrière cette photographie rigolote, qu’il a aimée et/ou partagée… car pour détruire le buzz, rien de tel que l’information au public et le bad buzz pour lutter contre ces pratiques ignobles qui déshonorent le métier de photographe animalier.
Des pratiques condamnées par les photographes animaliers
Il est important de rappeler que la grande majorité des photographes animaliers sont des passionnés et des protecteurs de la faune sauvage. Ce sont les premiers à dénoncer les pratiques abjectes de certains photographes qui nuisent à leur profession. Grâce à leurs photographies, nous pouvons avoir une vision authentique du monde sauvage, de l’état de la nature et de notre impact sur elle. Néanmoins, nous devons, nous public les aider à dénoncer ces dérives, en refusant de cautionner ce buzz malsain que certains photographes en recherche rapide de notoriété sur les réseaux sociaux cherchent à obtenir.
Un précédent analogue dans l’histoire de la photographie animalière : la photographie aux nids
Au début des années 90, la mode de la photographie animalière était à la photographie aux nids. Pour ce faire, les photographes animaliers sans foi ni loi, faisaient du repérage ou payaient des gens pour localiser des nids. Puis, ils se rendaient sur place et “nettoyaient” la zone en arrachant les branches et les feuilles pour avoir une vue dégagée sur le nid. Une fois les éléments gênants retirés les photographes mitraillaient sous tous les angles l’activité du nid, utilisant plusieurs flashs disposés tout autour sans se soucier des dégâts causés, puis une fois leur “travail” terminé ; ils abandonnaient le nid, complètement exposé et vulnérable aux prédateurs. Certains allaient même jusqu’à détruire le nid en tuant les poussins ou en détruisant les œufs afin d’empêcher que d’autres photographes ne puissent profiter de leur découverte.
Cette pratique honteuse a cessé bien heureusement, lorsque des photographes animaliers ont condamné ces méthodes et que les photographies faites au nid ont été interdites dans les concours et que des règles plus strictes sur l’éthique, le respect des espèces et des milieux ont été institués.
On le voit, les phénomènes de mode passent aussi vite qu’ils naissent, et la cruauté qui les accompagne aussi et c’est bienheureux…
Graphique : ©Yan Prevel
Guillaume Prevel
Conseiller régional Ile-de-France du Parti animaliste
Correspondant des Hauts de Seine du Parti animaliste