En raison des mœurs homophobes, les scientifiques ont longtemps utilisé des termes détournés pour parler d’homosexualité, tels que « pseudo-copulation », « comportement sexuel aberrant », « anormal », « déviant » ou encore « contre nature». Ces comportements étaient au mieux jugés comme de simples anecdotes, des comportements rares et sans valeur scientifique, au pire comme pathologiques… Or des comportements homosexuels (et bisexuels) sont aujourd’hui observés chez plus de 1500 espèces animales et il nous reste encore beaucoup à découvrir !
Les partenaires du même sexe peuvent se retrouver pour quelques instants ou rester ensemble des années durant. Ainsi, les couples homosexuels peuvent élever ensemble des petits. Les oiseaux sont notamment très connus pour cela. Il est ainsi recensé jusqu’à 20 % de couples de mâles dans certains groupes d’oies cendrées, et jusqu’à 31 % de couples de femelles dans certaines colonies d’albatros de Laysan. Les relations homosexuelles ont également été décrites chez de nombreux primates. La sexualité peut alors exercer une fonction sociale, comme c’est le cas chez les bonobos qui la pratiquent pour renforcer leurs liens sociaux ou pour se réconcilier après un conflit. Les macaques japonais y recherchent également une gratification sexuelle. Aussi, chez certaines espèces comme les insectes, beaucoup d’individus meurent sans jamais s’être reproduits. La reproduction n’est réservée qu’à quelques individus seulement, les autres s’occupent alors des petits de leurs congénères. Aider les membres de sa famille à élever leur progéniture est interprété comme une manière non sexuée de transmettre son patrimoine génétique. Puisque nous avons beaucoup de gènes communs avec les membres de notre famille, aider à la survie de leur progéniture participe à propager les gènes que nous partageons avec eux.
La science nous montre également qu’il n’y a pas de « sexe fort » ou seulement « deux sexes », mais une diversité de sexes, avec des manifestations beaucoup plus variées en comparaison de ce qui existe chez l’espèce humaine. En effet, l’humain possède un sexe mâle ou femelle. Il existe aussi des personnes intersexes : personnes nées avec des caractères sexuels qui ne correspondent pas aux critères utilisés pour définir le sexe mâle et femelle. Ces personnes subissent encore en France des opérations à leur naissance (sans leur consentement) pour correspondre aux critères sexuels. Or, les scientifiques ont pu observer des espèces qui possèdent plus de deux types sexuels, comme le blob qui est doté de 720 sexes différents. Il existe aussi des espèces hermaphrodites, qui peuvent changer de sexe au cours de leur vie, tels que certains annélides (des vers), certains poissons comme la girelle, le mérou ou encore des mollusques tels que l’huître. La plupart des végétaux sont aussi hermaphrodites et possèdent les éléments mâles et femelles en même temps.
Des facteurs autres que génétiques peuvent déterminer le sexe d’un individu. Par exemple, le sexe des crocodiles est déterminé par la température de la couvée. De plus, la présence d’une génitrice et d’un géniteur n’est pas absolument nécessaire pour engendrer une descendance. En effet, certains insectes ou reptiles se reproduisent par clonage des femelles (parthénogenèse). Cependant, la faible diversité génétique liée au clonage entraîne un désavantage pour s’adapter aux changements environnementaux ainsi qu’une plus grande probabilité d’être touché par des maladies.
Même si la répartition des tâches en fonction du sexe existe chez de nombreuses espèces animales, elle paraît moins prononcée et plus diversifiée chez les autres animaux que chez les humains. Il n’existe alors pas de comportement propre à chaque sexe. Par exemple, les femelles émeus combattent, les lionnes chassent, de nombreux poissons et oiseaux mâles s’occupent de leurs petits, les femelles hyènes tachetées dominent la hiérarchie sociale, etc. Certaines espèces comme les manchots ou les goélands montrent peu de différences comportementales entre les sexes. Le comportement d’un individu peut être influencé par de nombreux facteurs sociaux, environnementaux et culturels, en plus de ses gènes. Ainsi, l’expérience personnelle, la disponibilité des ressources et les transmissions culturelles peuvent influencer le comportement d’un individu autant que son sexe. Le comportement d’un individu ne peut pas être prédit uniquement à l’aide de ses organes reproducteurs, la vie est bien plus complexe que cela.
Il est aujourd’hui clair que la sexualité hétérosexuelle n’est pas la seule option disponible dans le règne animal. L’éthologie nous offre une autre manière de voir et d’apprécier le vivant et met en évidence nos biais homophobes (biphobes) et sexistes.
Sources :
Lecointre, G. (2022). Manifeste du Muséum. Aux origines du genre (Muséum national d’Histoire naturelle / Reliefs Éditions).
L’homosexualité existe-t-elle chez les animaux ? (s. d.). Muséum national d’Histoire naturelle : mnhn.fr/fr/l-homosexualite-existe-t-elle-chez-les-animaux
Qu’est-ce que le sexe ? (s. d.). Muséum national d’Histoire naturelle : mnhn.fr/fr/qu-est-ce-que-le-sexe
Delphine Debieu
Vulgarisatrice et animatrice scientifique