Culture contemporaineActualitésMon chat et moi, la grande aventure de Rroû, grandir et être libre

Après « Aïlo une odyssée en Laponie », nous quittons les contrées lointaines pour découvrir le nouveau film de Guillaume Maidatchevsky, sorti en salle ce 05 avril, une réinterprétation moderne du livre de Maurice Genevoix « Rroû ». Voici l’itinéraire d’une enfant et de son chat, entre les murs de la vie parisienne et les grands espaces, une aventure dans un monde finalement pas toujours si accueillant lorsque l’on nait chaton, curieux et avide de liberté. Embarquement immédiat !

Grandir, quitter l’enfance et rester libre

Clémence, jeune fille de 10 ans, emprise aux difficultés que représente la séparation de ses parents, a un profond besoin de compagnie. Elle vient de sauver un chaton orphelin né dans un grenier sous les toits de Paris. Cette « boîte à ronrons » inattendue et pleine de vie s’appellera Rroû. Son nouveau protégé va l’aider à grandir, combler sa solitude, entrer dans son imaginaire d’enfant et devenir un compagnon de voyage imprévisible. Car la vie d’un chaton, aussi câlin soit-il, n’est pas de tout repos ! Une vie aventureuse l’attend à son arrivée dans la maison de campagne au cœur de la forêt du Jura, là où tout est à découvrir même la mystérieuse Madeleine, jouée par Corinne Masiero. Mais Rroû, au fil de ses rencontres surprenantes, a goûté aux grands espaces ! Il va devoir choisir entre la douce vie d’un appartement auprès de Clémence ou la liberté, le risque mais aussi l’amour…la grande aventure de Rroû commence !

Prouesse technique des caméras et expertise féline

Caméra au sol, suivre un chat et voir le monde sous cet angle, tel est l’objectif du réalisateur qui nous emporte au rythme d’un félin. Pour réaliser cette prouesse, le réalisateur s’est entouré de l’expertise féline de Jessica Serra, docteur en Ethologie et de Laetitia Barlerin, comportementaliste ; toutes deux avaient contribué et présenté la célèbre émission de « la vie secrète des chats ». Pas si simple d’imposer les caméras à des chatons ! Par leurs conseils avisés, le tournage s’est adapté aux spécificités des chats, ces compagnons de vie qui, grâce à la patience de l’équipe, ont bien voulu se prêter au jeu. Douceur et bienveillance ont été les consignes pour obtenir leur coopération, comme nous le rappelle la production. Mais l’un d’eux a manifestement eu le 1^er rôle, il était né Rroû ! A l’aise sur le tournage, ce chaton s’est révélé avoir le tempérament d’un acteur félin en assurant près de 80% des prises, préparé par la coach animalière du film qui les a tous sélectionné et adopté.

Pour interpréter le rôle de Clémence, 800 enfants se sont présentés au casting et c’est Capucine Sainson-Fabresse qui a été retenue. Ce qui a séduit l’équipe : sa spontanéité et son profond respect pour cette forme de liberté que revendique Rroû. « Grandir ensemble et vivre libre » tire l’histoire de Clémence et Rroû malgré la complicité qu’ils partagent et l’insouciance qui les réunit.

Ce que le film ne vous dit pas 

Voici quelques conseils experts pour faciliter votre compréhension du film :

1. L’adoption d’un chaton est un acte responsable même pour satisfaire les désirs d’un enfant 

La saison printanière arrive avec son lot de naissances de chatons, parfois involontaires et souvent trop nombreuses. En visionnant ce film, vous comprendrez d’une certaine façon, ce qu’il y a d’indomptable et d’instinctif chez nos félins domestiques. Cette mise en garde vous aidera à faire un choix raisonné avant d’adopter cette attendrissante « peluche » féline qui n’en est pas une. N’hésitez pas à vous diriger dans les refuges où de nombreux « Rroû » vous attendent. N’oublions pas que c’est souvent le chat qui choisit sa famille et non l’inverse.

2-Le sort d’un autre félin libre et protégé en France, le Lynx

De nombreuses espèces animales côtoient les chats domestiques ou errants dans le film, ils contribuent à faire de cette épopée, une aventure. Vous y retrouverez un sanglier et ses marcassins, un grand Duc d’Europe, des poules, un rat ou un chien… le Lynx boréal fait également son apparition. Mais s’il n’est que figurant dans le film, puisqu’il s’agit d’un individu captif et imprégné par l’homme pour les besoins des tournages, il est important d’en comprendre la signification cachée. Cette espèce animale est protégée, seulement 200 ont été recensés en France en 2022, dont une grande partie a retrouvé sa place dans le massif du Jura. Proche de l’extinction, le Lynx est revenu sur notre territoire dans les années 70, en provenance de la Suisse, retrouvant ainsi un écosystème adapté à sa survie où il régule le nombre de cervidés dans les forêts. Pourtant si fragile, ce prédateur souffre à son tour de la chasse illégale, des collisions de voiture qui le rendent vulnérable ; la France le classe désormais comme espèce en danger.

3-La fin de vie d’un chat blessé

Sans vous dévoiler les péripéties de Rroû, le film sensibilise aux risques, ceux qu’encoure un chat errant, à l’origine de blessures graves, qui ne permettent pas toujours aux animaux de vivre longtemps. Les accidents de la voie publique, par exemple, sont les premières causes de décès chez les chats de moins de 2 ans. Confrontés à cette triste réalité, les vétérinaires ont la possibilité de soulager les souffrances et d’accompagner l’animal rapidement dans sa fin de vie par l’euthanasie. Il s’agit d’un acte de médecine vétérinaire réglementé que seuls les docteurs-vétérinaires en exercice ont le droit de réaliser.

4- Vers un label pour des films sans « mauvais traitements infligés aux animaux » ?

L’équipe de tournage et la production, sensible au bien-être des animaux, confirme que toutes les méthodes de bienveillance et de patience ont été appliquées et respectées, tant pour la préparation du film que devant les caméras. Même si pour satisfaire les demandes de tournages, certains animaux non domestiques sont détenus captifs et dressés à cette fin, un élément qui reste sujet à discussion sur le plan éthique ; il en ressort que le monde du cinéma se montre progressivement, lui aussi, plus sensible à cette exigence du spectateur, une démarche transparente et respectueuse de la condition animale. Il n’en demeure pas moins qu’un label indépendant pourrait faciliter cette reconnaissance sur l’absence de mauvais traitements infligés aux animaux acteurs malgré eux, sur tout tournage qui s’appuie, comme ce fut le cas ici, sur des experts animaliers. Un label permettrait de cautionner l’intégralité des étapes cinématographiques, allant du casting, de la naissance des animaux à la sélection des individus selon leur tempérament, leur volonté individuelle, au choix des dresseurs, à la réalisation des scènes, aux conditions de travail sur les lieux du tournage, au respect de la santé, la sécurité et du bien-être des espèces animales selon les impératifs biologiques de chacune des espèces, aux méthodes de substitutions et ce, jusqu’à l’après-tournage.

Mais ce visa, qui a par le passé tenté d’exister avec le soutien d’une ONG, n’existe plus en France faute de financement,  alors que les connaissances actuelles sont suffisamment solides pour lui redonner vie et parfaire ainsi aux réalisations de films, de fictions, de publicités, des reportages ou des documentaires.

Corinne Lesaine est docteure-vétérinaire, elle exerce la médecine vétérinaire des animaux de compagnie et est occasionnellement vétérinaire conseil indépendante pour les films. Titulaire du DE de protection des animaux de la Science au droit (DEPASD Vetagrosup), elle anime des formations en éthique de l’image animalière et a rédigé de nombreux articles sur la protection des animaux sur les lieux de tournages des films. Pour en savoir plus : alokiconseil.fr et arassocies.com/protection-des-animaux

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