Alors que dans les pays du Maghreb les protecteurs des animaux se font de plus en plus nombreux, ces derniers peinent toujours à se faire entendre. Confrontés à des situations quotidiennes de maltraitance et de souffrance animale, ils tentent de convaincre les plus réticents et, au-delà, les décideurs politiques, que la Condition animale ne peut être dissociée d’un projet de société, « un concept » qu’ils doivent prendre en compte dans leurs décisions.
On constate que les avancées, en terme de droits des animaux, sont notables à travers le monde, alors que dans ces pays l’idée peine à émerger.
Pour autant, malgré des progrès timides dans les mentalités, beaucoup reste encore à faire.
Les idées et croyances : des freins
Les idées sont ancrées et imprimées dans l’inconscient populaire.
Alors que l’enfant est intuitivement attiré par l’animal, qu’il voit comme un être égal et ressent une empathie naturelle envers lui, les parents lui inculquent des idées de défiance : l’animal est dangereux, il peut vous dévorer et est porteur de toutes les maladies. L’animal, cet être accusé de tous les maux, est rejeté et subit, par conséquence, toutes sortes de sévices.
Les animaux considérés comme des êtres dépourvus d’utilité
Dans les pays où le seuil de pauvreté est élevé, un des critères qui est mis en avant est la rentabilité. C’est la raison pour laquelle, les animaux de ferme, bien que mal traités, sont considérés comme des biens et ont de ce fait un certain statut ; une vache, un cheval ou un mouton sont des sources de revenus, alors que les chats et chiens sont considérés comme des « objets inutiles» et sans aucune valeur.
Pourtant, dans la religion musulmane, les animaux sont cités comme étant des créatures à protéger et dont il est dit que leur accorder de la bienveillance peut faciliter l’entrée du croyant au paradis. Mais, pour la grande majorité, la réalité est tout autre, car dans l’opinion populaire, des croyances positionnent le chien comme un être impur et parfois même maléfique.
Alors que, dans le passé, les chiens avaient une fonction et une utilité sociale. Ils étaient les protecteurs et les nettoyeurs de la cité, en la débarrassant de ses ordures, des rats et autres animaux considérés comme « nuisibles » et en protégeant les troupeaux. Or, les chiens ont depuis perdu ce statut et sont devenus, dans l’imaginaire collectif, des sources de contagion. Leur mode de vie étant considéré comme vecteur de maladies, ils ont fini par être chassés des villes. Leur nourriture composée principalement de déchets et les parasites dont ils sont porteurs, ont contribué à cette corrélation avec des pathologies dont ils pourraient nous infester. Indésirables, ils souffrent toujours, à l’heure actuelle, de cet ostracisme.
Une autre raison pouvant expliquer la difficile acceptation du chien est que ce dernier n’est pas considéré comme un compagnon ou comme un auxiliaire apportant de la joie ou du plaisir, avec lequel on peut rentrer en relation et à qui il est possible de confier de multiples tâches d’assistance grâce à ses diverses aptitudes : sauvetages, auxiliaire de personnes handicapées, auxiliaire de police, ou de douane dans la détection de drogues.
En Tunisie, par exemple, une partie de la population utilise le chien comme gardien de chantier ou de ferme, sans subvenir réellement à ses besoins élémentaires, ces animaux restent souvent attachés à un mètre de corde, sans eau ou nourriture. Et, la plupart de ceux qui souhaitent posséder un chien sont friands de chiens de race, qu’ils exhibent comme un objet de standing mais dont ils en ignorent les contraintes. Un objet dont on se débarrasse quand il devient gênant ou qu’un chantier se termine, « une chose inutile » qui ira grossir les rangs des meutes errantes.
Combattre les réticences et les peurs
Or, avec cette prolifération incontrôlée et les risques réels de rage, puisque ces animaux ne sont pas stérilisés et vaccinés, il existe bien un réel problème de santé publique.
Bien souvent les habitants se sentent menacés car ils n’ont pas appris à cohabiter avec les chiens. De fait, quand on considère un animal comme dangereux et nuisible on réagit par peur et on se conduit de manière menaçante à son encontre, provoquant de la sorte une réaction d’agressivité en retour.
Le langage corporel d’un individu qui a peur est très bien décodé par les chiens, habitués à être malmenés et « caillassés » par l’Homme. C’est ainsi que s’installe la spirale de la peur, du côté de l’Homme mais aussi du côté de l’Animal, avec son lot physique et psychique de blessures dont aucun des protagonistes ne sort indemne.
Des solutions existent
En ce qui concerne la santé publique, les chiens sont, en Tunisie, les principaux vecteurs de rage. Et, il s’agit d’ un fait à ne pas négliger car il majore la vindicte dont cet animal est victime. Depuis 40 ans le pays tente de résoudre le problème par l’abattage des chiens de rues, sans résultats probants, car le chien étant un animal territorial, chaque animal tué est aussitôt remplacé par un congénère. Cette méthode de régulation, violente et indigne de nations dites civilisées, a été abandonnée dans la plupart des pays au profit de la méthode TNVR[1] qui favorise la capture, la stérilisation, la vaccination et la remise sur site des animaux. Cette méthode qui a prouvé son efficacité permettrait, avec un suivi sérieux, qui est d’atteindre un nombre d’animaux stérilisés qui soit supérieur au nombre de naissances et de diminuer les cas de rage dans un délai allant de 3 à 5 ans. A l’exemple de la Turquie, qui a adopté cette méthode et n’a plus connu de cas de rage humaine depuis 3 ans. L’avantage du TNVR serait également de protéger les enfants tunisiens qui sont les victimes indirectes de l’abattage. En effet, dans chaque municipalité pratiquant cette méthode expéditive, les enfants sont soumis au stress du bruit des cartouches, aux cris des animaux apeurés et fuyant les tirs et à la vue, les jours qui suivent, des cadavres qui n’ont pas été ramassés. Cet ensemble de facteurs est aujourd’hui reconnu comme pouvant provoquer un stress post-traumatique, qui à terme entraînerait une érosion de l’empathie avec une augmentation de la violence envers autrui ainsi qu’envers les animaux.
Comme cité plus haut, la Tunisie, comme tous les pays du Maghreb, est soumise à des croyances culturelles et religieuses qui majorent la crainte des animaux. Quand depuis leur plus jeune âge, on martèle aux enfants que les chiens sont dangereux et porteurs de toutes sortes de maladies, comment espérer qu’ils puissent développer leur empathie naturelle envers toutes les créatures vivantes ? Quand des adultes montrent l’exemple de la maltraitance ou pour le moins le mépris des chiens et des chats, comment peuvent-ils suivre leur intuition et apprendre à décrypter leurs attitudes et comportements et entrer en relation avec eux ?
C’est tout ce travail autour du relationnel et de l’écoute qui doit permettre d’apprivoiser la notion de contact et de relation à l’animal, ceci aussi bien dans le milieu scolaire que dans les quartiers, au contact des animaux errants. Il s’agit aussi de permettre l’expression des craintes des citoyens et convaincre que la cohabitation est possible, sous certaines conditions. Toute une éducation bienveillante à l’aide de fiches informatives, de discussions avec les citoyens, de rencontres avec des chiens, pour au final, permettre de mettre à distance les préjugés, pour rassurer, et instiller l’idée que l’animal, pour peu qu’on apprenne à le connaître , a une place et une utilité dans notre société.
Impulser le changement
Notre monde est en pleine mutation et des pays suivent cette évolution sociétale, notamment en terme de législation autour de la protection animale. Comme l’Allemagne, le Chili, le Danemark, les Pays-Bas,la Suède et la France avec les dernières avancées, gageons que les pays à culture musulmane creuseront cet écart.
Par la promulgation de lois pour protéger les animaux et par le fait de les reconnaitre comme des êtres sentients, en se basant sur les 5 principes du bien-être animal de l’ Organisation mondiale de la santé animale :
- ne pas souffrir de faim, de soif et de malnutrition ;
- ne pas souffrir de stress physique et thermique ;
- être indemne de douleurs, de blessures et de maladies ;
- avoir la possibilité d’exprimer les comportements normaux de son espèce ;
- être protégé de la peur et de la détresse.
La majorité des citoyens tunisiens l’ont bien compris et aspirent à une Tunisie où ils n’auront plus à craindre d’être confrontés à cette misère animale. Nous faisons le pari que ces tunisiens, en usant de pédagogie positive, inverseront la donne pour entraîner le plus grand monde sur le chemin de ce changement sociétal.
[1] De l’anglais : Trap-Neuter-Vaccinate-Release
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Poiget
13 novembre 2022 à 18h28
Protéger les animaux