Numéro 3Droit animalierLes Français et la condition animale

Marine Marques15 avril 20213 min

Longtemps laissée de côté, la condition animale est devenue un sujet de société à part entière et un enjeu contemporain majeur. De plus en plus présente dans le débat politique, la question de la condition animale touche de nombreux secteurs et remet en question grand nombre de nos pratiques, à l’instar de la chasse à courre ou à glu, des spectacles d’animaux sauvages, de l’expérimentation animale, du commerce d’animaux exotiques, de l’élevage à fourrure ou encore de l’élevage intensif. Dernièrement, de nombreux cas de maltraitance animale ont été recensés en France : une centaine de chevaux mutilés dans divers territoires à l’été 2020, plusieurs cas de maltraitance sur des animaux (chèvre, oiseaux) pendant des soirées privées et différents délits de chasse, pour ne citer que les plus récents et médiatisés. Dans un communiqué publié en janvier 2021, la Société Protectrice des Animaux (SPA) déplore une hausse de 16% des abandons de “nouveaux animaux domestiques” (lapins, furets, cochons d’Inde, chinchillas, serpents, etc.), le plus souvent achetés de façon compulsive lors du premier confinement et jetés par la suite comme de “vulgaires objets de consommation”. Déjà en 2019, la fondation 30 millions d’amis alertait dans sa campagne choc que la France serait “championne” européenne de l’abandon.

Quelques données

Chaque année en France, un milliard d’animaux sont abattus pour produire de la viande, parmi lesquels 933 millions de volailles (poulets, canards, dindes, poules, pintades, oies), 32 millions de lapins et 24 millions de cochons. De plus, 1,9 millions d’expériences animales auraient été conduites en France en 2018, à plus de 62% sur des souris. Cependant, les sondages IFOP réalisés en 2020 témoignent d’une prise en compte grandissante du bien-être animal, tant dans ses dimensions physiques que psychiques, dans les préoccupations citoyennes. Interrogés sur ce sujet, 82% des Français sont favorables à l’interdiction de l’élevage en cage et 77% sont favorables à l’interdiction des élevages dont le seul but est de commercialiser la fourrure. Au sujet des règles d’abattage, 86% des Français sont favorables à l’obligation d’étourdissement des animaux. 73% sont favorables à l’accompagnement des cirques (via les pouvoirs publics) vers des spectacles sans animaux sauvages. Enfin, 82% ont indiqué être “tout à fait opposés” à la chasse à courre.

Evolution des perceptions

La relation qu’entretiennent les humains avec les autres animaux a beaucoup changé avec le temps. D’abord perçu comme un moyen de se nourrir et dans certains cas un danger (relation chasseur/proie), les humains ont par la suite pris le contrôle sur les autres animaux. Ils ont alors commencé à les domestiquer, non seulement pour l’alimentation (viande et produits secondaires tels que le lait, le fumier ou les peaux) mais également comme moyen de traction pour les labours ou le portage. Si certains sont réservés à l’alimentation et considérés comme des moyens ou des machines, d’autres sont davantage perçus comme un compagnon, à l’instar du chat ou du chien. Pendant des millénaires, les animaux sont perçus comme de simples objets desquels les humains peuvent disposer à leur guise, sans prise en compte aucune de leurs besoins ou des souffrances qui leur sont infligées. Il faudra attendre 1850 pour voir apparaître la première loi pénale de protection des animaux en France : la Loi Grammont punissait alors toute forme de cruauté envers les animaux sur la voie publique. Cette loi sera élargie en 1959 au cadre privé. Quatre ans plus tard, la cruauté envers les animaux domestiques, apprivoisés ou captifs, devient un délit. Ce n’est qu’en 1976 que le code rural considère l’animal comme un être sensible dans son fameux article L214, et ce n’est qu’en 1999 que la loi distingue les animaux des objets au sein des biens.

Ces dernières années, la législation relative à la condition animale a plus que jamais évolué. En 2015, l’animal est consacré comme être sensible par le code civil et en 2018 apparaît le premier code de l’animal. S’agissant d’un code privé, il ne crée pas de nouvelle législation et n’a aucune valeur juridique, mais il regroupe l’ensemble des textes de loi et jurisprudences régissant nos rapports avec les autres animaux, une première en Europe. Le 29 janvier dernier, l’Assemblée Nationale a adopté une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale. Cette proposition de loi comprend diverses mesures visant, notamment, à interdire les animaux sauvages dans les cirques itinérants et les delphinariums et à lutter contre l’abandon en créant un “certificat d’engagement et de connaissance” lors de la première acquisition d’un animal domestique.

Partout dans le monde, les pratiques et la législation évoluent. Cependant, la France n’applique pas systématiquement les directives européennes relatives à la protection animale (voir article précédent) et, si elle protège davantage les animaux domestiques et sauvages, les animaux d’élevage sont quant à eux laissés de côté.

Marine Marques
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Étudiante en deuxième année de master en Affaires européennes à Sorbonne Université.
Auteur d’un mémoire de recherche portant sur les enjeux éthiques des actions de l'UE dans sa lutte contre le réchauffement climatique.

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