Numéro 8Animaux sauvagesCentres de soins pour la faune sauvage: une autre mission peu (re)connue

Aujourd’hui, le rôle des centres de soins de la faune sauvage ne se limite plus à soigner et réhabiliter des animaux. D’autres missions comme la sensibilisation et la médiation se sont rapidement imposées à eux, pour travailler en amont sur l’évitement des causes entraînant la détresse des animaux et pour continuer à favoriser une meilleure cohabitation avec l’homme. Mais saviez-vous que les centres de soins sont aussi un maillon important dans la surveillance sanitaire de la faune sauvage, et qu’ils sont de plus en plus sollicités par les scientifiques pour les données qu’ils génèrent ? Ces données précieusement récoltées permettent, par exemple, de repérer rapidement les épizooties et de mettre en évidence de nouvelles tendances pathologiques au sein des populations.

C’est ainsi que les centres de soins se sont rendu compte que les populations de hérissons d’Europe ne se portaient pas bien. Le centre de soins du CHENE s’investit depuis deux ans dans une enquête scientifique en partenariat avec le pôle EVAAS (Expertise Vétérinaire et Agronomique des Animaux Sauvages) de l’école nationale vétérinaire de VetAgro Sup Lyon, des trois autres écoles vétérinaires (Nantes, Maisons-Alfort et Toulouse), et du laboratoire d’analyses du département de la Seine Maritime, ainsi que celui de Vet diagnostics dans le Rhône.      « Près de 160 spécimens ont fait l’objet d’analyses très complètes basées sur une approche transdisciplinaire (histopathologie, bactériologie, toxicologie, parasitologie…). Les premières causes de mortalité sont les infections bactériennes, notamment la salmonellose, suivies par les traumas, les atteintes générales (déshydratation, cachexie…) et le parasitisme. Les intoxications ne constituaient la cause principale de la mort que pour 3% des animaux. Certains polluants sont néanmoins fréquemment détectés : le cadmium, le plomb et les rodenticides antivitamine K. En revanche, aucun des 200 pesticides recherchés n’a été détecté. Pour une grande partie des animaux, la cause de la mort était considérée comme multifactorielle et inclut l’intervention d’agents pathogènes, de toxiques et probablement de facteurs environnementaux. L’étude conduit à proposer l’hypothèse que certains facteurs, dont les polluants, puissent causer une immunosuppression et favoriser les infections bactériennes. Cette hypothèse devra faire l’objet d’études futures. Plus largement, il est nécessaire d’étudier la démographie de l’espèce et les facteurs humains qui affectent sa distribution et l’accueil en centre de soins », indique le pôle EVAAS.

Hérisson en soins ©Léa Cirotteau (Parole de Lea) & Jonathan Feraud – Reportage « Vivre Faune Alfort »

En 2015, L’Hirondelle a été le premier centre de soins français à identifier la souche espagnole du virus USUTU, affectant tout particulièrement les populations de merles noirs, grâce à des analyses effectuées dans le cadre du dispositif national de surveillance des maladies infectieuses des oiseaux et des mammifères sauvages terrestres (Réseau SAGIR).

Les centres sont également en première ligne lors des flambées d’Influenza aviaire dans les populations sauvages.

Il existe des projets internes réalisés dans les centres de soins rattachés aux écoles nationales vétérinaires qui permettent d’améliorer les connaissances et faire évoluer les compétences des soigneurs qui se dédient à la faune sauvage.

La majorité des centres participent également à des programmes scientifiques externes soit en transmettant des données brutes, soit en fournissant du matériel biologique. Les soigneurs se retrouvent alors à prélever organes, parasites, plumes, poils, ou crottes… en plus de leur activité principale de soins. Le temps qui y est consacré varie en fonction de la nature de la participation et suppose parfois une charge administrative supplémentaire puisqu’un centre de soins doit pouvoir justifier de la présence et de l’intégrité des animaux qui ont franchi ses portes, qu’ils soient vivants ou morts.

Quelques exemples de participations :     

Le Programme EriCoV pour lequel l’ANSES a sollicité les centres de soins pour la mise à disposition de matériel biologique (fèces de Hérisson d’Europe) afin d’apporter les données nécessaires à la connaissance des coronavirus présents chez les hérissons et les variations possibles entre ces différents coronavirus, grâce au géoréférencement des animaux et au séquençage des souches virales identifiées.

–  Le laboratoire de la rage et de la faune sauvage de Nancy, est à la tête du réseau national de surveillance et de suivi des infections à lyssavirus des chauves-souris (NB : Du grec lyssa « rage », dont il existe plusieurs agents différents). Il conduit des programmes de recherches, de développement et d’expertise dans lesquels les centres de soins apportent leur contribution, en leur adressant l’ensemble des cadavres de chauves-souris qui n’ont pas pu être soignées.

– 28 centres de soins participent ou ont participé au programme PUPIPO coordonné par Gilles Le Guillou, et dédié à l’étude des diptères pupipares hématophages (souvent appelés « mouches plates »), parasites des oiseaux, chauves-souris et autres mammifères. La participation des centres à ce programme est appréciée car elle permet de couvrir un large panel d’espèces hôtes. Un groupe du laboratoire « Biométrie et Biologie Evolutive » du CNRS recherche et identifie des bactéries pathogènes ou symbiotiques au sein de ces mouches en utilisant des techniques de biologie moléculaire (PCR). En plus des connaissances fondamentales sur les relations hôte-parasite, cela contribuera également à une meilleure connaissance des maladies transmises par ces vecteurs aux oiseaux. Le laboratoire s’intéresse également aux relations mouches-oiseaux et à leur structuration au niveau de l’espèce.

Ornithophila gestroi, le pupipare des faucons, mesurant 7 mm ©J.-D. Chapelin-Viscardi (Laboratoire d’Echo-Entomologie).

– En collaboration avec le Muséum National d’Histoire Naturelle (Jérôme FUSCH), les centres de soins cèdent des cadavres d’oiseaux d’espèces ciblées pour des études cytogénétiques.

Si les centres de soins participent volontiers à faire avancer les recherches, ils le font toujours gratuitement, quitte à rallonger les journées des soignants ou à écourter leur repos pour ne pas empiéter sur leur mission première, et en connaissant les risques liés à leur exposition à ces pathogènes. Nous souhaiterions donc que les centres de soins soient davantage reconnus dans cette mission.

Pour nous aider :  teaming.net/reseaucentresdesoinsfaunesauvage


Le réseau des centres de soins faune sauvage
Site Web | Autres articles

Association regroupant des centres de soins pour la Faune Sauvage française et d’outre-mer

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