Numéro 11Animaux domestiquesL’animal, du handicap à la résilience

Séverine Altmeyer17 avril 202315 min

« Toute différence fait la beauté de la nouveauté et de l’indicible. » Kheira Chakor

Dans notre refuge la Petite Bohème, nous accueillons des animaux en grande difficulté. Certains sont en fin de vie, d’autres souffrent de séquelles dues à des actes de torture et de barbarie ou de la maltraitance, d’autres sont handicapés…

Pourtant ils vivent en communauté et en harmonie.

Jour après jour, nous partageons avec eux des moments d’une incroyable richesse.

Nous recevons, comme de précieux cadeaux, de très grandes et intenses leçons de vie à leur côtés.

Voici quelques exemples de résilience 

La jument Yoko et la vache Poésie

Yoko est une jument arrivée au refuge dans un état très grave. Souffrant de 3 fractures au postérieur gauche et de piroplasmose, squelettique, et âgée de 25 ans, elle avait été trouvée au bord de l’agonie par des riverains. Son sauvetage avait été particulièrement difficile. Avec un courage et une envie de vivre hors du commun, elle s’en est sortie et participait à ses soins avec une volonté immense. 6 mois après son arrivée au refuge, on nous a amené une petite vache d’un mois, aveugle et épileptique, Poésie. Yoko a tout de suite adopté Poésie, et, au bout d’une dizaine de jours, s’est mise à faire du lait. Elle a allaité Poésie pendant un peu plus de 8 mois.

Elle a très vite compris que Poésie ne voyait pas et nous l’avons vue se frotter aux obstacles (clôtures, portail, arbres…) et observer Poésie qui, en reniflant son odeur, apprenait à se diriger en évitant de se cogner. Yoko faisait aussi ses besoins près de ces endroits.

Lors de crises d’épilepsie de la petite vache, Yoko arrivait au galop en hennissant, et nous comprenions qu’elle nous appelait au secours. Il lui est arrivé d’ouvrir le portail et la porte d’entrée de la maison et de “venir nous chercher” lors de crises d’épilepsie particulièrement violentes de Poésie.

Toutes les deux ont “créé un langage” avec des odeurs, des manières de se toucher, et la différence de Poésie a permis l’élaboration d’une relation d’une richesse et d’une profondeur très émouvantes. Le reste du groupe s’est greffé dans cette relation, usant des mêmes sens (odorat, frôlement, toucher), dans un apprentissage subtil.

Shambhala, une autre jument, a aidé Yoko à s’occuper de la petite vache, en utilisant le même “langage”. Puis, plus tard, une zébu sauvée de l’abattoir et très traumatisée, Eowyn, s’est liée à Poésie, en la massant avec son cou et sa tête, se frottant aussi contre les obstacles, y compris lors de jeux, ce qui a permis à Poésie de courir dans le pré sans tomber ou se cogner. Eowyn est devenue très protectrice et attentionnée.

La jument Yoko avec la petite vache aveugle et épileptique Poésie, sous elle.

L’exemple de V.I.P. (Very Important Papatte, ou Papatte)

Papatte est un jeune bouc amputé d’une patte, arrivé au refuge juste après l’opération. Dès le premier jour au refuge, il a été adopté par la jument Shambhala.

Celle-ci a adapté son allure en marchant au ralenti, emmenant Papatte à l’abreuvoir, quitte à le soutenir en plaçant son nez contre le bassin de Papatte afin de l’aider à garder l’équilibre pendant qu’il buvait. Elle l’accompagnait au pré, lui montrant le chemin le plus simple pour y accéder notamment dans la petite montée. Papatte dormait sous la jument, entre ses pattes, ce qui lui permettait de se sentir protégé et moins vulnérable. Leur lien est toujours aussi fort.

Les autres animaux du groupe font très attention de ne pas le faire tomber, et adaptent leur gestes lors de jeux afin de ne pas le blesser.

Papatte a, grâce à tout cela, acquis une grande confiance en lui, et se sent autonome et en sécurité. Avec les autres, il a des moments de jeux, que ce soit avec le zébu, les petites vaches, l’autre bouc ou les moutons.

Le bouc amputé Papatte contre la jument Shambhala

L’exemple de Picchu, l’alpaga malvoyant avec des troubles neurologiques

Picchu est pratiquement aveugle et a parfois des problèmes de coordinations de ses membres et des “absences” durant lesquelles il est perdu. Son compagnon, Machu, veille sur lui et tous les deux ont des rituels où ils se couchent l’un près de l’autre, se touchent avec leur cou et leur visages.

Machu guide Picchu tout au long de la journée, et lorsqu’il joue avec lui, ses gestes sont ralentis. Machu a aidé Picchu à s’intégrer au troupeau et nous avons constaté qu’à son contact les autres animaux du pré ont des gestes beaucoup plus lents et ont beaucoup plus de patience avec lui. Lorsque Tashi, notre âne, veut chahuter avec lui, il adapte ses foulées et le laisse machouiller ses crins car Picchu met du temps à comprendre où se situe la tête de l’âne, quelle est la position de son corps.

Lorsque Machu emmène Pichu se baigner, il va toujours dans l’eau en premier, puis se décale afin de laisser son compagnon prendre sa place.

Les autres animaux, lorsqu’ils galopent, gardent une distance vis à vis de Picchu car il n’a pas le réflexe de s’éloigner.

L’alpaga malvoyant avec des troubles neurologiques Picchu et l’âne Tashi

Chez l’animal, il n’y a pas de jugement.

Nous découvrons un monde d’interactions et d’entraide extrêmement riche.

Les liens que nous tissons avec ces êtres sont extrêmement puissants et nous apprennent à percevoir une force insoupçonnée dans ce que certains qualifient de « faiblesse ».

Cela nous enseigne à découvrir la beauté de chaque instant de l’existence, de voir et ressentir à quel point ce chemin de vie, à travers les étapes de souffrance, de doute, d’épreuves, de peurs, peut s’ouvrir vers quelque chose de pur qui touche au précieux, avec des multiples facettes qui nous laissent ressentir à quel point nous sommes tous interconnectés…

Cette voie de compassion nous amène sur la voie du merveilleux…

Où est l’humain, où est l’animal lorsque nous faisons partie d’un peuple d’êtres sur la même planète, avec la même pulsation de vie, les mêmes émotions ?

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Séverine Altmeyer
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Présidente de l’association La Petite Bohème

Il y a un commentaire

  • Radel

    19 avril 2023 à 14h57

    Ces témoignages sont extraordinaires ! Quelle leçon !
    Combien d’humains passent à côté de cette richesse offerte par les animaux ?

    Répondre

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