ActualitésDroit animalierHayao Miyazaki et le droit : du rêve à la réalité. Quelle place pour l’animal ?

Hania Kassoul14 juin 20213 min

Sous la direction de Yann Basire, Hania Kassoul, Michaël Laref, Emmanuel Netter

Dans la lignée du mouvement Pop Culture et Droit, ce colloque a été dédié au droit vu par le prisme de l’univers du Hayao Miyazaki. L’événement a offert à pas moins de 730 participants un voyage juridique et onirique au travers des œuvres de Maître japonais. Les deux temps forts de cette excursion ont été marqués, d’abord, par une plongée dans les relations interhumaines, puis, étendues aux rapports entre l’Homme et le monde. C’est au sein de cette seconde partie qu’a été proposée une lecture de la place de l’animal dans le monde imaginaire des studios Ghibli. Cette exploration a montré les contradictions qui existent dans les représentations de l’animal, tantôt vénéré, exploité, maltraité, redouté, vu aussi bien comme une personne que comme une chose sans âme. Or, cette schizophrénie du regard humain porté sur l’animal est le reflet d’une réalité socio-culturelle et juridique. Les récits imaginaires nous renvoient effectivement à trois regards que le droit traduit :  un regard anthropocentré, un regard naturocentré et un regard ontologique. Or, ce regard influence les normes encadrant nos interactions avec les animaux. Globalement, on en retient que le droit classe les animaux et aménage le degré de leur protection selon leur relation avec l’Homme, et à l’aune de leur utilité. L’amplitude des normes protectrices s’étend ou se dégrade principalement selon ce critère.

Est ainsi rappelé que l’approche anthropocentrée est le pilier de la patrimonialisation de l’animal qui, bien que reconnu « être vivant doué de sensibilité » par le nouvel article 515-14 du Code civil, est susceptible d’appropriation et reste encore, sous réserve des lois protectrices, un être réifié. Le sort de l’animal domestique, susceptible d’appropriation, dépendra largement de sa destination, de l’animal de production à celui de compagnie, en passant par l’animal utilitaire. Dans une conception naturocentrée, l’individu animal s’efface derrière le collectif : les animaux sont gérés comme des stocks, considérés comme des éléments de la nature qu’il convient de réguler, parfois protégés, d’autres fois éliminés parce que classés comme nuisibles. La protection juridique des animaux est donc une géométrie variable, allant de la quasi absence de protection pour certains, à une protection quasi absolue, poussant notamment à s’interroger sur le renforcement de la protection des animaux sauvages. Un troisième regard pourrait quant à lui être ontologique, s’intéressant à l’essence de l’animal pris comme individu. Cela porte notamment la question de sa personnalité juridique et de la reconnaissance de droits naturels, lesquels protègeraient universellement l’animal pour ce qu’il est intrinsèquement et non pour ses représentations et utilités contextuelles. A l’appui des œuvres de Ghibli, et d’exemples juridiques tirés du droit civil ou encore du droit constitutionnel, l’exposé aura voulu montrer les paradoxes qui animent les règles juridiques ainsi que, au-delà, l’imaginaire de l’Homme mis face au monde animalier et, ce faisant, face à son propre égoïsme.

Pour aller plus loin, il sera possible de retrouver l’ensemble de ces réflexions, au sein de la publication des actes enrichis du colloque, reprenant les questionnements éthiques et philosophiques qu’il est possible d’extraire des univers de Princesse Mononoké, Mon voisin Totoro, Le Voyage de Chihiro et Nausicaä de la Vallée du vent.

Le podcast des 4 heures de conférence est disponible ici : www.youtube.com/watch

Hania Kassoul
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Maîtresse de conférences en droit privé à l’Université de Poitiers

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