Numéro 9Politique & AnimauxLa condition animale s’épanouit aux journées d’été des écologistes

L’automne s’installe, avant que les souvenirs estivaux ne s’estompent, c’est le bon moment pour revenir sur les journées d’été des écologistes 2022. Cette année, c’était au tour de Grenoble d’accueillir du 25 au 27 août le rassemblement annuel des écologistes. Accueil symbolique pour le sujet qui nous occupe, la condition animale. En effet, quelques jours plus tard, lors de la rentrée des écoles, la ville devenait pionnière en matière de végétalisation des cantines. Pour la première fois en France, le menu végétarien devient le menu par défaut et les plats carnés passent en option.  

Les questions animales se sont ouvertes dès le premier jour avec une interview de Cédric Villani par Pauline Rapilly Ferniot élue d’opposition à Boulogne-Billancourt et membre de la commission. L’ancien député, plus que jamais actif sur le sujet, a évoqué Ruth Harrison, pionnière oubliée de l’animalisme. Il est ensuite revenu sur le rôle des députés dans le combat législatif en faveur des animaux ainsi que sur l’importance de l’Europe en la matière. 

Le vendredi matin, l’eurodéputée écologiste Caroline Roose, a dénoncé les impacts de la surpêche lors d’un atelier critiquant les abus de la pêche commerciale mondiale : destructions des populations de poisson ; destruction des habitats ; menaces sur la sécurité alimentaire et les pêches traditionnelles locales ; violation des droits humains. Comme Cédric Villani la veille, elle a aussi insisté sur l’importance de l’Europe comme alliée de poids pour contrer les dérives nationales. Il suffit de citer quelques exemples pour s’en convaincre :  condamnation de la France sur les chasses cruelles ; initiative de la Ferme à la Fourchette ; actions des eurodéputés en faveur du bien-être animal, dénonciation des transports d’animaux vivants sur les longues distances, etc.

Pisciculture, pêche de loisir ou commerciale : comment agir pour réduire la souffrance des poissons ?   

Laura Rouaux et Jean-Christophe Leclercq, co-responsables de la commission condition animale, recevaient du beau monde pour notre atelier phare. Sebastien Moro vulgarisateur scientifique et fondateur de Cervelle d’oiseau ouvre le débat en rappelant que la souffrance des poissons est un sujet très récent dans la communauté scientifique. D’un côté, les études sont principalement financées par l’agro-industrie alors que de l’autre, les informations n’ont pas encore eu le temps de se diffuser auprès du grand public. L’état des connaissances est cependant incontestable, les poissons perçoivent les changements de leur environnement et ils ressentent la douleur physique ainsi que le stress.  

Amandine Sanvisens, directrice et co-fondatrice de Paris Animaux Zoopolis rappela que la pêche reste avant tout l’acte de sortir brutalement un animal de son milieu naturel pour trop souvent le laisser étouffer sans prendre conscience de son agonie. Les poissons sont les grands oubliés de la condition animale. En effet, la France n’a pas de loi sur la souffrance ou la protection des poissons contrairement aux animaux terrestres. Elle propose aussi d’intégrer une formation sur la souffrance des poissons au permis de pêche. Après tout, les fédérations françaises de pêche ont plus d’adhérents que la Fédération française de football, ce serait donc un bon moyen de sensibiliser directement les acteurs et de réduire la souffrance des poissons à la source. Amandine Sanvisens est aussi revenue sur sa proposition d’interdire la pêche au vif. Cette pratique cruelle, consiste à insérer un hameçon le long de la colonne vertébrale d’un appât vivant (poisson ou batracien) pour pêcher des carnassiers. Cette méthode de pêche est déjà interdite dans plusieurs pays européens et elle ne fait pas l’unanimité chez les pêcheurs français.   

Adrienne Bonnet, responsable du Pôle Campagnes, Plaidoyer et Juridique de WELFARM a rappelé que si 70 millions d’animaux terrestres sont abattus chaque année dans le monde, les estimations montent jusqu’à 161 millions d’animaux aquatiques, toute espèce confondue. Elle est revenue sur les problématiques de l’élevage intensif des poissons : surdensité, parasites, maladies, absence d’enrichissement du milieu pour s’arrêter sur l’inefficacité de la technique du “slurry ice”. Cette méthode consiste à plonger les poissons dans un mélange liquide de cristaux de glace. Elle est censée éviter la lente agonie des poissons en les congelant instantanément, mais plusieurs études dénoncent son inefficacité. Adrienne Bonnet a terminé par la présentation de la démarche « Etica » qui vise à accompagner les acteurs de la restauration collective vers des approvisionnements respectueux du bien-être animal.

La députée écologiste européenne, Caroline Roose est revenue sur les propositions du Parlement européen de défendre les aires marines protégées et d’instaurer un moratoire contre le chalutage profond. Des propositions régulièrement contrées par les actions du gouvernement français, en phase avec les lobbies de la pêche industrielle. 2023 sera une année importante pour les animaux, car l’Union européenne prépare une révision en profondeur de sa législation sur le bien-être animal. L’occasion pour Caroline de porter la question de la souffrance des poissons au Parlement européen.

En soutien à L214 et à son enquête dénonçant les pratiques de l’un des plus gros éleveurs de lapin de France, les membres de la commission se sont joints en fin d’après-midi aux porte-paroles d’Europe Écologie – Les Verts pour publier un communiqué de presse dénonçant l’élevage intensif.

Le samedi de Brigitte Gothière

C’est toujours un plaisir pour les écologistes d’accueillir Brigitte Gothière, co-fondatrice de L214 et présente aux JDE depuis la fondation de l’association. Sa première intervention du samedi aura fait couler beaucoup d’encre virtuelle. Elle était, en effet, interviewée par la députée Sandrine Rousseau qui a relevé le rapport entre consommation de viande et l’appartenance à une identité de genre. À partir d’un état des lieux chiffrés de la situation, les deux intervenantes sont revenues sur les actions possibles aux différents niveaux politiques avant de présenter le calendrier des prochaines actions à prévoir. De la commune, à l’Union européenne comment interpeller les élus et faire avancer les questions animales – telles étaient les questions soulevées lors de l’atelier.

Enfin, pour conclure ces journées ensoleillées, des invités ont eu l’occasion d’évoquer pendant trois minutes de carte blanche, un sujet qu’ils souhaitaient partager. Brigitte Gothière en a profité pour interpeller les écologistes face aux à leurs comportements quotidiens.  On le sait, arrêter les énergies fossiles ne suffira pas à répondre à la crise environnementale, nous devons aussi agir sur les questions agricoles et alimentaires. Nous avons un levier fabuleux, réduire la production et la consommation de viande et des autres produits d’origine animale, y compris dans la pêche et l’aquaculture. Nous sommes ainsi 6 fois plus efficace, en termes d’émission de gaz à effet de serre lorsque nous mangeons végétal que lorsque nous mangeons local, et 40 fois par rapport à une alimentation carnée classique. C’est une question de solidarité sur le partage des ressources, en terre et en eau. C’est une question sociale, les éleveuses et les éleveurs, les ouvrières et les ouvriers d’abattoirs sont en détresse dans des conditions de travail précaires et innommables. C’est une question sanitaire et de santé publique avec les pathologies d’élevage, la résistance aux antibiotiques et la recrudescence des zoonoses. C’est enfin une urgence éthique vis-à-vis des animaux, dont 8 sur 10 sont dans des élevages intensifs et 400 000 tués en 3 minutes. Arrêtons de considérer comme de la “bouffe” des êtres sensibles et sentients.

Nous tenons à remercier tous les intervenants ainsi que toutes les associations qui ont fait le déplacement pour rencontrer les élus et militants écologistes à cette occasion.


Les membres de la Commission Condition Animale d'Europe Écologie-Les Verts
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