Numéro 12Droit animalierPeut-on enterrer son animal de compagnie décédé dans son jardin ?

Estelle Derrien17 juillet 202319 min

À cette question, de nombreuses personnes répondent de manière positive, faisant référence à des obligations relatives notamment à la profondeur du trou, au poids de l’animal, aux conditions afférentes à l’obligation de le recouvrir, etc… personnes très certainement influencées à tort par des articles anciens facilement consultables sur Internet. Les règlements sanitaires départementaux eux-mêmes sont d’ailleurs rarement mis à jour et visent en partie des textes abrogés (cf. article 98 « Cadavres d’animaux »). Mais le site du service public n’envisage quant à lui nullement, et pour cause, cette possibilité d’enfouir son animal dans son jardin, sur sa page consacrée à la question « Que faire lorsque son animal de compagnie est mort ? ». Il indique en effet, dans sa dernière version mise à jour au mois de novembre 2022[1], que :

  • pour les petits animaux : « Vous pouvez confier la dépouille de votre animal de compagnie à un vétérinaire pour qu’il se charge de le faire incinérer par un crématorium animalier. Vous pouvez aussi contacter directement un crématorium animalier. Pour trouver les coordonnées d’un crématorium animalier, vous pouvez vous adresser à votre mairie ou à votre direction départementale de la protection des populations (DDPP). »

  • pour les animaux de grande taille autres qu’un cheval, un poney ou un âne : « vous devez avertir, dans les 48 heures au plus tard, un service d’équarrissage[2]. Ce service est chargé d’enlever les cadavres d’animaux dans un délai de 2 jours francs après réception de votre déclaration. En cas de non-respect de ce délai, vous pouvez en informer la mairie. Le service d’équarrissage est payant. Les tarifs varient notamment selon le poids de l’animal et du nombre de kilomètres parcourus pour le transporter. Les coordonnées du service d’équarrissage sont disponibles à la mairie. »

  • pour les chevaux, poneys et ânes : « Vous pouvez choisir de le faire incinérer ou de faire appel à un service d’équarrissage. »

En réalité, une réforme survenue en 2016 semble être passée pour le moins discrètement quant à ses conséquences sur la possibilité d’enterrer son défunt compagnon chez soi. Plus particulièrement, l’article L.226-4 du code rural et de la pêche maritime disposait effectivement, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2015-616 du 4 juin 2015 modifiant le code rural et de la pêche maritime en vue d’assurer la conformité de ses dispositions avec le droit de l’Union européenne[3], qu’il pouvait être « procédé à l’enfouissement des cadavres d’animaux familiers et de sous-produits de gibiers sauvages. Les conditions et les lieux d’incinération et d’enfouissement sont définis par arrêté du ministre chargé de l’agriculture et, le cas échéant, des autres ministres intéressés »[4]. Mais ce texte qui permettait d’enfouir son animal de compagnie décédé, à condition de respecter les normes imposées par les règlements sanitaires et autres arrêtés afférents, a été abrogé à compter du 1er janvier 2016 par l’ordonnance susvisée du 4 juin 2015.

Cette réforme n’a malheureusement pas simplifié la lecture des textes en la matière et encore moins la possibilité de répondre à la question de savoir si l’on peut envisager d’enfouir son animal dans son terrain, bien au contraire … Il convient désormais de se référer à l’article L.226-2 du code rural et de la pêche maritime, selon lequel « les conditions de collecte, manipulation, entreposage après collecte, traitement ou élimination des sous-produits animaux et des produits dérivés sont définies par le règlement (CE) n° 1069/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine et par les dispositions du présent chapitre […] »[5]. Ce règlement[6] est effectivement applicable aux animaux familiers, notamment « aux sous-produits animaux et aux produits dérivés qui sont exclus de la consommation humaine en vertu de la législation communautaire » (article 2). Puis il classe en trois catégories les sous-produits animaux, la première incluant notamment « les cadavres entiers et toutes les parties du corps, y compris les cuirs et les peaux, des […] animaux autres que les animaux d’élevage et les animaux sauvages, tels que les animaux familiers, les animaux de zoo et les animaux de cirque » (article 8). Or selon l’article 12 du règlement européen susvisé du 21 octobre 2009, les matières de catégorie 1 qui incluent en conséquence les animaux de compagnie morts, « sont éliminés comme déchets, par incinération » ou par « enfouissement dans une décharge autorisée », cette dernière hypothèse excluant nécessairement les jardins privés.

En résumé, à ce jour aucun texte n’envisage la possibilité d’enterrer son animal de compagnie décédé dans son jardin. Ce qui n’est pas interdit étant a contrario autorisé, peut-on considérer que cette pratique est légale ? Mais une lecture attentive du code rural y apporte de nouveau une réponse négative puisque son article L.228-5 dispose qu’ « est puni de 3 750 € d’amende le fait de jeter en quelque lieu que ce soit des sous-produits animaux ou produits dérivés au sens de l’article 3 du règlement (CE) n°1069/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine […] »[7]. Or cet article 3 du règlement européen précité qualifie les « sous-produits animaux » comme « les cadavres entiers ou parties d’animaux, les produits d’origine animale ou d’autres produits obtenus à partir d’animaux, qui ne sont pas destinés à la consommation humaine, y compris les ovocytes, les embryons et le sperme », et les « produits dérivés » en tant que « produits obtenus moyennant un ou plusieurs traitements, ou une ou plusieurs transformations ou étapes de transformation de sous-produits animaux ». Le site Internet du service public rappelle d’ailleurs sur sa page susvisée que « jeter la dépouille de son animal dans une poubelle, un égout ou tout autre lieu est interdit et peut être puni d’une amende de 3 750 € »[8]

Dès lors, comment pallier cette impossibilité d’enterrer son animal de compagnie décédé dans son jardin afin de notamment y créer un lieu de recueillement ? Selon une récente enquête Ipsos menée au mois de mai 2023 sur un « échantillon national représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus »[9], 68% des français considèrent leur animal de compagnie comme un membre à part entière de la famille. Il en découle un souhait, à la mort de leur compagnon, de bénéficier d’un endroit permettant de se recueillir en son souvenir. Deux principales possibilités s’offrent alors à eux :

  • Tout d’abord, après son incinération, les cendres peuvent être conservées dans la limite bien évidemment de l’interdiction de « jeter en quelque lieu que ce soit des sous-produits animaux ou produits dérivés ». Le lieu de recueillement peut en conséquence être aménagé chez soi, autour de l’urne de son défunt animal. Il s’y ajoute que les entreprises de crémation proposent de plus en plus des services funéraires. Avant de récupérer les cendres de son compagnon, une cérémonie est ainsi proposée. Ces services participent au cheminement de deuil à la suite du décès d’un animal de compagnie.
  • En outre, si envisager de garder les cendres de son animal chez soi peut sembler trop douloureux voire peu pratique par manque de place, l’article 19 du règlement susvisé n°1069/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux[10], apporte une dérogation à l’interdiction d’enfouir un animal familier. Cet article dispose en effet que « par dérogation aux articles 12, 13, 14 et 21, l’autorité compétente peut autoriser l’élimination : a) par enfouissement des animaux familiers et des équidés morts […] ». Plus précisément, des cimetières animaliers ont ainsi eu l’opportunité d’être créés et se développent encore à ce jour, bien évidemment en respectant les divers textes en la matière comme le règlement sanitaire départemental. À titre d’exemple, l’article 98 du règlement sanitaire du Finistère dispose que les cadavres ne peuvent être enfouis « à moins de 35 mètres des habitations, des puits, des sources et dans les périmètres de protection des sources et des ouvrages de captage et d’adduction des eaux d’alimentation prévus dans la réglementation des eaux potables ».

Dès lors, si les textes ne prévoient plus la possibilité générale de procéder à « l’enfouissement des cadavres d’animaux familiers », il existe fort heureusement d’autres alternatives afin de permettre à toute personne de choisir la façon qui lui semble la plus appropriée afin de vivre ce difficile deuil animalier et, le cas échéant, de conserver un souvenir de son défunt compagnon ou bénéficier d’un lieu de recueillement. Quant à l’éventualité de mettre les cendres de son animal de compagnie dans sa propre tombe, il s’agit d’une autre question juridique non moins complexe …


[1] service-public.fr/particuliers/vosdroits/F33426

[2] Cf. article L.226-1, alinéa 1, du code rural et de la pêche maritime : « Constituent une mission de service public qui relève de la compétence de l’Etat la collecte, la manipulation, l’entreposage après collecte, le traitement ou l’élimination d’un ou plusieurs cadavres ou parties de cadavres d’animaux d’élevage de plus de 40 kilogrammes morts en exploitation agricole, outre-mer, ainsi que, en tous lieux, des catégories de cadavres d’animaux et de matières animales dont la liste est fixée par décret, pour lesquelles l’intervention de l’Etat est nécessaire dans l’intérêt général. […] »

legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIACRTI000030679624/2023-07-14

[3] legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000030674270

[4] Article L.226-4 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2006 au 1er janvier 2016 : legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006582488/2006-01-01

[5] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000030679680

[6] eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF

[7] legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000030679645/2023-07-15

[8] service-public.fr/particuliers/vosdroits/F33426

[9] ipsos.com/fr-fr/68-des-francais-considerent-leur-animal-de-compagnie-comme-un-membre-de-la-famille

[10] eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF


Estelle Derrien
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Avocate

Il y a un commentaire

  • Anne

    21 août 2023 à 9h57

    Est-ce qu’on peut récupérer les cendres de son animal dans une urne?

    Répondre

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