Depuis plusieurs années, une augmentation des vols de chiens et de chats est constatée en France. Très récemment, concomitamment à l’affaire du vol du chien finistérien Sunny[1] qui a engendré un élan de solidarité au niveau national, notamment de la part de plusieurs célébrités comme le chanteur Julien Doré, l’association de la Brigade de Protection Animale[2] a rappelé lors d’une interview dans Le Télégramme que « le trafic d’animaux arrive en troisième place après ceux des stupéfiants et des armes à feu »[3].
Le vol est un délit défini par l’article 311-1 du Code pénal[4] comme la « soustraction frauduleuse de la chose d’autrui », ce qui inclut la soustraction d’un chien, animal domestique. Cette infraction est punie jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende en cas de vol simple (Cf. article 311-3 du Code pénal[5]), et davantage en cas de circonstance(s) aggravante(s) comme lorsqu’il est précédé, accompagné ou suivi de violences sur autrui ou d’un acte de destruction, dégradation ou détérioration (Cf. articles 311-4 et suivants du Code pénal[6]).
Si les recherches rapidement mises en œuvre peuvent engendrer des fins heureuses dans un court laps de temps dans certaines affaires[7], ou après plusieurs mois voire plusieurs années[8], de nombreux chiens restent malheureusement introuvables, ce qui engendre une véritable souffrance pour les personnes qui les considèrent de plus en plus comme des membres à part entière de leurs familles.
Les vols touchent malheureusement tous types de chiens, qu’ils soient “de chasse” ou encore “de race”[9] ou non, jeunes ou plus âgés… Le refuge SPA de Gennevilliers (92) avait même été contraint, en 2014[10], d’installer des caméras après avoir subi une disparition inquiétante de chiens qui avaient fort heureusement été retrouvés dans des conditions pour le moins obscures. S’il apparait donc difficile de définir un profil type des animaux victimes de vols, plusieurs points de vigilance peuvent cependant être mis en place afin de limiter les risques en la matière. Outre les moyens de surveillance dans les refuges et autres structures accueillant des animaux, il convient à titre d’exemple d’apporter une vigilance particulière aux animaux se trouvant dans des lieux donnant accès à un passage public, comme un jardin, une simple barrière n’étant pas toujours suffisante pour dissuader les voleurs de s’introduire sur le domaine privé afin de dérober l’animal. Par ailleurs, une attention particulière doit être apportée par les propriétaires de chiens dont la race ou a minima l’apparence correspondent à la “mode” du moment et dont les prix de vente peuvent atteindre des sommes importantes. A titre d’exemples, sans que cette liste ne soit évidemment exhaustive, il n’est pas rare de croiser dans les rues des yorkshires, carlins, bouledogues français, ou encore, de taille plus imposante, des chiens de types berger australien, shiba inu, american staff, cocker, malinois, etc. Par ailleurs, certains vols ayant pour finalité la reproduction d’animaux en vue de la vente des chiots, le risque d’infraction sera accru pour les femelles d’une part et les mâles qui n’auraient pas été castrés d’autre part.
En outre et surtout, afin de se prémunir au mieux contre les vols, il est impératif de respecter scrupuleusement l’obligation d’identification définie à l’article L. 212-10 Code rural et de la pêche maritime[11] selon lequel « les chiens, les chats et les furets, préalablement à leur cession, à titre gratuit ou onéreux, sont identifiés par un procédé agréé par le ministre chargé de l’agriculture mis en œuvre par les personnes qu’il habilite à cet effet. Il en est de même, en dehors de toute cession, pour les chiens âgés de plus de quatre mois, pour les furets âgés de plus de sept mois nés après le 1er novembre 2021 et pour les chats de plus de sept mois ». Cette identification permet ainsi, outre d’avoir un effet dissuasif à l’égard des voleurs, de connaître immédiatement lorsque l’animal fait l’objet d’une recherche d’identification dans le cadre d’une enquête de police, lors d’un passage chez le vétérinaire, en cas de retrait par les services de la fourrière, etc, le nom et les coordonnées de son propriétaire (Cf. article D 212-66 Code rural et de la pêche maritime[12]). Encore faut-il bien évidemment que tout propriétaire de chien communique sans délai à la société de gestion du Fichier National d’Identification des Carnivores Domestiques en France, appelée plus communément I-cad, tout changement de domicile ou de coordonnées.
L’identification a son importance en cas de vol du chien mais également si ce dernier s’est simplement égaré. Il convient en effet de rappeler sur ce point qu’est considéré comme en état de divagation « tout chien qui, en dehors d’une action de chasse ou de la garde ou de la protection du troupeau, n’est plus sous la surveillance effective de son maître, se trouve hors de portée de voix de celui-ci ou de tout instrument sonore permettant son rappel, ou qui est éloigné de son propriétaire ou de la personne qui en est responsable d’une distance dépassant cent mètres […] » (article L.211-23 du Code rural et de la pêche maritime[13]). Dans une telle circonstance, l’animal est pris en charge par la fourrière qui mettra tout en œuvre pour retrouver son propriétaire. Mais si l’animal n’a pas été réclamé par ce dernier à l’issue d’un délai de garde de huit jours ouvrés, il est considéré comme abandonné et devient la propriété du gestionnaire de la fourrière qui pourra, après avis d’un vétérinaire, le céder à une fondation ou une association de protection des animaux mais également l’euthanasier si une telle décision apparaît nécessaire (Cf. articles L.211-25[14] et L.211-26[15] du Code rural et de la pêche maritime)…
L’identification d’un chien a également son importance en cas de conflit sur la propriété de l’animal. A titre d’exemple, une personne peu scrupuleuse trouvant un chien égaré pourrait être tentée de le garder au lieu d’appeler le gestionnaire de la fourrière, et soutenir en être propriétaire sur le fondement de l’article 2276 du Code civil qui dispose qu’ « en fait de meubles, la possession vaut titre »[16], ce qui s’applique aux animaux domestiques puisque « les animaux sont soumis au régime des biens » (article 515-14 du Code civil[17]). Dans une telle circonstance, il est évidemment impératif de porter plainte pour vol sans délai, le texte précité apportant une limite importante au principe selon lequel la possession vaut titre, soit le fait que « néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve […] ». Il appartiendra alors au plaignant de démontrer par tous moyens qu’il est propriétaire de l’animal, notamment grâce à l’identification qu’il aura préalablement respectée. Cette dernière ne démontre pas à elle seule la propriété de l’animal mais constitue l’un des éléments essentiels en ce sens.
Plus généralement, si le chien ne se trouve pas à la fourrière qu’il conviendra cependant d’informer de la disparition, et qu’il est donc victime d’un vol, il convient de porter plainte sans délai auprès des services de police ou de gendarmerie, de préférence muni de la carte d’identification de l’animal. Tous éléments de preuve peuvent leur être apportés afin de permettre la mise en œuvre d’une enquête efficace : photos, vidéos, numéro de plaque d’immatriculation, description physique et vestimentaire des mis en cause, noms et numéros de téléphone des témoins qui auront été sollicités préalablement, etc. Les services de police et de gendarmerie, dans la mesure où le propriétaire est victime d’une infraction pénale, sont dans l’obligation de prendre la plainte de ce dernier. L’article 15-3 du Code de procédure pénale[18] dispose en effet que « les officiers et agents de police judiciaire sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions à la loi pénale, y compris lorsque ces plaintes sont déposées dans un service ou une unité de police judiciaire territorialement incompétents. Dans ce cas, la plainte est, s’il y a lieu, transmise au service ou à l’unité territorialement compétents. […] ». Par ailleurs, tout dépôt de plainte fait l’objet d’un procès-verbal et un récépissé doit être délivré immédiatement à la victime. En cas de difficulté lors du dépôt de plainte ou par choix, la plainte peut également être directement adressée au procureur de la République (Cf. article 40 du Code de procédure pénale[19]).
Le recours à un avocat est envisageable à tous stades de l’affaire, afin d’être conseillé au mieux et assisté dans ses démarches, notamment en fonction de la décision qui sera prise par le procureur de la République sur les actes d’enquête à réaliser d’une part et la suite à donner à la plainte d’autre part (Cf. article 40-1 du Code de procédure pénale[20] sur le principe d’opportunité des poursuites). Il est également conseillé de signaler le vol sur des sites de recherches, voire de solliciter le soutien d’une association de protection animale comme l’association WAF[21] qui a notamment pour objet de lutter contre les vols et trafics de chiens. Par ailleurs, il est impératif de déclarer sans délai l’infraction à la société de gestion du Fichier National d’Identification des Carnivores Domestiques en France. Comme cette dernière le précise sur son site Internet, « cette démarche permet d’empêcher non seulement toute cession frauduleuse de l’animal, mais également d’alerter tous les professionnels usagers du fichier national »[22]. Cette déclaration devra être réalisée juste après les démarches auprès des services de police ou du procureur de la République, puisqu’elle devra comporter en annexe une copie du dépôt de plainte.
En conclusion, il semble important de rappeler qu’une partie des vols de chiens a pour finalité leur revente à des particuliers, ce qui suppose que la demande existe … Il appartient donc à chacun de se responsabiliser, d’une part en privilégiant les adoptions auprès d’associations qui accueillent de nombreux animaux en attente d’une famille et d’autre part, en cas de choix d’acquérir un chien dit “de race” (LOF), de se rapprocher d’un élevage dûment déclaré et respectant l’ensemble des obligations légales notamment bien évidemment celles relatives à la vente d’un animal. Dans ce dernier cas, la démarche sur place sera privilégiée, au lieu d’échanges uniquement par réseaux sociaux, permettant de constater les conditions de détention de l’animal qui doivent être « compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce » (article L.214-1 du Code rural et de la pêche maritime[23]). Enfin, il est tout aussi important de rappeler que constitue un délit le recel d’un animal volé, sur le fondement de l’article 321-1 du Code pénal[24] : « Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit. Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d’un crime ou d’un délit. Le recel est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. »
[1] france3-regions.francetvinfo.fr/normandie/seine-maritime/chiot-vole-en-bretagne-sa-proprietaire-publie-une-video-et-fait-plus-d-un-million-de-vues-en-deux-jours
[2] savoir-animal.fr/les-forces-de-lordre-au-secours-des-animaux
[3] letelegramme.fr/france/les-vols-de-chats-et-chiens-troisieme-trafic-apres-les-stups-et-les-armes
[4] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006418127/2004-06-21
[5] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006418131/2004-06-21
[6] legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006165324/2004-06-21
[7] epochtimes.fr/vole-mai-a-toulouse-chien-husky-zak-a-ete-retrouve-a-narbonne-grace-aux-reseaux-sociaux
[8] actu.fr/provence-alpes-cote-d-azur/le-barroux_84008/vaucluse-dix-ans-apres-ils-retrouvent-leur-chien-qui-leur-avait-ete-vole
[9] Un chien dit “de race” est inscrit sur le Livre des Origines Français (LOF), document généalogique pour l’espèce canine.
[10] leparisien.fr/hauts-de-seine-92/la-spa-installe-des-cameras-contre-les-vols-de-chiens
[11] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000044233304
[12] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000020686290/2022-10-12
[13] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006583072/2022-10-12
[14] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000044393979
[15] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006583075/2022-10-12
[16] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000019017163/2008-06-19
[17] Article 515-14 du Code civil : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens. »
legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000030250342/2015-02-18
[18] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038311441/2019-03-25
[19] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006574933/2022-01-23
[20] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033611483/2022-10-12
[22] i-cad.fr/articles/animal-vole-demarches-vol
[23] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000022200245/2010-05-08
[24] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006418234/2022-10-12
Estelle Derrien
Avocate