Numéro 12EnvironnementPollution sonore et bien-être animal

Delphine Debieu17 juillet 20234 min

En un peu plus de 40 ans, 60% des populations de vertébrés sauvages ont disparu dans le monde, principalement à cause des activités humaines. Nous avons une grande influence sur la biodiversité, nous transformons les habitats naturels et mettons régulièrement en danger la survie des espèces animales et végétales. Nous exerçons de nombreuses formes de nuisances : chimiques, visuelles, sonores, olfactives, destruction d’habitats naturels, chasse et pêche, etc. Nous aborderons dans cet article les conséquences de la pollution sonore sur le monde animal.

L’être humain est capable d’entendre des fréquences comprises entre 20 Hz et 20 000 Hz. Mais beaucoup d’animaux sont capables d’entendre des sons que nous sommes incapables de percevoir (infrasons et ultrasons) et peuvent être gênés par ces derniers. L’augmentation des activités humaines entraîne un accroissement de la pollution sonore. Elle interfère dans certaines fonctions vitales des animaux, dont la communication, allant jusqu’à les blesser gravement (traumatismes acoustiques, organes sensoriels endommagés, hémorragies internes…). Qui n’a jamais entendu parler des échouages massifs des baleines, que les scientifiques mettent en lien avec les sonars sous-marins.

Les bruits liés aux transports et à l’industrie stressent les animaux et impactent leurs comportements. Le stress chronique a des effets délétères sur la croissance, les fonctions immunitaires, ou encore perturbe le sommeil des individus. Des chercheurs ont aussi observé une perturbation des relations parents-enfants chez des oiseaux exposés à des nuisances sonores. En effet, les oiseaux exposés au bruit réduisent leurs comportements de nourrissage envers leurs petits, probablement à cause du masquage par le bruit des cris de mendicités de leur progéniture. En plus de perturber leur communication, le bruit peut camoufler les prédateurs et ainsi réduire leurs chances de survie.

Les conséquences des nuisances sonores humaines ne s’arrêtent pas là. La pollution sonore va jusqu’à influencer la physiologie et l’organisation même du cerveau des individus y étant exposés. Diverses zones cérébrales voient leur volume diminuer sous l’influence du bruit. Ces dernières contrôlant entre autres, les fonctions cognitives, l’exposition précoce au bruit peut induire des troubles de l’apprentissage, de la mémoire et nuire aux capacités d’adaptation des animaux.

Les études scientifiques mettent également en évidence le fait que de nombreuses espèces sont moins abondantes à proximité des sources de pollution sonore. Le stress (induit par la pollution sonore) est en effet connu pour influencer les capacités reproductives. Le bruit peut également masquer les vocalisations des animaux, ainsi le chant ou cri d’un animal destiné à séduire un partenaire peut ne pas être entendu. Les animaux exposés à un bruit continu diminuent leurs parades nuptiales, or elles constituent un élément crucial pour la reproduction.

Pour conclure, les conséquences des nuisances sonores humaines sont considérables, de nombreuses espèces sont affectées par celles-ci. La perturbation de la communication acoustique est l’une des raisons de leur déclin. Fort heureusement, certaines populations arrivent à outrepasser le masquage induit par cette pollution en adaptant leurs modes de communication (communiquer la nuit quand le bruit est plus faible, modifier l’amplitude, la fréquence et la complexité de leurs signaux sonores, utiliser des signaux visuels, etc.), ce qui peut par exemple donner naissance à différents dialectes selon les populations. Cependant, même si certaines espèces arrivent à s’adapter, beaucoup n’y parviennent pas. La chute massive de la biodiversité actuelle nous indique qu’il est indispensable de repenser entièrement notre manière de cohabiter avec les autres espèces. Il est donc urgent de revoir notre système économique, avant que les chants et cris de ces animaux ne disparaissent à jamais et ne soient audibles pour les générations futures qu’au travers de documentaires.

Les précédents confinements dus au covid-19 nous ont donné l’opportunité d’apercevoir des changements dans les villes et lieux habituellement hautement fréquentés. En effet, du fait de la réduction de nos activités (et donc du bruit) nous avons de nouveau pu entendre les oiseaux chanter, ou encore, observer le retour dans nos ports de poissons et de dauphins. Bien qu’il est peu probable que notre monde devienne plus silencieux et moins pollué dans un avenir proche, cette expérience peut nous donner un espoir quant à une possible prise de conscience de notre espèce sur les conséquences de nos activités vis-à-vis du monde animal.

Sources :

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Delphine Debieu
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Vulgarisatrice et animatrice scientifique

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