Membre de la célèbre lignée des circassiens, André-Joseph Bouglione salue la décision du gouvernement d’interdire les animaux sauvages dans les cirques itinérants. Pour l’ex-dresseur de fauves, ce changement va être bénéfique pour la profession.
Barbara Pompili a récemment annoncé la fin progressive des animaux sauvages dans les cirques itinérants. Quel est votre sentiment ?
Ce sont des annonces positives, remplies d’espoir. Une rupture nette avec la tradition est réellement nécessaire et aujourd’hui, c’est de ça dont le métier a besoin. Il était temps que les politiques prennent la décision de l’imposer pour que les circassiens comprennent. Là ils ont une chance de se projeter dans l’avenir et d’essayer de se réinventer en arrêtant d’être dans le déni par rapport à la situation des animaux dans leur établissement. C’est un vrai progrès moral.
Vous qui êtes passé par là, avez-vous des conseils à donner aux circassiens ? De quelles manières peuvent-ils se reconvertir, réinventer leur métier?
Lâcher prise et arrêter. Nous sommes quand même les Bouglione. Nous avons été les premiers et les plus gros propriétaires d’animaux sauvages en Europe. Donc, si nous pensons pouvoir nous adapter, pour quelles raisons ces familles n’y arriveraient pas alors qu’elles ont des plus petits établissements depuis moins longtemps et avec moins d’animaux. C’est logique. Il faut faire un petit effort. Tout est avantageux à tourner sans animaux. Rappelons qu’il y a 75 à 80% de la population qui est favorable à cette mesure. Alors nous ne pouvons plus nous considérer comme un grand spectacle traditionnel populaire et tourner le dos à la majorité de la population. C’est paradoxal.
Cela fait plusieurs années que vous avez abandonné le modèle « traditionnel » du cirque avec animaux sauvages. Quel a été le déclic ?
En vivant avec mes animaux, je me suis rendue compte petit à petit que je me berçais d’illusions en pensant être un protecteur des animaux ou une personne participant à leur sauvegarde. Nous ne sauvegardons pas les animaux, nous sauvegardons une activité. Il est là le problème. Nous ne pouvions pas continuer. Cette situation nous posait un problème moral trop évident. J’ai également essuyé quelques critiques de la part du métier. On m’a souvent dit que je serais incapable de faire du cirque sans animaux. Finalement ce sont eux qui m’ont défié.
Suite à cette prise de conscience, vous avez décidé de vous lancer dans une nouvelle aventure, un cirque 100% humain. Comment se porte aujourd’hui l’activité ?
Aujourd’hui, l’activité est un peu en berne car nous n’avons pas pu commencer au moment où nous le souhaitions. Nous devions débuter au mois d’avril à Montpellier et nous avons dû reporter à cause de la crise du Covid. Maintenant, nous sommes repartis sur des dates au mois de décembre, à partir du 1er à Montpellier.
Les hologrammes font partie intégrante de votre nouveau spectacle ?
Les hologrammes c’est l’histoire d’amener une nouveauté. En réalité c’est un spectacle 100% humain. On ne remplacera pas les animaux par des hologrammes, ce serait insulter ces animaux qui nous ont donné, sans contrepartie, les meilleures années de leur vie pour faire notre gloire. Nous arrêtons tout simplement de présenter des animaux et nous créons un spectacle un peu différent. Nous nous adaptons à cette contrainte et nous allons faire évoluer les meilleurs artistes du monde dans un univers complètement féérique et holographique.
Pensez-vous que les enfants soient toujours aussi heureux d’aller au cirque s’il n’y a plus d’animaux ?
Je pense qu’ils ne sont pas idiots. Ce sont souvent eux qui ne souhaitent pas aller au cirque à cause des animaux. J’en ai été témoin à l’époque où j’avais mes fauves. Il m’est déjà arrivé de rentrer en cage et d’entendre des enfants pleurer. C’était dur, nous ne sommes pas là pour ça. Ils sont d’une sensibilité et d’une intelligence fantastique. Les enfants comprennent ces choses-là.
Quelle pourrait-être, selon vous, la prochaine étape des politiques en faveur du bien-être animal ?
Nous ne pouvons pas prioriser et mettre de la hiérarchie dans la souffrance. Les cirques n’étaient peut-être par la priorité des priorités par rapport à beaucoup d’autres problèmes. Effectivement, ce n’est pas cela qui sauvera le monde mais c’est un premier pas. C’est symbolique. Nous revenons de loin et je dis bravo.
Amandine Zirah
Rédactrice freelance